Pour alimenter le cours « Alimentation et spiritualité » que je donne à l’EPFL ce printemps, je propose chaque mardi (à l’heure où je commence le cours) un épisode de la vie de Nicole Rognon, une protestante vaudoise qui cuisine aussi comme elle croit.
Mais pourquoi dévorez-vous la plaque de chocolat qu’on vous a offerte ?
Nicole Rognon trouve sa question légitime. Car elle voit de ses yeux un Vénérable bouddhiste manger discrètement, presque secrètement, la plaque de chocolat offerte pour le remercier d’une brillante conférence sur les vertus du détachement, sur l’importance du contentement ; elle le voit même la dévorer goulûment. Pourtant, ce qu’elle a entendu résonne positivement à ses oreilles de bonne protestante : il faut manger pour vivre et se contenter de ce que l’on a ; mais elle se demande si le Vénérable dit vraiment ce qu’il fait et fait vraiment ce qu’il dit.
Alors, en partie par honnêteté, en partie par inconscience, en partie par naïveté, elle demande au Vénérable de lui expliquer ce qui lui semble être un péché de gourmandise (elle sait que ce n’est pas un concept bouddhiste). Et le Vénérable lui répète ce qu’il avait exposé, de manière un peu plus personnalisée, de manière un peu plus circonstanciée.
Un moine bouddhiste n’a pas de désir personnel ; il n’attribue à la nourriture qu’une seule fonction, celle de permettre sa vie spirituelle ; il lui attache si peu d’importance qu’il ne fait aucun effort pour l’obtenir, pas même mendier ; il dépend entièrement de la générosité des personnes qu’il rencontre ; il se contente de manger la nourriture qu’il reçoit, peu importe ce qu’il reçoit ; il prêterait trop d’attention à la nourriture s’il refusait de manger ce qu’on lui donne ; si on lui offre du riz, il mange du riz ; si on lui offre du chocolat, il mange du chocolat ; ni par plaisir, ni sans plaisir, seulement parce que c’est ce qui lui est offert ; c’est aussi simple que cela. Et si on lui donne de la viande ? Car après tout, un bouddhiste est bien végétarien ; et le Vénérable lui répond que cela vaut aussi pour la viande, même si un bouddhiste préfère manger végétarien ; il l’accepte à trois conditions : que l’animal n’ait pas été tué pour lui et qu’il n’ait pas vu ni entendu l’animal se faire tuer. Et le Vénérable de poursuivre en citant les paroles attribuées au Bouddha : « Ceux qui se dévorent les uns les autres renaîtront bêtes féroces, puantes et insanes. Ceux qui s’abstiennent de viande et d’alcool renaîtront parmi les sages et les saints. » (Soûtra Laṅkâvatâra, chapitre VIII, verset 256). Il ajoute : « Lorsque quelqu’un mange ce qu’on lui donne, c’est à celui qui donne de réfléchir à ce qu’il donne ! ».
Nicole Rognon sait maintenant tout ce qu’elle peut savoir sur la relation que le bouddhisme entretient avec l’alimentation. Mais quelles nourritures pourrait-elle offrir au moine bouddhiste qui passerait devant chez elle ?
Je serais heureux de recevoir vos propositions; vous pouvez les partager à l’aide de l’outil « Poster un commentaire » ci-dessous.
- Mardi 4 avril à 15h00: « Nicole Rognon s’adapte à la cuisine végane. »
Épisodes parus:
- Nicole Rognon cuisine aussi comme elle croit.
- Nicole Rognon cuisine en chrétienne.
- Nicole Rognon cuisine en contexte musulman.
- Nicole Rognon aménage une cuisine pour qu’un couple juif puisse y cuisiner.
- Nicole Rognon cuisine pour les beaux-parents hindous de son fils.
- Nicole Rognon reçoit une leçon de cuisine bouddhiste.
- Nicole Rognon s’adapte à la cuisine végane.
- Nicole Rognon découvre qu’elle cuisine autrement.
- Nicole Rognon arrête de manger et de cuisiner.
- Nicole Rognon transmet de quoi manger en suisse.
- Nicole Rognon laisse Jean-Jacques cuisiner pour la Saint-Valentin.
- Nicole Rognon cherche un menu qui plaise à tout le monde.
- Nicole Rognon mange comme une déesse et Jean-Jacques comme un dieu.