Pour alimenter le cours « Alimentation et spiritualité » que je donne à l’EPFL ce printemps, je propose chaque mardi (à l’heure où je commence le cours) un épisode de la vie de Nicole Rognon, une protestante vaudoise qui cuisine aussi comme elle croit.
Mais pourquoi voulez-vous savoir comment je choisis mes tomates ?
Nicole Rognon n’avait pas compris le sens de la question ; ses tomates, elle les choisit toujours bien mûres, parfois pas chères, même si elle a la chance de ne pas devoir faire attention au prix ; mais quand elle y pense, elle se rend compte que ce n’est pas si simple ; acheter une tomate n’est en aucun cas un geste anodin ; choisir une tomate dit beaucoup des valeurs de la personne qui l’achète, révèle ce en quoi elle croit.
D’abord pour choisir des tomates, il faut acheter des tomates ; pour acheter des tomates, il faut manger des tomates ; et pour manger des tomates, il faut aimer les tomates. Jusque-là, il n’est pas encore question de valeur, ou alors seulement de valeur gustative ou nutritive ; mais entre les deux, il faut parfois déjà choisir : les tomates les plus agréables au goût sont-elles toujours celles qui conviennent le mieux au corps ? Mais Nicole Rognon le comprend, l’achat d’une tomate est un geste lourd de conséquences ; il implique des valeurs éthiques et, en bonne protestante, l’éthique ne peut pas la laisser indifférente.
En achetant ses tomates, elle peut faire un geste politique, privilégier le bio et refuser le génétiquement modifié ; elle peut se préoccuper des conditions de travail et n’acheter que des tomates issues du commerce équitable, ou des conditions de production, et les choisir issues de l’agriculture durable ; mais elle peut aussi s’affirmer locavore et n’acheter que des tomates produites dans un rayon de 100 kilomètres ; elle peut les acheter directement auprès d’un producteur, au marché ou dans une grande surface qui tire les prix vers le bas ; elle peut privilégier l’écologie, ce qui ne simplifie pas sa tâche : quelle tomate présente le meilleur bilan écologique ? La tomate produite en serre en Suisse ou la tomate produite en terre en Espagne ? Le calcul est difficile ; mais elle a résolu ce dilemme depuis qu’elle a vu de ses yeux que les tomates espagnoles poussaient elles aussi hors sol et sous des serres, sans jamais toucher la terre ni voir le soleil.
Elle peut encore, et ce serait sans doute le meilleur choix, planter ses propres tomates, cultiver des espèces anciennes en permaculture, les faire croître avec amour, avec un peu d’eau fraîche et sans pesticide ; et n’en manger que lorsqu’elles sont mûres. Ce serait sans doute le meilleur choix ; mais en bonne protestante, elle sait qu’on ne fait pas toujours ce qu’on devrait.
Nicole Rognon sait maintenant tout ce qu’elle peut savoir pour cuisiner selon son éthique. Mais que va-t-elle cuisiner autrement ?
Je serais heureux de recevoir vos propositions; vous pouvez les partager à l’aide de l’outil « Poster un commentaire » ci-dessous.
- Mardi 25 avril à 15h00: « Nicole Rognon arrête de manger et de cuisiner. »
Épisodes parus:
- Nicole Rognon cuisine aussi comme elle croit.
- Nicole Rognon cuisine en chrétienne.
- Nicole Rognon cuisine en contexte musulman.
- Nicole Rognon aménage une cuisine pour qu’un couple juif puisse y cuisiner.
- Nicole Rognon cuisine pour les beaux-parents hindous de son fils.
- Nicole Rognon reçoit une leçon de cuisine bouddhiste.
- Nicole Rognon s’adapte à la cuisine végane.
- Nicole Rognon découvre qu’elle cuisine autrement.
- Nicole Rognon arrête de manger et de cuisiner.
- Nicole Rognon transmet de quoi manger en suisse.
- Nicole Rognon laisse Jean-Jacques cuisiner pour la Saint-Valentin.
- Nicole Rognon cherche un menu qui plaise à tout le monde.
- Nicole Rognon mange comme une déesse et Jean-Jacques comme un dieu.