Jésus le Christ (3): Messie

Pour prolonger une invitation à parler du livre de Reza Aslan (2013). Zealot: The Life and Times of Jesus of Nazareth, Random House, («Plus on est de fous, plus on lit» mardi 20 août, 13h-14h sur La Première de Radio Canada), je propose six réflexions autour de Jésus comme Christ des chrétiens.

  1. Dans la Bible juive (que les chrétiens appellent l’Ancien Testament), le nom de «messie» est appliqué à trois types de personnages: les rois qui reçoivent leur dignité par une onction d’huile (cf. 1 Samuel 10, 1); oints, ils sont donc des messies du Seigneur (cf. 1 Samuel 24, 7). Le grand prêtre (et les prêtres en général) qui sont eux aussi distingués par une onction d’huile (cf. Exode 29, 7). Les patriarches qui sont, à deux reprises, appelés «messies» (cf. Psaume 105, 15 et 1 Chroniques 16, 22).
  2. Dans la Bible juive, les messies sont donc des hommes (à ma connaissance aucune femme ne porte ce titre), mais des hommes qui ont un rapport particulier avec Dieu. Ils sont investis d’un pouvoir politique (comme le roi) ou d’un pouvoir religieux (comme le grand prêtre). Les patriarches sont ceux avec qui Dieu a fait alliance.
  3. À ces trois types de messies réels, la Bible juive ajoute la promesse d’un Messie encore à venir. Il s’agit encore une fois d’un homme qui peut prendre deux figures: celle d’un roi, ou celle d’un prophète.
    • Le messie royal doit rétablir le royaume de David (Zacharie 9, 9). Il donnera à son peuple la domination universelle, il donnera au monde entier, la justice, la prospérité et la paix. Il ne régnera pas par ses propres mérites, mais il recevra sa royauté de Dieu. Des signes doivent permettre de le reconnaître: il naîtra d’une jeune fille (Ésaïe 8, 8); il mangera le lait et le miel, symboles de la Terre promise (Ésaïe 11, 5); il saura distinguer le bien du mal (Ésaïe 9, 6); il sera à l’image de David (Ésaïe 11).

« Les rois de la terre s’insurgent et les grands conspirent entre eux, contre le Seigneur et contre son messie: «Brisons leurs liens, rejetons leurs entraves.» Il rit, celui qui siège dans les cieux ; le Seigneur se moque d’eux. Alors il leur parle avec colère, et sa fureur les épouvante: «Moi, j’ai sacré mon roi sur Sion, ma montagne sainte.» Je publierai le décret: le Seigneur m’a dit: «Tu es mon fils ; moi; aujourd’hui, je t’ai engendré. Demande-moi, et je te donne les nations en héritage, en propriété les extrémités de la terre. Tu les écraseras avec un sceptre de fer, et, comme un vase de potier, tu les mettras en pièce.» » (Psaume 2)

    • Le messie prophétique doit faire connaître à Israël la volonté de Dieu. Il est conçu à l’image de Moïse.

« C’est un prophète comme moi que le Seigneur ton Dieu te suscitera du milieu de toi, d’entre tes frères; c’est lui que vous écouterez. C’est bien là ce que tu avais demandé au Seigneur ton Dieu à l’Horeb, le jour de l’assemblée quand tu disais: «Je ne veux pas recommencer à entendre la voix du seigneur mon Dieu, je ne veux plus regarder ce grand feu: je ne veux pas mourir!» Alors le Seigneur me dit: «Ils ont bien fait de dire cela. C’est un prophète comme toi que je leur susciterai du milieu de leurs frères; je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai.» » (Deutéronome 18, 15)

    • À ces deux figures, il faut ajouter celle du serviteur de Yahvé ou «serviteur souffrant», même s’il n’est jamais qualifié de messie. Son sort est d’être vaincu, humilié et tué. Mais ses souffrances lui permettront de sauver un grand nombre d’êtres humains.

« Voici que mon Serviteur triomphera, il sera haut placé, exalté à l’extrême. […] Qui donc a cru ce que nous avons entendu dire? Devant Lui, il végétait comme un rejet, comme une racine sortant d’une terre aride; il n’avait ni aspect, ni prestance tels que nous le remarquions, ni apparence telle que nous le recherchions. Il était méprisé, laissé de côté par les hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, tel celui devant qui l’on cache son visage; oui, méprisé, nous ne l’estimions nullement. En fait ce sont nos souffrances qu’il a portées, ce sont nos douleurs qu’il a supportées, et nous, nous l’estimions touché, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il était déshonoré à cause de nos révoltes, broyé à cause de nos perversités : la sanction, gage de paix pour nous, était sur lui et dans ses plaies se trouvait notre guérison… Ayant payé de sa personne, il verra une descendance, il sera comblé de jours ; sitôt connu juste, il dispensera la justice, lui, mon Serviteur, au profit des foules, du fait que lui-même supporte leurs perversités. » (Ésaïe 52 et 53)

Source: Abbaye de Maredsous, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, 1992.

(demain: «Libération»)

7 commentaires

  1. La lecture du texte Jésus le Christ Messie me permet de comprendre que le terme Messie est lié à un contexte bien spécifique. si l’on tient compte de la définition du mot Messie qui signifie Sauveur, Seigneur, il convient de comprendre pourquoi les gens l’utilisent pour parler d’un grand homme qui aurait commis un acte pour sauver une entité ou un groupe de personnes. L’évocation de ce terme me porte à croire qu’un événement avait eu lieu. En fait, il y a une chose qui m’interpelle quand je lis le texte, c’est qu’il doit toujours avoir une victime qui se présente pour sauver par sa mort ou par son sacrifice un groupe en péril. Le terme Messie me permet de comprendre qu’un chef, c’est un serviteur qui ne vit pas pour lui, mais pour les autres. Il convient d’admettre que lorsqu’on attribue ce terme à un chef, à un roi, c’est pour mettre l’accent sur le fait qu’il doit être au service des autres.

    Par ailleurs, il convient de comprendre que les mots ne sont pas utilisés sans motifs. le messie avait une mission, donc en ayant un tel nom on doit s’attendre à servir, à être humilié. Un chef ne doit pas s’attendre à avoir la vie facile. Il ne doit pas avoir peur des critiques, des humiliations et des injures, c’est inhérent à la fonction de messie.

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  2. Oui, il est fort probable qu’on attribue le therme de messie aux rois, grands prêtres et patriarches car la bible issue d’une traduction juive a subi son influence.

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  3. Il me semble avoir lu il y a quelques temps qu’une différence entre le Jésus messianique chrétien et le dernier Messie attendu par les juifs puisque les juifs, si je me rappelle bien, attendent un Messie qui régnera sur Terre alors que Jésus est un Messie dont le règne est spirituel ou dans l’au-delà. Toutefois, je ne puis dire si cela est vrai, n’ayant pas souvenir d’où je tiens cela et si quelqu’un pouvait confirmer ou infirmer cette croyance, j’apprécierais beaucoup.

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  4. Le concepte de Jésus étant le Messie est le plus fascinant, à mon avis, dans le christianisme. Tel qu’expliqué dans un autre article, il y eut plusieurs  »Messies » à cet époque; alors pourquoi Jésus a-t-il réussit à inspiré un mouvement religieux aussi important?

    Pourtant…comme a dit Emmanuel Levinas dans son oeuvre Neuf Lectures Talmudiques:

     »Les juifs ont toujours été particulièrement indifférents envers Jésus. » Entre autre, ni une menace, ni un dieu. Jésus ne semblait pas être un personnage que le peuple juif classifierait comme Messie, mais ils le voyaient simplement comme un juif pieux (rabbin, même?).

    Donc, serait-il un groupe minoritaire de juifs, ou bien des paiens qui aient poussés pour établir Jésus comme Messie?

    Mon avis serait que ce sont les paiens (disciples de St. Paul, plutôt que ceux de St. Pierre) qui aient poussés pour cette image. Je reste toutefois ouvert à d’autres points de vue pour ce sujet là. Qu’en pensez-vous?

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  5. Le contexte politique que les juifs de cette époque vivaient a fortement favorisé la création de messie. Quand une société est dominé par un conquérant tel que les romains, ceci pousse celle-ci à voir surgir en son sein un libérateur qui les délivrera. Ce fût identique pour les juifs prisonniers de pharaon en Égypte. Pour ce qui est de savoir si Jésus est le messie, les écritures en parle certes, mais ce qui est le plus important pour moi c’est sa continuïté de son message qui perdure depuis 2000 ans. Ceci est un fait vérifiable.

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  6. Le problème avec la définition du messie, selon moi, est que celui-ci est supposé apporter la paix. Or, la venue de Jésus sur terre a causé énormément de souffrance. Premièrement tous les premiers chrétiens qui ont été exécutés, ensuite tous les non-chrétiens qui ont été exécutés, sans parler de toutes les guerres que le Vatican a approuvé ainsi que l’extermination des autochtones d’Amérique faits, encore une fois, avec l’accord de l’Église.Encore aujourd’hui, je ne me souviens pas avoir vraiment vu l’Église défendre une position en faveur de la paix dans les conflits internationaux. Si vraiment Jésus était le messie, il aurait apporté avec lui plus de paix que de mal, et , selon moi, c’est le contraire qui s’en est suivi. Je précise encore une fois que c’est mon opinion, et que je respecte celles de ceux qui ne sont pas d’accord.

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