Pour une Église de nanas, de mecs, etc.

Dans le quotidien suisse Le Matin du 7 janvier 2015 (soit le jour même du carnage à Charlie Hebdo, concordance troublante et non sans lien), sous le titre: « Ils dénoncent une Église de nanas« , le journaliste Raphaël Pomey rapporte les propos hallucinants de quatre protestant-e-s suisses.

Herbert Pachmann, »un  pasteur de Dübendorf », Gottfried Locher, « président de la Fédération des Églises protestantes de Suisse »,  Shafique Keshavjee « théologien et écrivain vaudois » et Suzette Sandoz « Membre du synode de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud » dénoncent la trop grande place des femmes dans les Églises protestantes. Ils et elle y voient une dévirilisation des Églises protestantes qui expliquerait:

  1. Que les Églises protestantes se vident (couplet suisse-allemand).
  2. Qu’elles n’ont pas le courage d’aborder « les sujets qui fâchent »: la sexualité, l’argent, le rapport à la vérité, la présence de crèche dans l’espace public et les chants de Noël à l’école (couplet suisse-romand).

Ces propos sont insultants aussi bien pour les femmes accusées, en bloc, de faiblesse et de lâcheté (quoiqu’en dise les quatre personnes citées) que pour les hommes ainsi réduits, en bloc, au seul rôle de guerriers. De tels propos me font peur quant au type de christianisme et d’Église que voudraient ces personnes qui sont à  la fois mes compatriotes et mes coreligionnaires, mais avec qui je ne me reconnais aujourd’hui aucune affinité.

Que l’article soit paru le jour même du carnage à Charlie Hebdo donne une résonance particulière à leur propos. Et je me demande jusqu’où ces personne seraient-elle prêtes à aller, que seraient-elles prêtes à faire pour défendre leur vision du christianisme, de l’Église, pour prouver qu’elles sont de courageux guerriers de la foi, qu’ils (et elle) en ont et qu’elles sont bien pendues?


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9 commentaires

  1. Tout comme beaucoup, j’ai été fâché par cet article du quotidien Le Matin, mais je souhaite inviter le lecteur à prendre ses distances par rapports aux propos des quatre interviewés tels qu’ils sont présentés dans le journal. Le Matin n’est pas ce qu’on peut appeler un bon journal, et d’expérience, je sais qu’ils ont la fâcheuse tendance de déformer, découper et réarranger les propos des gens qu’il interroge afin de mieux vendre (i.e. de mieux choquer).
    Au delà du discours de ces quatre personnes tel qu’il paraît dans cet article, ce qui m’interpelle, c’est l’image de l’Eglise telle qu’elle est perçue et transmise en Suisse Romande, et que l’on peut lire en filigrane dans la position prise par le journaliste. Je rejoins Raphaël Pomey qui dit dans son encart que l’Eglise a besoin d’être plus courageuse, d’avoir « plus de conviction ». En bref, qu’un tel article ait été publié ne m’étonne pas tant que ça, car il est selon moins symptomatique de l’incapacité des églises protestantes romandes à se positionner clairement dans la société actuelle et permet ainsi à tous les phantasmes d’éclore.
    Je suis personnellement favorable à une église de « nanas » et de « mecs », dans le sens où j’estime qu’une femme pasteure peut apporter à l’annonce de la Parole, à la prédication, une richesse particulière que seule une femme/mère/épouse peut. Et pareil pour un homme pasteur.

    1. Cher Philippe,
      Je vous remercie d’avoir pris le temps et la peine d’ajouter ce commentaire. Et j’apprécie que vous apportiez des nuances circonstanciées à mon avis géographiquement éloigné (mais affectivement proche).
      J’en profite pour vous souhaiter une bonne année et longue vie à votre blogue « Théologiquement vôtre ».

  2. Accuser Le Matin de mauvais journalisme pour défendre Locher, ce n’est pas très glorieux. Certes, Le Matin est un mauvais journal. Comme Locher est un mauvais président.

    Les propos tenus dans la Weltwoche sont clairs, sans équivoque. Ils n’ont pas été démentis; ni par Locher, ni par la FEPS.

    Et le type n’en est pas à son coup d’essai dans la machisme de caniveau: http://www.tdg.ch/suisse/patron-reformes-suisses-accuse-sexisme/story/18360505

    1. Cher Monsieur,
      Je vous remercie de votre commentaire. Encore une fois, je suis trop loin pour connaître tout le contexte de ces déclarations. Je vous remercie donc d’apporter ces précisions.
      Je vous souhaite une bonne année 2015.

    2. Si j’ai donné l’impression de défendre Locher je m’en excuse, ce n’était pas mon intention. Les propos qu’il a tenu, et qui sont à l’origine de la polémique, sont scandaleux. Je souhaitais mettre en garde contre une lecture trop rapide de l’article du Matin notamment en ce qui concerne les déclarations des deux romands (Shafique Keshavjee et Suzette Sandoz) qui par endroit peuvent également fâcher, et qui m’étonne de leur part. Je me méfie qu’ils aient voulu défendre la place des femmes dans l’Eglise tout en réorientant le débat, et que cela ait été mal retransmis dans l’article. Après, n’ayant pu en discuter ni avec l’un ni avec l’autre, je ne peux que spéculer sur leurs véritables intentions, et je serai très intéressé à en parler avec les personnes concernées lors de ma prochaine rencontre avec eux.

  3. Et je me permet encore d’ajouter quelques liens vers d’autres prises de positions sur le sujet.
    De l’Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud: http://eerv.ch/ministeres-feminins/
    De l’Eglise Réformée Evangélique de Neuchâtel: https://www.facebook.com/eglise.EREN/posts/943980252278874

    Et encore un petit bout d’émission de la Radio Suisse (RTS): http://www.rts.ch/religion/juste-ciel/6424204-feminite-ou-virilite-les-traditions-religieuses-s-interrogent.html

  4. Féminité et virilité dans l’Eglise selon Shafique Keshavjee

    Trois citations proposées pour Le Matin, 7 janvier 2015.

    Dans un récent article, j’ai été sollicité pour réagir aux propos tenus par MM. Gottfried Locher et Herbert Pachmann. Le titre « Ils dénoncent une « Eglise de nanas » ne correspond nullement à ma pensée, mais bien à celle attribuée à ces deux Messieurs. Voici les citations complètes de ce que j’avais communiqué au journaliste, une partie seule n’ayant pu être retenue par lui.

    «La féminisation de l’Eglise est une richesse, parce qu’elle a longtemps été dominée par des hommes. Or, je rappelle qu’il n’y aurait pas eu de Nouveau Testament sans le «oui» d’une femme, Marie, et que ce sont des femmes qui, les premières, sont témoins de la résurrection du Christ. Hommes et femmes sont égaux, différents et complémentaires du point de vue chrétien.

    «Cela étant, je déplore une dévirilisation de l’Eglise dans la mesure où le courage nous manque désormais d’aborder les sujets qui fâchent comme l’argent, le pouvoir, la sexualité ou le rapport à la Vérité. J’entends par là qu’il y a une force créatrice de la parole qui vient de l’Evangile qu’on veut taire, pour ne pas faire de vague, pour se conformer à l’esprit du temps. Mais attention, il y a des dames qui ont cette virilité intellectuelle et spirituelle, et il ne s’agit pas de les enfermer dans des stéréotypes traditionnellement accolés aux femmes comme la douceur ou l’accueil.»

    «Le manque de vigueur des Eglises, selon moi, découle notamment de deux choses : premièrement, la sécularisation va tellement vite que l’on a adopté, y compris dans les facultés de théologie, où l’on forme les pasteurs, une posture agnostique, molle, voire franchement athée. D’autre part, dans notre système, les Eglises sont subventionnées par l’Etat. C’est une chance et un facteur de paix, mais cela peut aussi anesthésier la pensée, dans la mesure où l’on va chercher à ne surtout pas choquer.»

    Bref, je ne dénonce aucunement une « Eglise de nanas » (c’est hyper insultant et faux) et la « virilité » que je conçois n’est pas guerrière (ce serait très inquiétant et dangereux)!

    1. Cher Monsieur,
      Je vous remercie de prendre la peine d’apporter ces précisions. À lire votre texte, il me semble que vos propos ont été cités correctement, même s’ils ne l’ont pas été intégralement et si le titre ne reflète pas votre pensée. Mais grâce à votre commentaire, chacun peut maintenant se faire son opinion.
      Avec mes salutations et mes vœux pour une belle année 2015.

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