Aujourd’hui donc, Joseph R. Biden va prêter serment et devenir le 46e président des États-Unis. La Constitution étatsunienne (article II, section 1) requiert que le président prête serment. On annonce qu’il le fera la main posée sur une Bible familiale avec une croix celtique sur le dessus. On verra si les images le confirment.
L’usage veut que le nouveau président (j’espère pouvoir écrire la nouvelle présidente bientôt) prête serment sur un livre (sauf Theodore Roosevelt qui, installé de toute urgence en 1901, n’a utilisé aucun objet), un livre qui a toujours été une Bible, sauf pour John Q. Adams (1825) qui a juré sur un livre de loi et Lyndon B. Johnson (1963) sur le missel de John F. Kennedy.
Dans ce contexte, plus que la Bible, c’est «quelle Bible?» qui devient signifiant. Or, le comité d’organisation des cérémonies d’investiture tient une liste non exhaustive des Bibles utilisées, ce qui fait le bonheur des chercheur·es. Certaines ont une valeur particulière et transmettent un message particulier.
Si, en 1789, George Washington prête serment sur une Bible qu’il emprunte à une loge maçonnique de New York, pendant presque deux siècles, la Bible est souvent une Bible personnelle ou familiale qui semble suffire en elle-même. Les choses changent au 20e siècle, notamment quand Harry S. Truman en 1949 superpose deux Bibles ce qui permet de transmettre un double message: de continuité quand il utilise la Bible de sa première investiture et peut-être d’inscription dans une histoire plus large en choisissant un fac-similé de la Bible de Gutenberg. À la fin du 20e siècle, la Bible permet de revendiquer un héritage, comme en témoigne l’utilisation de la «Bible de George Washington» notamment par James E. Carter (1977) et Georges H. W. Bush (1989). Jugée trop fragile, elle ne peut plus être utilisée depuis, ce qui explique que Barack H. Obama et Donald J. Trump prêtent serment sur la Bible d’un autre «grand président», Abraham Lincoln. En 2013, Barack H. Obama lui ajoute une Bible ayant appartenu à Martin Luther King Jr, celle qu’il utilisait quand il prêchait, aux dires de ses filles.
Quand la Bible est ouverte, on peut approfondir la recherche et considérer que le choix de verset transmet lui aussi un message. En voici quelques-uns des plus significatifs:
- Le texte le plus fréquent (3 utilisations, dont 2 par Ronald W. Reagan) vient du deuxième livre des Chronique: «Si mon peuple, sur qui est invoqué mon nom, s’humilie, prie et me recherche, s’il revient de ses voies mauvaises, moi, je l’entendrai depuis le ciel, je pardonnerai son péché et je guérirai son pays. » 2 Chroniques 7, 4
- Succédant à trois mandats républicains, William J. Clinton (1997) choisit : «Grâce à toi, on rebâtira sur les ruines d’autrefois, tu relèveras les fondations des générations passées; on t’appellera “Celui qui répare les brèches”, “Celui qui restaure les sentiers, pour rendre le pays habitable”.» Ésaïe 58,12
- Richard Nixon qui finit par faire la paix au Viêt-nam après y avoir fait la guerre: «Il sera juge entre les nations, il sera l’arbitre d’une multitude de peuples. De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l’épée contre une autre, et on n’apprendra plus la guerre.» Ésaïe 2,4
- En pleine crise, Franklin D. Roosevelt (1933): «Or maintenant trois choses demeurent: la foi, l’espérance, l’amour ; mais c’est l’amour qui est le plus grand.» 1 Corinthiens 13
- En 1789, la Bible utilisée par George Washington: «Zabulon demeure sur la côte des mers, il se tient sur la côte des bateaux, et ses confins touchent à Sidon. » Genèse 49,13. Il semble que le livre était ouvert au hasard.
Les présidents ont-ils appliqué les programmes de gouvernement indiqués par ces versets ? Je n’ajoute aucun commentaire.