(Presque) tout au fond de la vallée de la Roya se trouve le gros village de La Brigue (voir sa page sur Wikipedia), près duquel se trouve une chapelle appelée Notre-Dame des Fontaines, dans laquelle on trouve de magnifiques fresques peintes par Jean Canavesio à la fin du 15e siècle; une inscription les date précisément du 12 octobre 1492, soit le jour même où Christophe Colomb débarque sur une île des Bahamas (voir la présentation de la chapelle sur le site de l’office de tourisme).
L’une de ces fresques représente la mort de Judas. Elle a tout pour faire peur et pour dissuader chacun·e de mentir, de trahir et de tromper!

Ce qui m’a particulièrement frappé sur cette œuvre d’art, c’est le petit homme que le diable tire du ventre de Judas. Cet homunculus m’a tout l’air d’être l’âme de Judas, son double miniature, son « mini me ». Je savais que nous avions un deuxième cerveau dans l’estomac. Je sais maintenant que s’y trouve aussi notre âme. Ce qui donne un nouveau sens à des expressions comme « on est ce que l’on mange » ou « tout ce qui entre fait ventre ».
J’ajoute la description de l’image par Paul Roque:
« Judas, pris de remords, s’est pendu à un arbre. Cheveux et barbe hirsutes, yeux exorbités ; la bouche crispée dans un dernier rictus laisse passer la langue.
Sous le choc de la pendaison, son ventre s’est déchiré (il “a éclaté par le milieu et toutes ses entrailles se sont répandues” [Actes I, 16-17]) de même que sa robe, et par l’ouverture béante pendent les viscères : intestins, estomac, foie, cœur et poumons sont visibles dans la cage thoracique. Leur représentation est très approximative — du point de vue anatomique ! Un démon ailé, noir, cornu et griffu extrait son âme de la tripaille pendante — et non de la bouche. Au sol, une inscription : Judas scariotes.
On remarque le dessin d’une figure sur l’arrière-train du diable — représentation courante, qui signifie que “les damnés ont déplacé le siège de leur intelligence, et mis l’âme au service des bas appétits”. Le corps de Judas pend à la branche d’un arbre [un olivier ?] devant un mur de pierres régulières ; cet arbre est planté de l’autre côté du même mur où s’étend un paysage simple, colline et autres arbres…
Canavesio a-t-il voulu donner à ce mur un sens symbolique : celui de la séparation entre le monde profane, le monde du visible, mais aussi du mensonge, de la trahison, et le monde sacré, le monde de l’invisible aux yeux, de l’harmonie. Des justes ?… Où vit l’olivier, arbre de la paix. »
Roque, Paul. Notre-Dame des Fontaines. La Brigue. 2e éd. L’Ancre Solaire. L’essentiel du sujet. Nice : Serre, 2018, p.31
- À propos de la trahison de Judas et de sa représentation sur un tableau célèbre, on peut lire mon article: Bauer, Olivier, et Nancy Labonté. « Le Cenacolo de Leonardo da Vinci. Un trompe-la-bouche ». Théologiques 23, no 1 (2015): 39‑65. Disponible en libre accès sur Serval, le dépôt institutionnel de l’Université de Lausanne.