Joseph Ratzinger vs. Hans Küng: Le verdict (4)

Invité à parler de « Jésus », le livre par lequel le théologien catholique suisse Hans Küng réplique à Benoît XVI-Joseph Ratzinger (« Samedi et rien d’autre » samedi 22 février 2014 sur Ici Radio-Canada, La Première), je rédige quatre articles sur ce match qui oppose deux géants de la théologie catholique, deux théologiens germanophones que la vie aurait dû réunir, mais que la théologie aura séparés (à moins que ce ne soit le contraire). J’y ajoute un cinquième article à propos d’un débat que j’ai moi-même engagé avec Joseph Ratzinger, il y a un peu plus de 10 ans.

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De Joseph Ratzinger ou de Hans Küng, qui sort vainqueur du match des Jésus? Pour le savoir, je vais utiliser deux critères, celui de la popularité et celui de la figure de Jésus.

Le vainqueur quant à la popularité (sur des critères peu objectifs)

  • Sur amazon.fr, le vendredi 13 février 2014 à 20h36, le livre de Hans Küng figurait au 45 256e rang, tandis que ceux de Joseph Ratzinger-Benoît XVI étaient classés au 67 792e rang (son second livre) et au 82 238e rang (son premier livre). Mais il faut tenir compte de deux facteurs de pondération: premièrement, Ratzinger propose deux livres (les ventes cumulées doivent être plus importantes) alors que Küng n’en n’offre qu’un; deuxièmement, le livre de Küng étant plus récent, il me paraît logique qu’il suscite plus d’engouement.
  • Sur mon propre blogue, l’article que j’ai consacré au Jésus de Benoît a reçu 8 visites le jour de sa parution, tandis que celui que j’ai consacré au Jésus de Hans Küng n’en a eu que 6, le jour de sa parution (en plus des 135 abonnés qui ont reçu l’article par courriel).

Sur la base de ces deux critères peu objectifs de popularité, je déclare Benoît Ratzinger vainqueur.

Le vainqueur quant à la figure de Jésus proposée

Qui de Benoît Ratzinger ou de Hans Küng présente la meilleure figure de Jésus? Sur cette question de fond, je déclare que le match est nul (même si, à titre personnel, je préfère le Jésus de Küng à celui de Ratzinger). Car le match me paraît opposer deux vieux messieurs qui pratiquent un sport désuet avec du matériel dépassé. Je m’explique.

  • Du matériel dépassé: Benoît Ratzinger et Hans Küng utilisent les méthodes et les références de l’époque ou ils étaient dans la force de l’âge (ce n’est pas un reproche mais un constat, j’y arrive aussi et plus vite que je ne le crois). Hans Küng republie ses réflexions de 1974 et Benoît Ratzinger réfléchit surtout à partir d’ouvrages parus dans les années 80, pour les plus récents. Mais en 30 ou 40 ans, la recherche a fait des progrès et la manière d’interpréter la Bible a profondément changé.
  • Un sport désuet: Benoît Ratzinger prétend avoir trouvé le « Jésus authentique » et Hans Küng le « Jésus historique ». Or de Jésus, on sait que l’on ne sait rien. Ou presque. Tout ce que l’on peut savoir du Jésus authentiquement historique ou historiquement authentique, c’est tout au plus qu’il s’agit d’un homme né autour de l’an 0 (à plus ou moins 5-6 ans près) à Bethléhem (ou à Nazareth) qui a été exécuté dans les années 30 à Jérusalem (voir mon article sur les traces historiques de Jésus). Tout le reste n’est que littérature… évangélique. Or les évangiles sont des témoignages de foi et non des biographies. Et ce qui le prouve, c’est que tous les évangiles ne racontent pas la même histoire, ne mettent pas en scène le même Jésus. Les évangiles synoptiques s’opposent parfois à celui de Jean (et vice-versa); les évangiles de Matthieu et de Luc s’opposent parfois à celui de Marc (et vice-versa); celui de Mathieu s’oppose parfois à celui de Luc (et vice-versa). Ainsi il faudrait toujours préciser de quel Jésus on parle: celui  des évangiles, celui des synoptiques, celui de l’évangile de Matthieu, de Marc, de Luc ou de Jean (voir mon article sur les évangiles).

Sur le fond, je renvoie donc Ratzinger et Küng dos à dos. Ils ont raison de se disputer sur la figure de Jésus (en fait seul Küng se dispute, Ratzinger l’ignore) car elle est capitale en christianisme. Mais ils ont tort de placer leur querelle sur le plan de l’authenticité ou de l’historicité. La question « qui est Jésus » est forcément théologique, les évangiles permettant de placer les limites de ce qu’il est possible de dire en christianisme. En ce sens, je donne un léger avantage à Ratzinger qui mieux que Küng reconnaît la dimension théologique de son Jésus (ici, authentique vaut mieux que historique).
Finalement, le seul Jésus qui compte pour moi est celui qui me fait vivre comme un véritable humain. Ce qui me fait préférer le Jésus de Küng, peut-être simplement parce qu’il ressemble plus à mon Jésus, à celui dont j’ai besoin. Et j’ai la faiblesse de croire que mon Jésus est aussi, au moins globalement, celui des évangiles et souvent (pas toujours), celui des protestant-e-s.

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