Pour alimenter le cours « Alimentation et spiritualité » que je donne à l’EPFL ce printemps, je propose chaque mardi (à l’heure où je commence le cours) un épisode de la vie de Nicole Rognon, une protestante vaudoise qui cuisine aussi comme elle croit.
Mais qu’est-ce que je vais pouvoir lui donner à manger ?
Sébastien s’installe en Inde ; pour trois ans au moins, pour toujours peut-être. Nicole Rognon n’est pas inquiète ; elle fait confiance à sa belle-fille qui s’occupera bien de son fils, et à son fils tout à fait capable de prendre soin de lui-même ; mais en bonne vaudoise, elle est quand même prudente ; elle n’aimerait pas que son fils perde le goût de la Suisse ; ni les enfants de son fils ; et pour diminuer ce risque, le mieux serait qu’il n’oublie pas les goûts suisses ; non pas qu’elle croie que l’on serait ce que l’on mange, mais parce qu’elle est convaincue que c’est en apprenant à aimer les goûts de chez soi que l’on fait de chez soi, chez soi. Nicole Rognon croit à une sorte d’identité alimentaire ou d’identité comestible ; une identité que l’on peut, Dieu soit loué, emporter partout avec soi ; une identité qui peut, Dieu soit loué, changer au gré des rencontres, des expériences et des découvertes ; les enfants métis sont les plus beaux et la cuisine fusion est la meilleure.
Mais pour qu’il y ait fusion, il faut que se rencontrent au moins deux aliments ; et pour qu’en Inde, la fusion soit possible, il faut qu’elle prépare pour son fils un panier de nourritures suisses ; évidemment, le geste reste un peu symbolique, puisque le panier ne va pas durer trois ans ; mais c’est une impulsion, une intention ; et puis, la globalisation a ceci de bon qu’elle permet de manger de tout partout ; et puis, l’argent a ce ceci de bon qu’il lui permet d’aller le ravitailler en cas de besoin.
Et Nicole Rognon s’attelle à la tâche, avec trois questions en tête : comment prétendre définir une identité alimentaire suisse, quand on qualifie de « rideau de rösti » l’une des frontières linguistiques du pays ? Réponse objective : ça dépend de la région, du canton ou du village ; comment faire tenir cette vaste identité dans un panier pour qu’y tiennent au moins vingt-six spécialités, une par canton ? Réponse pratique : il faut choisir un très grand panier ; enfin, comment choisir parmi ce qui compose cette multiple identité ? Réponse totalement subjective : la Suisse a le goût de ce qui pour son fils est le goût de la Suisse. Elle s’attelle à la tâche avec une conviction, celle que la Suisse change, bouge, évolue et qu’il faut aussi inscrire au patrimoine alimentaire suisse ce qui vient d’un ailleurs proche ou lointain et qui, adopté et adapté, devient « d’ici ».
Nicole Rognon sait maintenant tout ce qu’elle peut savoir sur l’identité alimentaire suisse. Mais que va-t-elle mettre dans le panier qu’elle aimerait que son fils emporte en Inde ?
Je serais heureux de recevoir vos propositions; vous pouvez les partager à l’aide de l’outil « Poster un commentaire » ci-dessous.
- Mardi 9 mai à 15h00: « Nicole Rognon laisse Jean-Jacques cuisiner pour la Saint Valentin. »
Épisodes parus:
- Nicole Rognon cuisine aussi comme elle croit.
- Nicole Rognon cuisine en chrétienne.
- Nicole Rognon cuisine en contexte musulman.
- Nicole Rognon aménage une cuisine pour qu’un couple juif puisse y cuisiner.
- Nicole Rognon cuisine pour les beaux-parents hindous de son fils.
- Nicole Rognon reçoit une leçon de cuisine bouddhiste.
- Nicole Rognon s’adapte à la cuisine végane.
- Nicole Rognon découvre qu’elle cuisine autrement.
- Nicole Rognon arrête de manger et de cuisiner.
- Nicole Rognon transmet de quoi manger en suisse.
- Nicole Rognon laisse Jean-Jacques cuisiner pour la Saint-Valentin.
- Nicole Rognon cherche un menu qui plaise à tout le monde.
- Nicole Rognon mange comme une déesse et Jean-Jacques comme un dieu.