Pour marquer le début du Ramadan, je propose quelques réflexions sur la nourriture halal. Car le 5 juin dernier, j’étais à Québec pour rencontrer le député André Simard, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’agriculture et d’alimentation à l’Assemblée Nationale du Québec. Dans le cadre du débat sur la vente de viande halal au Québec, il voulait entendre mon avis sur “l’abattage rituel”. Voici les réflexions que je lui ai transmise (conçues avec l’aide de Sharam Nahidi):
- Se nourrir étant un besoin essentiel, tout ce qui touche à l’alimentation revêt un aspect particulièrement fondamental.
- Dans une perspective large, les spiritualités (religions, éthiques, philosophies ou croyances) ont un impact sur les habitudes alimentaires: du Carême à la soupe qui fait grandir, en passant par le goût du terroir. D’où la devise du GRAS: « on mange (aussi) comme on croit ».
- Parce que l’on à tendance à croire que l’on est ce que l’on mange (ou que l’on n’est pas ce que l’on ne mange pas), la nourriture sert aussi de marqueur identitaire: un juif se sent juif parce qu’il mange cacher; un végétarien se croit plus pacifique parce qu’il ne tue pas d’animal; et c’est en mangeant de la poutine que l’on pense devenir québécois).
- Lorsqu’une religion fixe des règles alimentaires, elle le fait de manière arbitraire pour que les croyant-e-s y obéissent par seul motif de foi.
- Ce qui n’empêche pas d’y retrouver des justifications d’hygiène (le cheval élimine son urée par les muscles, le porc peut transmettre la parasitose nerveuse), économiques (une vache vivante rapporte plus qu’une vache morte), sociales (interdire le porc, c’est favoriser les nomades qui ne peuvent pas en élever au détriment des sédentaires), etc.
- Et ce qui ne dispense pas les théologiens et les responsables religieux de rendre compte rationnellement des règles alimentaires qu’ils promeuvent, par exemple de leurs impacts sur la santé des croyant-e-s, sur le bien-être des animaux ou sur la vie en société.
- Quant à l’islam, il répartit les aliments entre haram (illicite) et halal (licite). Sont notamment haram: l’alcool, le porc, tout animal carnivore, tout oiseau sans pattes fourchues, tout poisson sans écailles, et tout animal qui n’a pas été abattu selon le rituel.
- Mais la hiérarchisation est plus fine, elle comprend les catégories suivantes de nourritures: interdites, à éviter, neutres, recommandées, obligatoires. Par exemple, la viande crue esthalal, mais elle est à éviter; le lait est neutre; les dates sont recommandées (elles sont mentionnées dans le Coran et ont été consommées par le Prophète).
- Les rites d’abattage remplissent une double fonction: ils permettent de remercier Dieu de nous donner à manger et de s’excuser auprès de l’animal de devoir le tuer pour le manger.
- En islam, l’abattage rituel halal implique six conditions :
- L’abatteur doit être un « homme du livre », c’est-à-dire, un musulman, un juif ou un chrétien.
- Il ne faut pas que soit invoqué sur l’animal un autre nom que celui d’Allah.
- L’animal doit être tourné la tête vers la Mecque.
- Il doit être égorgé vivant (il semble qu’un étourdissement soit possible, s’il n’entraîne pas la mort).
- L’abatteur doit trancher d’un seul coup les deux canaux qui transportent l’air et le sang.
- L’animal doit être saigné complètement.
- Pour décider d’interdire ou d’autoriser cet abattage rituel, il convient de répondre à deux questions:
- Une question de santé: Dans quelle mesure augmente-t-il (ou diminue-t-il) les risques sanitaires pour le/la consommateur/trice?
- Une question éthique: Dans quelle mesure augmente-t-il (ou diminue-t-il) la cruauté inhérente à la mise à mort d’un animal? Questions liées : les musulmans du Québec, dans leur diversité, peuvent-ils accepter l’utilisation d’un moyen visant à diminuer la souffrance de l’animal? Si oui, lequel?
- Dans le cas où cet abattage rituel serait autorisé, le/ la consommateur/trice devrait être informé de la manière dont l’animal duquel provient sa viande a été abattu (question de traçabilité).