Chemin de croix, Pâques ou Ascension? De la théologie à partir du sport

Je lis aujourd’hui dans le quotidien suisse Le Temps, un article de @LaurentFavre qui relate la défaite de Fribourg Gottéron contre Lausanne Hockey Club dans une demi-finale du championnat suisse de hockey. Le journaliste utilise notamment des termes chargés de valeur théologique:

Le Temps, 8 avril 2024

L’article rappelle que tous les ans à l’époque de Pâques, Fribourg Gottéron et ses fidèles espèrent remporter le titre de champion suisse de hockey. Que tous les ans à l’époque de Pâques, ils en sont proches. Mais que tous les ans à l’époque de Pâques, ils doivent faire leur deuil puisque Fribourg Gottéron est éliminé.

Du point de vue du hockey, rien à redire. Mais du côté de la théologie, on peut faire mieux.

L’expression « chemin de croix » fait référence au parcours de Jésus depuis sa condamnation jusqu’à sa crucifixion. La tradition catholique identifie 14 « stations », c’est à dire 14 étapes ou 14 événements sur ce « chemin de souffrance ». Mais le chemin de croix s’arrête au Vendredi saint, le jour où le christianisme se souvient que Jésus a été exécuté. À Pâques, la tradition chrétienne affirme que Jésus crucifié a repris vie. Tous les ans quand vient Pâques, revient donc l’espoir que la vie peut jaillir même du pire des supplices, même de la pire des morts. Théologiquement, Fribourg Gottéron et les fidèles ont donc raison d’espérer tous les ans que leur Pâque vienne, qu’elle leu apporte le titre tant espéré. C’est cet espoir, cette confiance ou cette foi qui font d’un club une religion.

Mais cette année, Pâques est déjà passé et Fribourg Gottéron joue encore. Je propose donc de rester dans les fêtes chrétiennes, mais d’utiliser celle de l’Ascension. Célébrée 40 jours après Pâques, elle marque le moment où Jésus serait « monté au ciel », manière de dire qu’il est devenu pleinement Dieu. Au moins jusqu’à l’Ascension, Fribourg Gottéron et ses fidèles peuvent encore espérer une issue heureuse. Ils peuvent encore gravir le plus haut sommet et devenir l’égal des clubs de hockey déjà auréolés du titre de champion suisse.


Sur la religion du hockey, mais à Montréal, on peut consulter les pages qui présentent mes travaux:

Si Jésus avait été un poisson… (Le poisson comme symbole chrétien, seconde prise)

J’ai été interrogé par Lucas Vuilleumier pour Protestinfo sur le poisson comme symbole chrétien. On peut lire mon opinion et celles de mes collègues Sarah Scholl et Daniel Marguerat dans le quotidien vaudois 24Heures ou dans La Tribune de Genève: « Eucharistie: Un poisson nommé Jésus » (Ne me demandez pas pourquoi le quotidien a mis « Eucharistie » dans son titre, je n’en ai aucune idée).

Je ne suis qu’un simple être humain et je n’ai pas toujours l’inspiration. Ce n’est qu’après coup que je me suis souvenu d’un mot de Coluche qui disait:

« Si Jésus était mort noyé, les chrétiens auraient l’air malin avec un aquarium autour du cou ou au-dessus de leur lit. »

Mais si Jésus avait été un poisson, il ne serait jamais mort noyé. Remarquez, on ne rencontre pas non plus beaucoup d’agneaux crucifiés…


Lire aussi mon billet de blogue : Le poisson comme symbole chrétien

Profiter du Ramadan, c’est lait!

En Côte d’Ivoire, la marque de lait Candia propose trois emballages spéciaux pour le Ramadan, en édition limitée.

Depuis la page Facebook de Candia Côte d’Ivoire

  • L’étiquette rouge souhaite « Bonne rupture du jeûne ».
  • L’étiquette verte enjoint: « Partage avec les autres ».
  • Et l’étiquette bleu commande: « Rappelle-toi de prier ».

On sait que les marques sont prêtes à récupérer tout ce qui pourrait faire vendre. Mais là, la ficelle me semble quand-même un peu grosse. À qui fera-t-on croire que Candia se soucie réellement de la spiritualité de celles et ceux qui boivent son lait?

P.S. Grâce à cette publicité, j’ai au moins découvert que « Ramadan Kareem » est un souhait qui signifie « Généreux Ramadan ».

Faut-il se repentir dans la rue devant témoin à haute voix ?

Je ne me serais jamais posé une telle question, si je n’avais pas vécu cette expérience.

Je sors du métro et je rencontre un homme sympa et un peu illuminé. Il harangue les passant·es et fait de la propagande pour le christianisme. Il me tend une brochure publiée par une Église évangélique.

  • « La Bible dit que si tu as le Saint-Esprit, tu peux dire “Jésus est mon Seigneur”. Peux-tu le dire ? », qu’il me dit.

Je tergiverse un peu.

  • « Je peux dire que Jésus est le Christ », que je lui réponds.

Mais il ne se laisse pas rouler.

  • « Oui, il est le Messie. Mais c’est plus important de confesser qu’il est ton Seigneur », qu’il me dit.

De bonne humeur, je le fais.

  • « Jésus est mon Seigneur », que je confesse.

Il continue.

  • « Es-tu assez humble pour lire à haute voix devant moi la prière de repentance qui est à la page 3 ? », qu’il me demande.

Je crois bon de préciser que j’enseigne la théologie, ce qui ne semble pas l’intéresser. Alors, je lui explique.

  • « Quand lors d’un culte, je demande aux célébrant·es de le lire dans leur tête une première fois pour vérifier si elles et ils sont d’accord avec le texte », que je lui dis.
  • « D’accord », qu’il me répond.

Comme je trouve la prière un peu trop culpabilisante, je me défile.

  • « Le pardon, c’est une affaire privée entre Dieu et moi. Ta prière, je la lirai peut-être tout seul devant Dieu », que je lui dis.

Mais il n’abandonne pas.

  • « La Bible dit qu’il faut se repentir à voix haute devant un témoin », qu’il me répète.

Un peu lassé, je veux terminer à la discussion.

  • « Selon Jésus, où doit-on prier ? » que je lui demande.
  • « Dans sa chambre fermée à clef », qu’il me répond. [Matthieu chapitre 6, verset 6]
  • « C’est ce que je ferai », que je conclus.

Nous nous sommes mutuellement transmis la bénédiction divine et serrés la main. J’ai continué à marcher et lui à tenter de convertir les passant·es.

De la théologie par le sport: communion avant baptême

Titre dans L’Équipe aujourd’hui:

Si je comprends bien l’article, l’équipe féminine de football de Benfica Lisbonne va jouer pour la première fois un quart de finale de la Ligue des Champions, ce qui représente son baptême. Avant cet événement, elles se sont rassemblées, regroupées, réunies, ont resserré leurs liens, ce qui est une communion.

L’ordre des mots du titre inverse la pratique chrétienne habituelle. Dans les Églises, le baptême – qui marque l’entrée dans le « peuple de Dieu » et aussi dans une Église particulière: catholique, orthodoxe, protestante, etc. – précède la communion, c’est-à-dire l’eucharistie ou la (sainte)-cène. En général, le baptême donne le droit de participer à la communion et donc de manger du pain ou l’hostie et, dans l’orthodoxie et le protestantisme, de boire du vin.

Je sais par expérience que cette condition n’est plus appliquée dans les Églises réformées. Elles invitent chacune et chacun à partager le « repas du Seigneur », sans aucune condition. De fait cette position valide le titre de L’Équipe. La communion précède le baptême. On commence par se rassembler, se regrouper, se réunir, et resserrer les liens avec Dieu, dans une communauté avant de célébrer un rite qui témoigne d’une confiance en Dieu et marque l’appartenance à une communauté.

Du sport dans la religion: aujourd’hui les « lieux de culte »

Aujourd’hui dans le quotidien L’Équipe, je trouve ce titre:

L’Équipe, 14 mars 2024

Il recense et présente les cinq segments les plus, que faut-il écrire, craints, attendus, espérés? dans les cinq courses cyclistes les plus, que faut-il écrire, fameuses, traditionnelles, importantes?

Je vous laisse lire l’article pour découvrir les segments (il est réservé aux abonnés), mais j’indique les courses: dans l’ordre le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Milan-SanRemo, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie.

Pourquoi sont-ils des « lieux de culte »? Parce que ce sont des « endroits mythiques », des « madeleines de Proust », légende du cyclisme », un « mélange de nostalgie, de passion et même de souvenirs heureux voire douloureux », que l’un suscite de la « magie » et un autre associé à « l’enfer ».

Quand il s’agit de religion, les lieux de culte sont simplement les lieux où se déroule le culte, qui est une célébration communautaire. Ce sont souvent des bâtiments destinés spécifiquement à cet usage – église, chapelle, temple, synagogue, mosquée etc. – mais ce peut-être n’importe quel endroit où un culte est célébré: salon, stade de football, salle de spectacle ou clairière dans la forêt, etc.

Quand il s’agit de culte, plus que l’endroit, ce sont les circonstances qui importent. Plus que le lieu de culte lui-même, c’est ce qui se vit dans les lieux de culte qui compte. Alors oui, certains lieux où j’ai vécu des cultes fonctionnent comme des madeleines de Proust. Je les associe à des souvenirs heureux dont je peux être nostalgique. Ce qui contribue à faire de moi le chrétien que je suis aujourd’hui.