Critique fraternelle de l’indulgence plénière accordée à qui souffre du coronavirus

Le décret

Le 19 mars 2020, la Pénitencerie Apostolique de l’Église catholique a publié un décret accordant « le don d’indulgences spéciales […] aux fidèles affectés par la maladie du Covid-19, communément appelée coronavirus, ainsi qu’aux agents de santé, aux membres de leurs familles et à tous ceux qui à n’importe quel titre, également par la prière, prennent soin d’eux » (lire le décret sur le site du Vatican). Je rappelle qu’une indulgence est « la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés » et qu’elle dépend d’un capital, « le trésor des satisfactions du Christ et des saints », que partage l’Église catholique romaine (Catéchisme de l’Église catholique no 1471). Il y a quelques années, j’avais déjà exposé le système des indulgences sur mon blogue «Luther, réveille-toi, ils sont (re)devenus fous !».

Mais je reviens au décret ! Il accorde l’indulgence plénière :

  1. Aux « fidèles affectés par le coronavirus », aux agents de santé, aux membres de familles et à celles et ceux qui assistent les malades « s’ils s’unissent spirituellement à travers les moyens de communication à la célébration de la Messe, à la récitation du chapelet, à la pieuse pratique de la Via Crucis ou à d’autres formes de dévotion, ou s’ils récitent au moins le Credo, le Notre-Père et une pieuse invocation à la Bienheureuse Vierge Marie, en offrant cette épreuve dans un esprit de foi en Dieu et de charité envers leurs frères, avec la volonté de remplir les conditions habituelles (confession sacramentelle, communion eucharistique et prière selon les intentions du Saint-Père), dès que possible. »
  2. Aux « fidèles qui offrent la visite au Très Saint Sacrement, ou l’adoration eucharistique, ou la lecture des Saintes Écritures pendant au moins une demi-heure, ou la récitation du chapelet, ou le pieux exercice du Chemin de Croix, ou la récitation du petit chapelet de la Divine Miséricorde, pour implorer de Dieu Tout-puissant la fin de l’épidémie, le soulagement pour ceux qui en sont affectés et le salut éternel de ceux que le Seigneur a appelés à lui. »
  3. Au « fidèle sur le point de mourir, à condition qu’il soit dûment disposé et qu’il ait habituellement récité quelques prières de son vivant », même s’il est mort sans recevoir « recevoir le sacrement de l’onction des malades et du viatique ».

Mes commentaires

Quand j’ai lu ce décret, je me suis dit malheureusement encore une fois : « L’Église catholique en est encore là ! ». Encore à estimer que la souffrance peut être rédemptrice ; encore à faire de Dieu un comptable qui récompense chacun·e selon ses bonnes ou mauvaises actions. Encore à s’arroger le pouvoir d’influencer le jugement de Dieu.

Car, sous couvert de compassion, la Pénitencerie Apostolique sous l’autorité du Souverain Pontife profite de l’épidémie de Covid-19 pour tenter de réaffirmer un pouvoir qui lui échappe. Il n’est pas anodin que le décret soit publié en français, en anglais, en chinois (Chine et Taïwan), en italien et en espagnol, soit dans les langues des pays les plus touchés par le Coronavirus. L’Église catholique romaine exploite donc la peur. Elle fait croire que la qualité de la vie après la mort dépend d’elle, qu’elle exerce une influence sur la volonté de Dieu et que Dieu récompense ceux qui lui obéissent.

Elle fixe des conditions qui correspondent toutes à des actes de piété à accomplir exclusivement dans le cadre de l’Église catholique romaine (Messe, Rosaire, chapelet, chemin de croix), sauf la récitation du Credo et du Notre-Père et la lecture de la Bible. À lire le décret, il paraît évident que l’Église catholique romaine considère encore que Dieu lui obéit servilement.

Mais la théologie protestante reconnaît que Dieu dispose d’une souveraine liberté. Elle déclare humblement qu’aucune Église, ni aucune personne, ni aucun objet, ni aucun comportement ne garantit l’indulgence de Dieu. Ma théologie protestante postule que Dieu ne met aucune condition pour que toutes et tous bénéficient de son amour dans sa vie — même dans la souffrance, mais alors malgré la souffrance et contre la souffrance — et aussi — je l’espère, mais je n’ai aucune certitude — au-delà de ma mort.

Ce décret sur les indulgences n’a rien de nouveau. Le système des indulgences contre lequel Luther s’était déjà indigné n’a jamais disparu de l’Église catholique romaine. Il figure toujours dans le Droit canonique (canon 992) et dans le Catéchisme de l’Église catholique (numéro 147). Il refait surface régulièrement. Depuis l’an 2000, la Pénitencerie Apostolique a ainsi déjà publié 22 décrets accordant des indulgences (lire liste sur le site du Vatican).

Œcuménisme

À me lire, on pourrait peut-être penser que je suis peu ou pas œcuménique. Mais c’est tout le contraire. Car l’œcuménisme ne se fait pas entre gens qui sont d’accord, mais il doit se faire malgré les désaccords. Et c’est parce que j’aime aussi l’Église catholique romaine que je suis exigeant avec elle.

Post scriptum

Pour équilibrer mon propos, je signale que selon le portail catholique suisse cath.ch, le 20 mars, soit le lendemain de la publication du décret de la Pénitencerie Apostolique, le pape a déclaré : « Si tu ne trouves pas de confesseur, il faut que tu t’adresses directement à Dieu »… « précisant la nécessité d’aller tout de même se confesser plus tard. » (lire l’article sur cath.ch)

Post post scriptum ajouté le 28 mars 2020

Lire une présentation catholique claire et précise sur les indulgences: « Quelle est la différence entre le pardon des péchés et le don des indulgences? » sur aletheia.org.


2 commentaires

  1. Pffff… Quelle étrange décision, en effet.

    Mais peut-être fait-il simplement la prendre de façon compassionnelle, comme un moyen de rassurer ceux qui, malades ou au combat, craindraient et trembleraient de mourir sans confession ou sans onction.

    Et peut-être que rassurer est aujourd’hui très important.

    J’aime

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