On le sait peut-être, je m’intéresse aux manières de lier sport et religion: la religion dans le sport, le sport dans la religion, le sport comme religion et la religion comme sport (voir sur mon blogue l’onglet Sport et religion).
J’ai découvert hier une nouvelle manière d’associer sport et religion, quand on m’a rappelé combien certaines personnes détestaient l’idée de sport parce qu’il avait généré des expériences traumatisantes alors qu’elles étaient enfants : souffrances physiques quand on manipulait, torturait ou infectait leur corps pour obtenir de meilleures performances ou qu’on les punissait pour de mauvais résultats ; souffrances psychologiques provoquées par des abus de toutes sortes, causés impunément par des personnes de confiance.
Le parallèle m’a paru évident et j’ai immédiatement pensé qu’il en va de même pour la religion. Certaines personnes détestent l’idée même de religion parce que l’Église qu’elles fréquentaient leur a imposé, au nom de Dieu, des souffrances physiques — privations, châtiments corporels, abus sexuels… — psychologiques — vexations, humiliations… — et spirituelles — endoctrinement, privation de la liberté de conscience, interdiction de croire par soi-même… —. Comment le leur reprocher ?
Jeudi 23 mars dès 18 heures, je participe à la soirée rupture de jeûne et au débat: « Jeûne, pratiques alimentaires religieuses et discriminations » dans le cadre de la semaine contre le racisme en Ville de Genève. La soirée a lieu au Centre paroissial Servette Vieusseux, Avenue Wendt 55, 1203 Genève. Elle est publique, il faut s’inscrire sur le site de « Servette contre le racisme« .
« A l’occasion de la rupture du jeûne des musulman.e.s et des jeûneur.se.s chrétien.ne.s de Pâques, invitation à se réunir pour partager une soirée très spéciale autour des pratiques alimentaires religieuses.
Programme de la soirée 18h Célébration interreligieuse 19h Repas – couscous végétarien 20h Table ronde »
Lundi 27 mars, j’anime une journée de formation pour les diacres stagiaires des Églises réformées de Suisse romande, dans le cadre de l’Office protestant de formation. Je vais tenter de convaincre cette troisième volée à utiliser tous leurs sens dans leur ministère. Mais en général, ielles sont acquis·es à l’idée!
« Profitez du temps d’un repas pour échanger et débattre des enjeux et pratiques liés à l’alimentation. De l’entrée au dessert d’un menu concocté par le restaurant le Nabi – qui mettra à l’honneur pour l’occasion un concept de cuisine crue, brute et végétale – des chercheur·es et spécialistes de divers horizons se succèderont à votre table pour discuter et s’interroger. De la fin de la nourriture de l’autre bout du monde à notre dernier repas, et si on mangeait comme si c’était la fin d’une ère? »
« Une lectrice régulière » de mon blogue m’a envoyé la photographie d’une affiche en me demandant de la décrypter. J’ai choisi à le faire avec quelques un·es des étudiant·es de mon cours d’introduction à la théologie pratique. Merci donc à Jade, Maeva, Nathan et Yannick.
Nos remarques générales
En Suisse, le 5 mars 2023 est la « journée des malades ».
« Culte », « temple », « paroisse », autant de termes qui disent le christianisme et le protestantisme.
L’affiche dit où le culte se passera — Corsier et Corseaux sont deux villages proches de la vile de Vevey —, mais ne dit pas à quelle Église la paroisse appartient.
« Invitez du monde » dit que l’affiche s’adresse aux habitué·es à qui l’on demande d’élargir le cercle, dans « le monde » que le Nouveau Testament oppose parfois aux disciples de Jésus.
Notre analyse
Le point le plus intéressant et potentiellement le plus problématique est cette expression : « culte avec prière pour la guérison ». Est-elle trop ambitieuse ? Est-elle irréaliste ? Est-elle trompeuse ?
Nous avons noté que…
La guérison est attachée à la prière, non pas au culte et quelle est donc laissée à Dieu à qui la prière sera probablement adressée.
La guérison n’est pas garantie ; c’est une prière pour la guérison, pas une prière de guérison.
Le type de guérison n’est pas précisé ; la guérison pourrait advenir dans les trois ordres de la santé : guérison physique, psychologique, spirituelle.
La manière dont la guérison pourrait arriver reste ouverte : par un miracle, une opération, un médicament, une bonne hygiène de vie, etc.
Nous avons encore discuté de l’image, de la croix coupée en deux.
En soi, la croix est un symbole de violence, de souffrance et de mort. Pour le christianisme, elle signale aussi que Dieu reste présent·e avec celles et ceux qui sont victimes de violence, qui souffrent et qui meurent. Mais que signifie une croix brisée ? Qu’il y a quelque chose à réparer ? Ce serait peut-être alors la relation entre les êtres humains et Dieu. À moins que la croix ne soit pas brisée, qu’elle soit soit une longue croix qui passe derrière l’affiche pour entourer les malades ?
Notre conclusion
Nous avons conclu que l’affiche est théologiquement légitime, même si elle peut induire des déceptions ou des frustrations. Que se passera-t-il si une personne invitée, une personne « du monde », vient en pensant sincèrement qu’elle-même ou un·e de ses proches va guérir, mais qu’elle reste malade ? Qui rendra-t-elle responsable de l’échec ? En voudra-t-elle à la paroisse, à la prière, à Dieu ou à la personne malade ? Parler de guérison fait toujours courir le risque d’ajouter à la maladie la culpabilité.
Notre approfondissement
Par acquit de conscience, nous avons visité le site Internet de la paroisse réformée de Corsier-Corseaux. Dans l’agenda des cultes, nous avons trouvé une autre présentation du culte :
Nous avons jugé que « prière pour les malades » était une expression moins porteuse, mais plus honnête que « prière pour la guérison ». Car nous ne pouvons pas être certain·es que les malades seront guéri·es. Mais nous devons prier, demander, réclamer exiger que l’on prenne soin d’elles et d’eux.
Comment ça « évidemment »? Tout le monde sait que le carnaval se termine à mardi gras. Avec le mercredi des cendres, c’est le carême qui commence.
C’est ce qu’indique le calendrier catholique. Mais rien n’oblige à le suivre. En 1529, Bâle est devenue une ville protestante.
Et alors?
Alors, quel meilleur moyen d’affirmer sa nouvelle identité que de fêter, de manger gras et de boire beaucoup au moment même où le catholicisme réclame de faire pénitence et de faire maigre.
Ce n’est pas pour dire, mais cette volonté de se démarquer est un peu enfantine.
Peut-être. Mais si ça fait du bien aux un·es sans faire de mal aux autres, je prends.
Sur le calendrier de Mardi gras jusqu’à Pâques, on peut lire ma série de billets « Le jour V : un conte à rebours de Mardi gras à Pâques ». En 2021, j’y proposais huit chroniques échelonnées de Mardi gras à Pâques où j’évoquais un moment de la vie gastronomique et spirituelle d’une famille œcuménique multiculturelle avec deux mamans et un enfant, bref d’une famille tout à fait typique.
En Europe occidentale, le refroidissement religieux fait de la chrétienne ou du chrétien une espèce menacée, peut-être même une espèce en voie d’extinction.
Le chien diacre qui œuvre chez les « réformés vaudois » (voir mes billets La solution à la crise des vocations et Tahïko, le chien diacre) me rappelle des métaphores animales qui me semble apporter du sens quand aux manières d’être chrétienne ou chrétien.
Comme des chiennes et des chiens, certain·es chrétien·nes s’attachent à des personnes et suivent leur pasteur·e, leur prêtre ou leur diacre.
Comme des chattes et des chats, certain·es chrétien·nes s’attachent à des lieux et reviennent toujours dans leur église ou leur temple.
Comme des abeilles, certain·es chrétien·nes butinent de pasteur·es en prêtres, de temples en églises.
Comme des oiseaux migrateurs, certain·es chrétien·nes réapparaissent à certaines saisons: Pâques (rarement) ou Noël (plus souvent).
On pourrait allonger la liste et vos suggestions me feront plaisir.
Il n’y a ni bonne ni mauvaise façon d’être chrétien·ne. Aux Églises de trouver comment prendre soin des un·es et des autres.
Sur une autre métaphore animale pour désigner les « fidèles », on peut lire mon billet Un Bon Berger?