Paris, mardi: 14h30
Assis dans l’immense salle des chercheurs au sous-sol de la Bibliothèque François-Mitterand, je peux faire tranquillement le point. Pour une fois, je bénis l’élitisme et la paranoïa des bibliothèques françaises. Même si le mystérieux homme au chapeau noir m’avait suivi jusqu’à Paris (et j’ai bien cru le reconnaître à la Gare d’Austerlitz), je doute fort qu’il ait réussi à entrer. Il aurait dû pour cela faire en cinq minutes seulement, ce qui m’a pris trois jours: remplir le formulaire en ligne, fournir une attestation qu’il est un professeur ou un chercheur universitaire, prouver qu’il ne peut pas faire ses recherches dans une autre bibliothèque, se présenter à l’accueil de la BNF, attendre son tour, entendre l’employé lui relire les informations qu’il a lui-même écrite, signer le formulaire, récupérer sa carte, aller à la caisse, attendre son tour, payer les frais, passer par le vestiaire, attendre son tour, déposer sa veste et son sac, présenter sa carte et passer le premier portique, descendre au sous-sol, présenter sa carte et passer le second portique, attendre son tour, réserver sa place, enfin pénétrer dans la salle de lecture (un bon chercheur est prêt à tout pour faire avancer la connaissance). Avant qu’il n’y parvienne, je serai déjà loin!
J’ai fait une nouvelle découverte (le bon chercheur trouve aussi quelquefois). Le bretzel ne figure pas seulement sur des Cènes, mais sur toute une série images de repas bibliques aux bretzels. les questions se font plus pressantes: « Jésus aurait-il mangé des bretzels? Sinon pourquoi les faire figurer sur les tables de ses repas? Y aurait-il quelque chose de dangereux dans ces images? Et à qui pourraient-elles faire peur? »

Festin d’Esther (Alsace: 1159-1165; calque de Christian Moritz Engelhardt du Hortus Delicarium détruit lors de l’incendie de la Bibliothèque de Strasbourg en 1870)
- Lors d’un repas, la reine Esther, après avoir mange un bretzel, obtient de son mari Assuréus, le roi de Perse qu’il épargne le peuple juif qu’il voulait exterminer. (Esther, chapitre 7)

Noces de Cana (Sud-Ouest de l’Allemagne: 1166-1199; Bible manuscrite. Cod. Bibl. Fol. 60, 37rb
- Lors d’un repas de mariage, après avoir mangé un bretzel, Jésus transforme six jarres pleines d’eau en un excellent vin. (Évangile de Jean, chapitre 2)

« Onction de Jésus » (12e siècle; Gumbertus Bibel; Universitätsbibliothek Erlangen-Nürnberg: Ms. 1, 355 v)
- Lors d’un repas peut-être à Béthanie, peut-être chez un certain Simon qui était peut-être lépreux ou pet-être pharisien, une femme, qui était peut-être Marie, verse du parfum de grand prix sur les pieds, ou peut-être sur la tête, de Jésus qui vient de manger un bretzel. (Évangiles de Matthieu, chapitre 26, de Marc, chapitre 14, de Luc, chapitre 7, de Jean, chapitre 12)

« Lavement des pieds » (Souabe: 1175-1199; psautier; Pierpont Morgan Library and Museum: Ms. M.0645, fol. 4v)
- Lors de son dernier repas, Jésus, après avoir mangé un bretzel, lave les pieds de ses disciples pour leur signifier que le maître est au service de ses disciples. (Évangile de Jean, chapitre 13)
À lire, dans l’ordre chronologique:
- Sur la piste du bretzel – Tours
- Sur la piste du bretzel – Paris
- Sur la piste du bretzel – Entre Colmar et Strasbourg
- Sur la piste du bretzel -Ulm
- Sur la piste du bretzel – Münich
- Sur la piste du bretzel – Quelque part en Autriche
- Sur la piste du bretzel – Termeno-sulla-Strada-del-Vino
- Sur la piste du bretzel – Mustaïr
- Sur la piste du bretzel – Zürich