Pour marquer Noël (le 25 décembre) et l’Avent (les quatre dimanches avant Noël), je vous propose chaque lundi un texte à ce propos.
Lire aussi:
- « Ne placez pas de chien dans votre crèche! »
- « Placez Marie dans votre crèche! »
- « Placez des mages dans votre crèche! »
- « Placez des bergers dans votre crèche! »
- « Faites vous-même votre crèche! »
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« Les enfants sont le fruit des femmes, pas des hommes
Et quel que soit celui qui fait germer la pomme
Le père pour l’enfant, c’est celui qui est là
Celui qui caresse sa mère et qui lui tend les bras. »Serge Lama, L’enfant d’un autre (voir la vidéo)
Noël est-il aussi une histoire d’homme? Ou bien faut-il se résigner à ce que, dans cette histoire, le père soit définitivement absent? Relisez les deux premiers chapitres de l’évangile selon Matthieu (Trouver une traduction française) pour le savoir!
Lorsqu’il raconte la naissance de Jésus, l’évangile selon Matthieu fait une place à Joseph. Ô surprise, il lui donne même la première place, largement devant Marie. La chose mérite d’autant plus d’être signalée que la place accordée à Joseph est tout à fait exceptionnelle. Car Joseph ne joue de rôle qu’au moment de la naissance de Jésus, et uniquement dans cet évangile. Dans l’évangile selon Luc, il n’est que mentionné au passage, seulement pour expliquer le déplacement de Nazareth à Bethléem. Et Joseph ne joue aucun rôle dans aucun autre récit de la Bible. L’évangile selon Marc n’en parle même pas et l’évangile selon Jean cite son nom seulement deux fois pour préciser que Jésus et « le fils de Joseph de Nazareth ». C’est très peu! Mais dans l’évangile selon Matthieu, Joseph figure dans le récit de la naissance de Jésus. Il y remplit le rôle du mari d’une jeune femme, celui du père d’un petit bébé. À vrai dire, j’exagère un peu. Car Joseph n’a, semble-t-il, aucune envie de remplir ce rôle de mari d’une femme enceinte d’un autre et de père d’un enfant qui n’est pas le sien! « Joseph, son fiancé, était un homme droit [je dirais plutôt qu’il était un homme qui respectait strictement la Loi] et ne voulait pas la dénoncer publiquement; il décida de rompre secrètement ses fiançailles. » (1,19). Il n’y a là aucune ambiguïté ! Joseph fait certes preuve de charité, il ne veut pas révéler publiquement l’adultère de Marie. Mais il n’a qu’une envie: partir le plus vite possible! Alors que j’étais tout jeune pasteur, j’avais dit au cours d’un culte que Joseph était, selon la formule d’une autre chanson de Serge Lama, « cocu mais content ». Certaines personnes avaient tiqué! Aujourd’hui, je corrige mon expression. Joseph est certes cocu, mais il n’est pas du tout content. Il n’aime pas cette situation. Il ne veut pas endosser une paternité qu’il n’a pas choisie. Mais peu importe que Joseph ne soit pas le père biologique de l’enfant, peu importe qu’il soit obligé de jouer ce rôle. Le fait est que, malgré tout, bon gré, mal gré, il assume bel et bien d’assumer le rôle du père.
Placer Joseph dans votre crèche, c’est donc placer un père dans votre crèche!
- Placer Joseph dans votre crèche, c’est rappeler un premier rôle du père. Il faut toute la persuasion de Dieu pour convaincre Joseph de remplir son rôle de mari et de père. « Comme il y pensait, un ange du Seigneur lui apparut dans un rêve et lui dit: «Joseph, descendant de David, ne crains pas d’épouser Marie, car c’est par l’action du Saint-Esprit qu’elle attend un enfant. Elle mettra au monde un fils, que tu appelleras Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés.» » (1, 20-21). Vous aurez remarqué la discrétion du texte. Il n’y a pas d’effets spéciaux, pas de lumières ni de musique. On ne nous précise pas si l’ange du Seigneur vient en volant ou dans un char à quatre chevaux. Il apparaît à Joseph, tout simplement. Et en songe en plus! La mention du songe souligne la passivité de Joseph. C’est n’est pas sa grande sagesse ni son immense foi qui le font rester avec Marie, c’est l’Ange du Seigneur qui le convainc. C’est dans son sommeil que l’ange du Seigneur lui fait prendre cette décision. « Quand Joseph se réveilla, il agit comme l’ange du Seigneur le lui avait ordonné et prit Marie comme épouse. Mais il n’eut pas de relations avec elle jusqu’à ce qu’elle ait mis au monde son fils, que Joseph appela Jésus. » (1, 24). Et Joseph donne à cet enfant (cet enfant dont l’évangile selon Matthieu veut nous convaincre qu’il ne peut pas être le sien) un nom. C’est en le nommant « Jésus », qu’il devient son père, qu’il devient son fils.
- Placer Joseph dans votre crèche, c’est rappeler un deuxième rôle du père. Dans l’histoire de la naissance de Jésus, Joseph exerce un rôle d’interprète. C’est à lui, et non pas à Marie que l’ange du Seigneur explique ce qui se passe. C’est encore à lui qu’il explique d’où vient cet enfant. C’est toujours à lui qu’il explique qui est cet enfant. C’est enfin à lui qu’il explique ce que fera cet enfant. C’est à Joseph qu’il revient d’interpréter l’événement de la naissance. Humainement parlant, ni la grossesse de Marie, ni la naissance de Jésus ne sont des événements évidents. Ils ne prennent de sens qu’avec leur interprétation. Il faut un ange pour que Joseph comprenne que ce bébé est « Emmanuel », qu’il est « Dieu avec nous ». Mais Joseph à son tour pourra dire le sens de cette naissance. Il nomme son enfant « Jésus », c’est-à-dire « Dieu sauve ».
- Placer Joseph dans votre crèche, c’est rappeler un troisième rôle du père. Le rôle de Joseph ne s’arrête pas avec la naissance du petit Jésus. Car la vie de l’enfant est menacée. Le roi Hérode voit en lui concurrent. Alors l’ange du Seigneur apparaît une deuxième fois à Joseph, à nouveau au cours d’un songe: « Quand les savants furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit: «Debout, prends avec toi l’enfant et sa mère et fuis en Égypte; restes-y jusqu’à ce que je te dise de revenir. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire mourir.» » (2, 13). Encore une fois, il faut l’intervention de l’ange du Seigneur pour que Joseph sache ce qu’il doit faire. Ce n’est ni son intelligence, ni sa foi qui lui font prendre la bonne décision, mais le message de l’ange. Quoique non, je dois corriger ce que je viens de dire. C’est grâce à sa foi, c’est grâce à son intelligence que Joseph reconnaît que, dans son songe, c’est un ange du Seigneur qui lui parle. C’est grâce à sa foi, grâce à son intelligence que Joseph reconnaît que la fuite en Égypte représente la bonne décision. Et la situation se répète. L’ange du Seigneur apparaît pour une troisième fois dans le songe de Joseph. « Il lui dit: «Debout, prends avec toi l’enfant et sa mère et retourne au pays d’Israël, car ceux qui cherchaient à faire mourir l’enfant sont morts.» » (2, 20). Il lui dit qu’il est temps de retourner dans la terre d’Israël, à Nazareth en Galilée plutôt qu’à Bethléem en Judée, qui reste trop dangereuse. Et encore une fois, il faut à Joseph toute sa foi et toute son intelligence pour reconnaître que, dans son songe, c’est bien un ange du Seigneur qui lui parle. Encore une fois, c’est grâce à sa foi, grâce à son intelligence que Joseph reconnaît que le retour en Israël représente la bonne décision. Joseph exerce donc ce rôle traditionnellement au père. Il assure la sécurité de sa famille. C’est lui qui prend la décision de s’enfuir dans un pays sûr. C’est lui qui prend la décision de revenir dans leur pays natal. Et c’est lui qui prend la décision de s’installer en Galilée.
Noël est donc bien aussi une histoire d’homme. Mieux, c’est aussi l’histoire d’un père et de son fils.
(Lundi prochain: « Ne placez pas de chien dans votre crèche! »)
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