Je suis évidemment contre ce qu’on appelle faussement des « thérapies de conversion »

Sollicité par le média suisse en ligne Heidi.news (« Vers une interdiction des dévastatrices et trompeuses thérapies de conversion« ), j’ai dû réfléchir sur les prétendues « thérapies de conversion ». Voici ce que je pense en penser.

Quel regard portez-vous sur les thérapies de conversion?

Je suis bien évidemment totalement opposé à ce que certains milieux chrétiens appellent faussement « thérapie de conversion ». Car parler de « thérapie de conversion » sous-entend qu’une préférence amoureuse – qui n’est pas seulement sexuelle et qui ne se réduit donc pas à l’homosexualité – pour une personne du même sexe ou du même genre serait une maladie qu’il faudrait soigner (d’où « thérapie ») et qu’elle serait en même temps un choix qu’il serait possible de changer (d’où « conversion »). Mais ne me demandez pas comment une maladie pourrait être choisie!

Ces prétendues « thérapies de conversion » cherchent en fait à arracher le désir d’une personne qu’elle réduise à son homosexualité pour lui imposer de force une forme unique d’amour conjugal. Pour le faire, elles utilisent la manipulation psychologique et même la contrainte physique si nécessaire.

Théologiquement, comment jugez-vous l’homosexualité?

Ma compréhension de l’Évangile me laisse fondamentalement croire que chacun·e est libre d’aimer qui elle ou il veut, de vivre librement son amour quand la, le ou les partenaire·s est ou sont majeur·es et quand l’amour est partagé. Je crois aussi  chacun·e doit pouvoir afficher sans crainte cet amour publiquement. Je crois encore que chacun·e n’a de compte à rendre qu’à son, sa ou ses partenaires (lire sur mon blogue mon article « (Im)précis d’éthique sexuelle chrétienne »). Je crois enfin que Dieu inspire toutes les amours.

Quels sont les différents points de vue en Suisse à travers les religions majoritaires? Comment expliquer par exemple les spécificités de l’Église réformée?

Il existe une ligne de partage qui passe par l’amour jugé légitime : qui a-t-on le droit d’aimer? Qui a le droit de former un couple, d’avoir des enfants? Quelle liberté me donnent ou me laissent les communautés auxquelles j’appartiens, les autorités que je respecte? Quelles interdictions, quelles limites veulent-elles m’imposer? Cette ligne de démarcation traverse aussi bien les religions que les partis politiques, les fédérations sportives ou l’armée. Elle sépare un courant exclusif qui interdit ou punit tout couple qui n’est pas formé d’un homme et d’une femme et un courant inclusif qui tolère, admet ou reconnaît les couples formés de deux personnes de même sexe ou de même genre.

Dans le christianisme, et plus spécifiquement dans le protestantisme, les Églises réformées et luthériennes – au moins en Occident – ont en général choisi le courant inclusif – non sans peine ni sans opposition –. Elles admettent théologiquement plusieurs formes de conjugalité – et soyons clair plusieurs formes de sexualité – . Elles accueillent des paroissien·nes et engagent des pasteur·es peu importe que leurs préférences amoureuses aille à une personne du même et/ou d’un autre sexe et/ou d’un autre genre. Mais elles vont encore plus loin dans l’inclusion.

En 2003, C’est l’Église (protestante) unie du Canada qui a demandé au gouvernement canadien de reconnaître le mariage entre conjoint·es de même sexe. Et depuis 2005, les couples de même sexe peuvent s’y marier (lire sur mon blogue mon article « Le mariage de couples de même sexe vu depuis le Québec et l’Église unie du Canada ».

En Europe, où les Églises ne peuvent bénir que des couples déjà reconnus l’État – le « mariage à l’Église » n’y existe donc pas –, les Églises réformées et luthériennes font souvent le choix de bénir tous les couples « civilement officialisés » – pour peu qu’ils le souhaitent évidemment –. Ainsi en France, l’Église protestante unie bénit les « mariages pour tou·tes » depuis 2015. En Suisse romande, comme je l’explique dans mon livre 500 ans de Suisse romande protestante (Alphil, 2020), l’Église réformée du canton de Berne bénit des couples de même sexe depuis 1995, celle de Fribourg depuis 1998 et celle de Genève depuis 2019. L’Église réformée évangélique du canton Vaud célèbre les partenariats enregistrés – y compris ceux de couples de même sexe – depuis 2012. Et l’assemblée des délégué·es des Églises réformées de Suisse (l’Église évangélique réformée de Suisse) s’est prononcé en 2019 en faveur de l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe.

Évidemment, les ou ces Églises réformées et luthériennes ne pratiquent pas de « thérapies de conversion », puisque elles sont convaincues qu’une préférence amoureuse pour une personne du même sexe ou du même genre n’est pas une maladie, ni un choix. Elle est une manière d’aimer que Dieu a déjà approuvée.

2 commentaires

  1. Merci pour cet article ! De nos jours, ça devrait en effet paraître une évidence.
    Auparavant, il y a eu l’empathie compassionnelle (je généralise). Par exemple, dans les médias plein de bonne volonté, on consacrait des émission à « L’homosexualité, ce douloureux problème. »

    A partir des années 80 il y a eu une tournant dans le discours militant qui disait en toute logique : ce n’est pas l’homosexualité qui est un problème, c’est l’homophobie – de même qu’on aurait dit « Ce n’est pas le fait d’être d’une autre couleur que les Blancs qui est une couleur, c’est le racisme. »

    Aux Etats-Unis, les Baptistes du Sud ont demandé pardon pour les fautes de leurs ancêtres esclavagistes. Certains évangéliques extrêmes ont déclaré que l’homosexualité était un péché pire que l’esclavagisme.

    Sous nos latitudes, on va dans la bonne direction, pour d’autres, c’est une affaire de vie ou de mort.

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