Soit je respecte la Bible, soit je respecte les femmes

J’aime la période d’examen à l’Université, car les étudiant.e.s me font mesurer l’efficacité de mon enseignement et surtout ils/elles m’enseignent de nouvelles choses.

Cette session, deux examens tournaient autour de la question des femmes: la théologie féministe pour un étudiant de Bachelor et la place des femmes dans les Églises évangéliques pour une étudiante de Master. Plusieurs textes bibliques ont été évoqués, ceux qui accordent un statut inférieur à la femme. J’en cite cinq. Je vous préviens, ils font très mal paraître la Bible. Mais être chrétien ne doit pas empêcher d’être lucide. La Bible, ce n’est pas que ça, mais la Bible, c’est aussi ça!

Les trois premiers textes prescrivent le rôle et le comportement des femmes dans l’église:

Mais toute femme qui prie ou prophétise tête nue fait affront à son chef ; car c’est exactement comme si elle était rasée. Si la femme ne porte pas de voile, qu’elle se fasse tondre ! Mais si c’est une honte pour une femme d’être tondue ou rasée, qu’elle porte un voile! (Première lettre aux Corinthiens chapitre 11, versets 5 et 6)

Comme cela se fait dans toutes les Églises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées: elles n’ont pas la permission de parler; elles doivent rester soumises, comme dit aussi la Loi. Si elles désirent s’instruire sur quelque détail, qu’elles interrogent leur mari à la maison. Il n’est pas convenable qu’une femme parle dans les assemblées. (Première lettre aux Corinthiens chapitre 14, versets 34 et 35)

Quant aux femmes, qu’elles aient une tenue décente, qu’elles se parent avec pudeur et modestie : ni tresses ni bijoux d’or ou perles ou toilettes somptueuses, mais qu’elles se parent au contraire de bonnes œuvres, comme il convient à des femmes qui font profession de piété. Pendant l’instruction la femme doit garder le silence, en toute soumission. Je ne permets pas à la femme d’enseigner ni de dominer l’homme. Qu’elle se tienne donc en silence. (Lettre à Timothée chapitre 2, versets 9 à 13)

Le quatrième texte qui précise les rapports entre un mari et sa femme:

Femmes, soyez soumises à vos maris comme au Seigneur. Car le mari est le chef de la femme, tout comme le Christ est le chef de l’Eglise, lui le Sauveur de son corps. Mais, comme l’Eglise est soumise au Christ, que les femmes soient soumises en tout à leurs maris. (Lettre aux élections Éphésiens chapitre 5, versets 22 à 24)

Et le cinquième texte porte sur la possibilité et la manière pour une femme d’être sauvée:

C’est Adam, en effet, qui fut formé le premier. Ève ensuite. Et ce n’est pas Adam qui fut séduit, mais c’est la femme qui, séduite, tomba dans la transgression. Cependant elle sera sauvée par sa maternité, à condition de persévérer dans la foi, l’amour et la sainteté, avec modestie. (Première lettre à Timothée, chapitre 2, versets 14 et 15)

Que faire de ces textes? Les déchirer ou les brûler?

Certains (le langage épicène serait ici malvenu) les appliquent sans difficulté; ils les utilisent pour justifier, pour renforcer leur pouvoir de mâle. Certain.e.s cherchent à les relativiser: ils auraient été insérés tardivement dans le texte biblique, ajoutés par une main inconnue et ne seraient donc pas vraiment la Bible, ne refléteraient donc pas exactement la volonté de Dieu (moi non plus, je ne vois pas bien la logique).

Évidemment, aucune des deux positions ne me satisfait. Évidemment, je crois qu’il faut être beaucoup plus clair.

Soit je respecte la Bible, soit je respecte les femmes, mais je ne peux pas respecter les deux en même temps. À moins que je renonce à lire les textes bibliques comme le dernier mot de Dieu sur toutes les choses du monde, mais que je les lis comme des récits où des personnes disent comment elles vivent, veulent vivre ou devraient vivre quand elles croient qu’elles reçoivent leur vie d’ailleurs (d’un Dieu pour celles qui ont écrit la Bible). C’est parfois magnifique (y compris sur la femme), c’est parfois désespérant.

Les textes sont magnifiques quand les auteurs dépassent leurs contextes, leurs limites, leurs bassesses, leurs médiocrités et me rendent plus humains. C’est ainsi, c’est alors que la Bible est inspirée, qu’elle devient Parole de Dieu. Ce sont ces textes que j’aime lire et faire lire. Mais même les textes les plus désespérants ont une valeur, celle de nous mettre en garde: aujourd’hui comme hier et avant hier, aujourd’hui comme demain, nous attribuons à Dieu, nous justifions au nom de Dieu nos contextes, nos limites, nos bassesses, nos médiocrités.

Quand l’orgueil gonfle ma tête et enfle mes chevilles, quand je suis absolument certain d’avoir raison, je me demande parfois comment on jugera mon avis (cet article par exemple) dans 20 ou 50 ans (si quelqu’un le relit). On dira au mieux que j’ai été partiel et partial: « un homme de son époque! » Et on aura raison. J’aimerais seulement qu’on ajoute: « un bon homme de son époque ». Mais je ne suis pas sûr que je le mérite.

11 commentaires

  1. Bonjour,
    Vous écrivez: Soit je respecte la Bible, soit je respecte les femmes, mais je ne peux pas respecter les deux en même temps …

    … ou bien vous pourriez trouvez aussi éventuellement d’autres textes sous la plume de Paul (et dans les évangiles) ou encore dans Jean qui respectent infiniment les femmes … et parler des femmes dans les assemblées dans l’histoire des 300 premières années, avant qu’elles ne soient évincées, non pas par le NT mais par certains conciles …

    L’information serait bénéfique pour plusieurs mouvements évangéliques …

    Généralement, ceux qui relèvent ces textes, ne parlent pas de la femme apôtre Junia, ou encore de Lydie et de l’église de sa maison, ne font aucun parallèle entre Jean 3 et 4 (Nicodème et la Samaritaine)(après avoir lu ces textes indépendamment des « traditions d’interprétation », s’entend) , ne se posent pas la question: et une fois instruite à la maison, que fait une femme … ou encore relevez ce que veut réellement « kyria » dans la salutation de Jean, au début de sa deuxième épitre, etc, etc.

    Vous relevez (à juste titre) ce sujet. Vous soulignez ce que est déjà souligné et donc connu par plusieurs. Un prochain article avec des informations concrètes permettraient de dépasser ses « traditions » aux personnes, notamment aux femmes de ses assemblées, et en premier à leur responsables, non? Avant 20 ou 50 ans ! 😉

    1. Bonjour,
      Je vous remercie de votre beau message.
      Vous avez parfaitement raison, certains textes bibliques sont magnifiques. Et ceux que vous indiquez me redonnent de l’espoir. Vous savez bien mieux que moi rappeler la place et la valeur (et le respect!) que la Bible accorde aux femmes.
      Mais je ne suis pas prêt à « sauver » des textes pathogènes ou mortifères, sous prétexte qu’ils figurent dans la Bible.
      Avec mes meilleures salutations… sororelles.

      1. Bonjour,
        Je ne pensais pas que vous me répondriez dans ce sens, pourtant, je vous ai déjà lu, et elle était prévisible! 🙂

        Que disent les premiers textes (Vetus latina) et dans d’autres langues par exemple pour « tête nue ». Je verrais bien plutot « seins nus », ou simplement « non voilée d’un voile qui recouvre le corps en entier ou presque », c’est possible?

        Quand à se taire dans les assemblées, qu’est-ce qu’une assemblée à ces époques, et se composaient-elles de chrétiens uniquement? Imaginer la première femme « présidente » d’un pays-état ou milieu de l’ensemble de tous les présidents « hommes » …

        Sinon, devant leur mari, eux doivent donner leur vie entière à leur épouse et eux sont responsables pour elles … je ne suis pas certaine que cela soit plus … facile (je ne trouve pas le bon terme) de donner sa vie en entier à quelqu’un!

        Enfin, telle n’est pas votre recherche … et venant d’un ingénieur ou de n’importe quelle autre profession ………… de votre part par contre ………….

        Merci pour vos salutations sororelles! Salutations fraternelles-sorerelles à vous! 🙂

      2. Bonsoir,
        Une seule réponse (mais je sais que vous vous y attendez). Vous faites vous-même ce que vous me demandez et vous le faites beaucoup mieux que moi. Si vous voulez poursuivre vos recherches à l’Institut lémanique de théologie pratique, je vous accueille les bras ouverts…
        Avec mes salutations

      3. Détrompez-vous, je ne m’y attendais pas du tout!

        Il faut avoir BEAUCOUP de foi pour venir « chez vous », sans la perdre …

        Ceci dit, je vous ai entendu (lu). Et si je vous prenais au mot? 😉

  2. « Soit je respecte la Bible, soit je respecte les femmes » ….Soit?…. Et si le problème venait de la manière de poser la question? De se tromper de niveau? De vouloir résoudre un problème existentiel, qui touche à l’être, et le rapport homme-femme, par des textes rapportant des faits du passé?
    Visiblement l’homme et la femme sont différents et pourtant unis depuis le début de leur vie. Existentiellement ils ont besoin l’un de l’autre, à tous les niveaux, physiquement, psychologiquement et spirituellement. Ils sont complémentaires, et appelés à s’aimer. Dans ce contexte, que vient faire cette lutte pour le pouvoir des sexes, non résolue, encore aujourd’hui dans la vie moderne?
    Pour moi, « un bon homme de son époque », c’est celui qui aime sa bible, et se réjouit de son être, il est fait pour « ne pas être seul », et abandonne sa prétention de tout savoir. Il construit sa vie en partageant ses besoins avec sa femme, pour trouver avec elle le bonheur de vivre, comme p.ex tout simplement la joie de voir les beaux cheveux de sa femme, comme le signe du don de Dieu fait à l’homme comme à la femme.

    1. Bonsoir,
      Je vous remercie d’avoir pris le temps d’ajouter votre commentaire. Je ne suis pas d’accord avec vous et je trouve facile de dénoncer « les luttes pour le pouvoir des sexes » quand on a le pouvoir et qu’on ne veut pas le partager. Et je trouve mesquin d’utiliser Dieu pour légitimer sa position.
      Avec mes salutations.

  3. Bonjour,
    Soit…soit… Soit être de ceux qui dénoncent « les luttes pour le pouvoir des sexes » soit être ce ceux qui prennent avantage de leur pouvoir et ne veulent pas le partager. Et au final une impasse: » Soit je respecte la Bible, soit je respecte les femmes, mais je ne peux pas respecter les deux en même temps »
    Et quand on change de niveau, en passant par la « Théologie concrète au quotidien » qui nous enseigne la réalité du « Et… Et.. avec au final un lien possible entre bible – homme -femme? Personnellement je remonterais au début de la bible qui nous parle de « et ils seront une seule chair », pour aller dans l’observation des faits « Oui l’homme et le femme sont complémentaires physiquement, psychiquement et spirituellement. (consultez les manuels spécialisés écrits qu 21ès) Puis j’écouterais S.Paul qui parle d’amour fraternel et du fait que dans la communauté des croyants, nous formons un seul corps, tout en étant différents, et le cheminement des croyants d’aujourd’hui vers l’œcuménisme.
    En tant que chrétiens, quel est notre message? N’est-ce pas de sortir des vieux schémas? des réactions épidermiques?
    Au plaisir de vous entendre parler de Theologie qui s’ouvre au quotidien

    1. Pour info: Je vous signale que le pasteur Fatzer qui vous a ouvert la porte fermée de l’Eglise de St Laurent, a été interdit de prêcher et même de prendre part à la liturgie. C’est le dernier chapitre à ajouter à votre premier cours d’une théologie au quotidien. Qu’en disent les étudiants? Je continue à aimer votre démarche, car le quotidien nous réserve des surprises, à nous hommes ou femmes, et nous apprend d’autres réalités,

      1. Bonjour,
        Encore une fois, je vous remercie de prendre la peine d’ajouter vos nombreux commentaires. Quant au pasteur Daniel Fatzer, j’ai été moi aussi peiné par ce qu’on lui a fait.
        Bonne journée

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