Pour alimenter le cours « Alimentation et spiritualité » que je donne à l’EPFL ce printemps, je propose chaque mardi (à l’heure où je commence le cours) un épisode de la vie de Nicole Rognon, une protestante vaudoise qui cuisine aussi comme elle croit.
Mais qu’est-ce qu’il va me faire à manger cette année ?
En bons protestants, les Rognon n’aiment pas tellement les rites ; ils les jugent trop mécaniques et leur préfèrent les gestes spontanés. Mais ils ont au moins une tradition : pour la Saint Valentin, c’est Jean-Jacques qui cuisine un repas en amoureux. Depuis plus de trente ans !
Nicole Rognon doute que l’on puisse attacher l’amour aux queues des casseroles ; si c’était le cas, ses 364 nœuds annuels seraient plus solides que le lien unique de son mari ; mais elle croit que l’amour et la nourriture ont au moins des points communs : on peut épicer une relation, on peut la pimenter ; une passion peut être dévorante (l’amour serait-il cannibale ?). En bonne protestante, Nicole Rognon aime douter ; mais elle reconnaît volontiers qu’elle a toujours été sensible aux intentions de Jean-Jacques ; même si celui-ci n’a pas toujours été brillant ; et ça lui est arrivé, surtout, quand il était parfaitement content de lui.
Pas brillant quand il a conçu le repas comme un exploit, comme une performance, quand il a pensé la séduire à coups de grandes recettes, d’ingrédients sophistiqués et de prouesses culinaires ; résultat, il n’était pas content de lui, arrivait fatigué au moment du repas et passait plus de temps en cuisine qu’avec elle. Pas brillant quand il a préféré l’inviter dans un très grand restaurant ; c’était presque trop facile et l’expérience s’était révélée décevante ; résultat : excellent menu, mais repas trop impersonnel. Pas brillant quand il a préparé un menu aphrodisiaque ; il n’avait qu’un seul but, qu’ils finissent au lit ; et pour utiliser tant d’expédients, il devait craindre l’absence de désir ; résultat : repas décevant, convenu, sans imagination ni raffinement ; c’était seulement profusion d’épices et sex-shop bas de gamme ; sans compter que ça n’avait pas marché.
Heureusement, avec l’âge, Jean-Jacques s’est assagi ; aujourd’hui, il s’intéresse aux goûts de sa femme ; maintenant, il n’a plus d’autre ambition que de témoigner à Nicole son amour ; que de cuisiner quelque chose qu’ils apprécieront de manger ensemble.
Depuis plus de trente ans, Nicole Rognon a appris tout ce qu’elle pouvait apprendre sur la cuisine amoureuse selon Jean-Jacques ; mais elle est convaincue qu’il peut encore la surprendre. Qu’est-ce que Jean-Jacques va leur cuisiner ce soir ?
Je serais heureux de recevoir vos propositions; vous pouvez les partager à l’aide de l’outil « Poster un commentaire » ci-dessous.
- Mardi 16 mai à 15h00: « Nicole Rognon cherche un menu qui plaise à tout le monde. »
Épisodes parus:
- Nicole Rognon cuisine aussi comme elle croit.
- Nicole Rognon cuisine en chrétienne.
- Nicole Rognon cuisine en contexte musulman.
- Nicole Rognon aménage une cuisine pour qu’un couple juif puisse y cuisiner.
- Nicole Rognon cuisine pour les beaux-parents hindous de son fils.
- Nicole Rognon reçoit une leçon de cuisine bouddhiste.
- Nicole Rognon s’adapte à la cuisine végane.
- Nicole Rognon découvre qu’elle cuisine autrement.
- Nicole Rognon arrête de manger et de cuisiner.
- Nicole Rognon transmet de quoi manger en suisse.
- Nicole Rognon laisse Jean-Jacques cuisiner pour la Saint-Valentin.
- Nicole Rognon cherche un menu qui plaise à tout le monde.
- Nicole Rognon mange comme une déesse et Jean-Jacques comme un dieu.