Jésus le Christ (6): Christ

Pour prolonger une invitation à parler du livre de Reza Aslan (2013). Zealot: The Life and Times of Jesus of Nazareth, Random House, («Plus on est de fous, plus on lit» mardi 20 août, 13h-14h sur La Première de Radio Canada), je propose six réflexions autour de Jésus comme Christ des chrétiens.

  1. Pour les chrétiens, c’est par sa résurrection que Jésus accède au rang de Christ (ou/et de Messie puisque les chrétiens considèrent qu’il réalise les attentes et les promesses de la Bible juive).
  2. Pâques fait ainsi passer Jésus du statut de sujet d’une prédication à celui de l’objet de cette prédication. Avant Pâques, Jésus prêche, il annonce la proximité du Règne de Dieu, il enseigne et il guérit. Par son comportement, il donne un contenu au Règne de Dieu. Après Pâques, Jésus est prêché; sa vie, sa mort et sa résurrection deviennent l’objet des discours de ses disciples, un exemple de ce que sera le Règne de Dieu (et de ce que pourrait être la Terre maintenant).
  3. L’événement pascal marque donc un changement radical dans la prédication chrétienne. C’est à ce moment-là que Jésus devient le Christ et c’est à ce moment-là que des Chrétiens peuvent exister.
  4. Mais si la résurrection marque un changement décisif, elle ne bouleverse pas la figure de Jésus. Après sa résurrection, Jésus n’est pas différent de ce qu’il était durant sa vie terrestre: le Christ, c’est Jésus; celui que Dieu a ressuscité, c’est bien celui que les hommes avaient crucifié (les évangiles le signalent lorsqu’il rappelle qu’il porte encore les marques des blessures infligées par les clous).
  5. La résurrection n’est pas le début d’une nouvelle histoire, où le Christ serait un super héros aux pouvoirs extraordinaires. La résurrection est plutôt la confirmation que Jésus de Nazareth est le Fils de Dieu, que tout ce qu’il a pu dire ou faire pendant sa vie était la volonté de Dieu. Par la résurrection, Dieu certifie que Jésus a parlé et agit en son nom, qu’il était bien le Christ et le Messie. Le Christ n’a pas d’autres visages que celui de Jésus de Nazareth.
  6. Pour dire qui est le Christ aujourd’hui, j’emprunte les remarques du théologien protestant français André Gounelle sur la théologie du Process.
  7. Les théologiens du Process, en particulier John Cobb, cherchent à comprendre de quoi «christ» est le nom. Pour eux, Dieu est présent et actif dans le monde par son logos, un logos qui organise la réalité et la transforme continuellement. Le logos s’incarne universellement en toutes choses, en tout être, en tout événement. Il agit même si (et quand et là où) on ne le reconnaît pas.
  8. Les théologiens du Process identifient le christ et le logos. Le christ est la puissance divine à l’œuvre dans le monde. Autrement dit, le logos s’incarne dans tout être humain et tout être humain est donc (au moins potentiellement) un christ.
  9. Mais Jésus en est une forme unique. Son «je» s’identifie totalement avec le logos, alors que d’autre «je» (vous, moi) n’y correspondent qu’en partie. Si donc Dieu est présent en tout être humain, Jésus est la présence même de Dieu.
  10. Toutefois, même dans l’existence de Jésus, il est arrivé que le «je» de Jésus s’éloigne du logos, en particulier dans le Jardin des Oliviers, quand il demande à Dieu de lui éviter l’épreuve de la crucifixion et sur la croix, quand il reproche à Dieu de l’avoir abandonné. Il a cependant su surmonter cette tentation et accepter de mourir pour devenir totalement le Christ.

Source: André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu, Van Dieren , 2000 (consulter la table des matières).

(fin)

17 commentaires

  1. La résurrection est le fondement de la foi chrétienne. Elle est d’ailleurs le point de départ du développement des traditions évangéliques. Certes, la vie publique de Jésus avant cet événement est remarquable, mais pas unique. Il marque les vies en apportant soulagement auprès des nécessiteux et un message accessible à tous.

    Même si Jésus durant son vivant se proclame fils de Dieu, c’est seulement à compter de sa résurrection que ses paroles sont crédibles, car Dieu apporte un jugement favorable lorsqu’il accomplit ce que Jésus a répété à quelques reprises : « (…) qu’il fût mis à mort, et qu’il ressuscitât trois jours après. » (Mc 8,31). Dieu se reconnait donc en lui.

    C’est à compter de la résurrection ou plutôt lorsque les disciples sont convaincus de la résurrection de Jésus qu’on remarque un changement d’attitude chez eux. Ils ont maintenant la preuve que le discours de Jésus est vrai. Convaincus, ils reprennent son travail. Les disciples prédiquent, guérissent et convertissent. Le message alors véhiculé est l’annonce du kérygme : Jésus, celui qui était mort est ressuscité.

  2. Votre description de la théologie du Process qui dit que tout être humain est potentiellement un christ me rappelle d’autres traditions religieuses comme le bouddhisme mahayana qui défend l’idée que nous avons tous le potentiel d’être un bouddha. On s’éloigne ici des questionnements sur la véracité des récits sur Jésus mais on le voit plutôt comme un modèle unique de présence divine dont nous pouvons tenter de nous approcher en nous posant la question « What would Jesus do? ». Cette conception peut permettre au christianisme de se rapprocher d’autres religions orientales ou du mouvement New Age qui sont présentement à la mode en Occident, et ainsi d’être compétitif sur le marché des religions en le rendant plus attrayant. C’est peut-être ce modèle de présentation de Jésus qui aidera sa figure à traverser la modernité en passant par-dessus la recherche de preuves historique qu’il est le Christ.

  3. Par rapport au 10e paragraphe, j’avais fait la même remarque il y a longtemps auprès d’un pasteur. Si je me souviens bien de sa réponse, il m’avait fait comprendre que mourir sur la croix pour NOS péchés impliquait de mourir en tant qu’homme et d’être regardé par Dieu le père comme un pécheur. Pour soutenir ses propos, il m’avait fait voir qu’au moment de sa crucifixion Jésus avait dit avoir soif. À ce moment, il n’avait pas soif d’eau, mais il avait soif de Dieu puisque Dieu le père ne le voyait plus comme son fils. Selon moi, cette théorie est valide puisqu’elle correspond et explique le passage de Jean 4 : 14.
    Aussi, contrairement à Dany je vois pour ma part des dissemblances entre le bouddhiste et le christianisme. Par exemple, dans le bouddhiste la soif est mal perçue du fait qu’elle est rattachée au désir avide qui mène à la souffrance. Dans le christianisme, la soif et le désir sont encouragés s’ils sont orientés vers Dieu.

    1. Pour être plus précis, le fait qu’il reproche à Dieu de l’avoir abandonné est expliqué par sa soif. Il a soif de Dieu parce qu’il se sent abandonné par Lui. Dieu le père se serait détourné de Jésus parce qu’il paye le prix de sa vie comme un pécheur…

  4. Au point numéro 4, vous dites que »Jésus n’est pas différent de ce qu’il était durant sa vie terrestre» et cette affirmation est vrai en partie selon moi. Apres sa mort, de Jésus garde une bonne partie de notre identité mais il est revenu sur terre avec un corps physique et spirituel glorifié.

  5. Merci à tou-te-s les étudiant-e-s du cours REL1220 Introduction au christianisme d’avoir apporté des commentaires pertinents et respectueux des différents avis.

  6. Si l’humain est pour avoir le libre arbitre, Dieu ne peut intervenir dans l’évolution de l’humanité – il ne peut qu’inspirer l’action de chacune et de chacun. Ceci ne nous empêche pas d’interpréter un événement comme étant la volonté de Dieu, incluant l’arrivée de Jésus sur la terre, car ayant créé le monde, Dieu sera toujours l’ultime responsable.

    Nous sommes tous des Filles et des Fils de Dieu, car Il nous a tous créés. Jésus-Humain a compris ce qu’était la vie harmonieuse avec les autres et nous a transmis sa vision par ses enseignements de son vivant et par sa mort. Il a prêché que le Salut est atteint au moment de la conversion : aussitôt la foi intégrée, nous ressuscitons de la mort de notre vie jusque-là. Par la croix, Jésus-Christ nous a montré qu’une fois convertis, rien ne peut nous enlever cette nouvelle vie, pas même la mort.

  7. Je suis tout fait en désaccord avec ce point, car je ne crois tout simplement pas la résurrection du christ. Je sais que c’est le fondement premier du christianisme. Malgré ce point , je ne crois pas en sa résurrection, par contre , je crois qu’il y peut être des réincarnations du Christ. Des individus qui se sont inspirés du christ et qu’ils ont décidé de poursuivre sa mission divine.

  8. Je suis d’accord avec l’affirmation #8 qui, d’après ce que j’en ai compris, affirme que tout être humain aurait le potentiel d’être un Christ. D’après mes lectures et ma propre compréhension de plusieurs versions des Évangiles ainsi que d’un excellent livre se nommant « La vie des Maîtres » qui propose une analyse des paroles du Christ à laquelle j’adhère dans ma vie personnelle, le Christ ne semble pas vouloir qu’on l’idolâtre, il semble vouloir faire comprendre aux gens que tout le monde aurait le pouvoir d’être comme lui et d’arriver à faire tout ce qu’il fait, que tout le monde aurait une sorte de Christ intérieur qu’il pourrait développer en travaillant très dur. Par exemple, en Mc 1,44 ou Mt 9,30 ainsi que dans plusieurs autres passages du Nouveau Testament, le Christ demande à la personne qu’il vient de guérir de ne parler à personne de ce qu’il a fait, et d’après moi, il dit ca parce qu’il ne veut pas devenir une idole.
    Par contre, je ne suis pas vraiment en accord avec l’affirmation #9, qui semble dire que Jésus, et seulement lui, est la présence même de Dieu, car d’après ma propre compréhension, tous les Hommes sont égaux, et Jésus est un être humain, il semble seulement avoir compris plus vite que les autres certaines choses et avoir plus foi, avoir une plus grande certitude en Dieu que les autres, ce qui lui a donné certaines capacités extraordinaires, capacités que chaque Homme pourrait avoir s’il avait plus foi.

  9. Le point 4 de l’article Jésus Le Christ (6) Christ a attiré mon attention, ce passage particulièrement : ‘’…si la résurrection marque un changement décisif, elle ne bouleverse pas la figure de Jésus.’’ En Jean 20, 14, Marie de Magdala ne reconnait pas son maître. Elle s’est tourné pour le regarder, et a entendu sa voix lorsqu’il s’est adressé à elle, mais elle n’a pas reconnu Jésus. En Marc 16, 12, il est écrit qu’après l’apparition aux femmes, Jésus se manifeste à deux de ses disciples ‘’sous d’autres traits’’. En Luc 24, 16, il est écrit que les deux disciples auxquels Jésus apparaît sont d’abord ‘’empêchés’’ de reconnaître celui qu’ils ont connu de son vivant. Les caractéristiques physiques de Jésus sont devenues insaisissables, du moins dans les premiers moments de son apparition. Ces subtilités narratives donnent à penser que les disciples appréhendent l’étranger qui se présente à eux en tentant d’en percevoir les caractéristiques physiques, alors que le Jésus ressuscité qui se présente à eux ne doit plus être approché par les sens physiques. Son être doit être compris autrement que par les cinq sens.

  10. Je trouve la théorie du Process plutôt intéressante, puisqu’elle met l’accent sur le caractère divin que chacun de nous porte en soi. Pour moi, il s’agit là du seul fondement qu’une religion devrait avoir, puisque la religiosité part de l’intérieur de nous-même. Malgré le fait que le Christianisme se voit concrétisé par la résurrection de Jésus, je pense qu’il ne s’agit pas du fondement réel de cette religion…Pour moi, une religion ne peut pas s’appuyer sur un seul homme qui a de plus grandes facultés que le reste du monde, elle doit s’appuyer sur les capacités extraordinaires que tous les hommes peuvent posséder.

  11. Le passage de Jésus-Christ du « su-jet » (ce qui est jeté sous, le fondement) de prédication à l’ « ob-jet » (ce qui est placé devant) de prédication est fort intéressant. Cependant, je crois que cette transformation du statut de sujet au statut d’objet opère plutôt un changement dans la figure de Jésus dans la mesure où nombreux étaient ceux qui doutaient de la revendication de Jésus comme étant le fils de Dieu avant sa crucifixion alors que sa résurrection semble estomper ces doutes et confirmer sa revendication. Il y a donc un changement subjectif dans la figure de Jésus, suite à l’événement pascal. L’article vise juste si elle entend plutôt cette figure de Jésus comme une figure objective. En ce sens, Jésus est effectivement le Christ avant, pendant et après la crucifixion, et ce, au point où Jésus et le Christ ne font qu’un.

  12. Je pense que la dualité de la nature de Jésus humain et divin se manifeste clairement sur la croix. Jésus s’identifie comme étant le Fils de Dieu, et sur la croix il vit la plus grande peine. Jésus l’humain fut abandonné par son Père, ce Dieu dans lequel il avait toute la confiance, paraissait indifférent face aux souffrances et aux supplices de son Fils.
    Jésus a vécu la mort comme tout être humain, et je pense que chaque humain qui exécute la volonté de Dieu, il sera comme le Christ ressuscité par Dieu dans une nature divine.
    Car Jésus par sa mort a fait la volonté de son Père, d’ailleurs, dans Jn 5, 30 […] je ne cherche pas ma volonté, mais le volonté de celui qui m’a envoyé, c’est très clair.
    Je pense qu’on ne devient pas Christ au sens du terme, mais on devient enfant de Dieu à l’image du Christ.

  13. J’aime beaucoup l’idée du logos que propose la théorie du process. J’aime aussi beaucoup le côté harmonique, chaotique et intégrateur du logos amené par la proposition suivante: « Le logos s’incarne universellement en toutes choses, en tout être, en tout événement. Il agit même si (et quand et là où) on ne le reconnaît pas. » Je trouve intéressante et plausible l’idée de donner un caractère divin au quotidien, aux actes autant extraordinaires que banals et à tout objet. De plus, l’idée de la concrétisation presque totale du logos à travers Jésus me parait assez intéressante mais manque quand même un peu d’approfondissement.

  14. J’ai l’impression que la résurrection de Jésus est l’une des choses les plus difficiles à croire dans le christianisme. Cependant, je suis d’accord pour dire que c’est dans cet élément que la foi prend son sens. Si Jésus est vraiment ressuscité des morts, cela prouve qu’il était de nature divine. Mais si Jésus n’est pas ressuscité de la mort, pourquoi accordons-nous autant d’importance à son message? Je pense que la vraie question à se demander n’est pas si nous aimons son message, mais si oui ou non il est ressuscité des morts.

  15. Il m’apparaît étonnant que ce soit grâce à sa résurrection que le Christ devient bel et bien Christ. Il me semble que ses croyants lui donnait leur foi avant pendant et après sa résurrection. Je ne vois pas cet élément comme étant le point tournant, l’avènement du christianisme. En outre, bien des commentaires réfutent l’existence de cette résurrection, mais en questionnant les gens, on pourrait sans surprise les entendre se dire chrétien. Conséquemment, la résurrection n’est pas, selon ma compréhension, le ciment de toute cette religion. Puisque pour en être le ciment, ou le principe de base fondamentale, il serait impératif que tous y adhère ou à tout le moins que tous l’admettent, ce qui semble manifestement ne pas être le cas. C’est surprenant comme ironie.

  16. Ce que je trouve étonnant avec la résurrection de Jésus c’est que souvent on demande au croyant d’avoir une foi aveugle envers les messages que portent la religion. Or, ici la résurrection de Jésus tente d’agir comme preuve de la divinité du Christ. La question que je me pose est que si l’on demande d’avoir une tel foi aveugle, pourquoi est-il nécessaire que le Christ soit revenu de la mort pour confirmer sa divinité? Pourquoi dans ce cas si, il on accepte d’émettre une preuve?

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