Les Mayas se sont trompés? Jésus aussi!

La fin du monde ne s’est pas produite, les Mayas s’étaient trompés. Qu’ils se rassurent, ils ne sont pas les seuls! Autre époque, autre personne, mais même message et même erreur. Lisez plutôt:

« Il va sans dire qu’en attendant la fin prochaine du monde, Jésus s’est trompé… comme s’étaient trompés les prophètes qui annonçaient comme imminent le Jugement ou le salut opéré par Dieu ou même comme le ‘Second Ésaïe’, qui l’annonçaient comme faisant irruption dans l’ère présente. » Rudolf Bultmann (1969). Le christianisme primitif dans le cadre des religions antiques, Paris, Payot: 109

Cette citation du théologien protestant allemand Rudolf Bultmann (1884-1976) représente certainement l’une des affirmations les plus surprenantes de sa théologie. Comment un théologien chrétien peut-il prétendre que Jésus s’est trompé? Dire que Jésus s’est trompé, n’est-ce pas remettre en cause toute la foi chrétienne? Cette phrase mérite donc d’être discutée, car (comme le disait mon professeur de Nouveau Testament Jean Zumstein) si l’on peut dire que Jésus s’est trompé, on peut aussi dire, a fortiori, que Bultmann s’est trompé! Mais un survol même rapide du Nouveau Testament confirme la thèse de Bultmann. À lire les évangiles, Jésus attendait bel et bien une fin du monde imminente (il serait plus correct d’écrire « les évangiles synoptiques attribuent à Jésus l’attente d’une fin du monde imminente »).

Jésus a lui-même fixé la date limite à une seule génération: « De même, vous aussi, quand vous verrez cela arriver, sachez que le Fils de l’Homme est proche, qu’il est à vos portes. En vérité, je vous le déclare, cette génération ne passera pas que tout cela n’arrive. » (Marc 13, 29-30). Il a affirmé que ses contemporains verraient de leur vivant l’accomplissement des prophéties: « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez! Car je vous le déclare, beaucoup de prophètes, beaucoup de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu » (Luc 10, 23-24).

Il est vrai qu’il existe quelques textes qui mentionnent un délai entre l’époque de Jésus et la fin du monde. Je peux par exemple citer ce verset de l’évangile de Marc: « Il faut d’abord que l’Évangile soit proclamé à toutes les nations. » (Marc 13, 10). Mais la plupart des textes donnent raison à Bultmann. Selon les évangiles, Jésus attendait bel et bien une fin du monde immédiate (encore une fois, il serait plus correct d’écrire « les évangiles synoptiques attribuent à Jésus l’attente d’une fin du monde immédiate »).

Peut-on pour autant dire que Jésus s’est trompé? Il me semble bien que le monde ni l’histoire ne sont encore finis. Après Jésus, la vie continue, encore. Pour paraphraser l’Ecclésiaste, ce qui était, c’est ce qui est; ce qui a été, c’est ce qui sera…. Comme au temps de Jésus, des gens naissent et meurent; des bâtiments se construisent et d’autres sont détruits; des idées se développent; et les saisons se succèdent. Bref la vie suit son cours aujourd’hui comme hier, aujourd’hui comme demain. Bultmann avait donc raison et il est légitime de dire que Jésus s’est trompé.

Ou alors, c’est peut-être qu’un nouveau monde aurait déjà commencé, mais subrepticement, « comme un voleur », presqu’à « l’insu de notre plein gré ». Il serait, au moins en germe, en devenir, en espérance, un monde qui fonctionnerait, déjà, un peu, selon les règles de Dieu. Si la fin du monde ne se serait pas (encore) produite, Jésus et ses contemporains auraient assisté au début de la fin d’un monde. Et cela aussi, Jésus l’avait prévu (il serait plus correct d’écrire « les évangiles synoptiques mettent en scène un Jésus qui l’avait prévu »): « À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer: ‘Convertissez-vous: le Règne des cieux s’est approché’. » (Matthieu 4, 17); « Guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur: Le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous. » (Luc 10, 9); « Mais si c’est par le doigt de Dieu que je chasse les démons, alors le Règne de Dieu vient de vous atteindre. » (Luc 11, 20).

À vous de juger si Jésus a eu raison. Mieux, à nous de lui donner raison.

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