6 sens

Mon programme de mars 2023: une théologie toujours sensorielle

Outre la routine universitaire, j’ai quatre activités plus ou moins publiques dans mon programme de mars.

En tête de la pastorale Congolaise de Suisse

Samedi 11 mars à Chavannes-près-Renens, je discute de la prédication dans le cadre d’une formation organisée par la Pastorale Congolaise de Suisse.

J’y présente notamment un modèle pour Construire une prédication que j’ai déjà proposé sur mon blogue.


Jeudi 23 mars dès 18 heures, je participe à la soirée rupture de jeûne et au débat: « Jeûne, pratiques alimentaires religieuses et discriminations » dans le cadre de la semaine contre le racisme en Ville de Genève. La soirée a lieu au Centre paroissial Servette Vieusseux, Avenue Wendt 55, 1203 Genève. Elle est publique, il faut s’inscrire sur le site de « Servette contre le racisme« .

« A l’occasion de la rupture du jeûne des musulman.e.s et des jeûneur.se.s chrétien.ne.s de Pâques, invitation à se réunir pour partager une soirée très spéciale autour des pratiques alimentaires religieuses.

Programme de la soirée
18h Célébration interreligieuse
19h Repas – couscous végétarien
20h Table ronde »


Lundi 27 mars, j’anime une journée de formation pour les diacres stagiaires des Églises réformées de Suisse romande, dans le cadre de l’Office protestant de formation. Je vais tenter de convaincre cette troisième volée à utiliser tous leurs sens dans leur ministère. Mais en général, ielles sont acquis·es à l’idée!

En passant, pourquoi ne pas devenir diacre? Consultez les pages « Devenir diacre » de l’OPF et le portail de la diaconie suisse.


Olivier Bauer cuisinant la Bible
Olivier Bauer cuisine la Bible. Littéralement!

Vendredi 31 mars, je coanime un repas-science intitulé Le repas de la fin au Nabi, le restaurant du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, de 20h à 22h. Prix 40 francs, renseignement et inscription sur site du Festival Histoire et Cité.

« Profitez du temps d’un repas pour échanger et débattre des enjeux et pratiques liés à l’alimentation. De l’entrée au dessert d’un menu concocté par le restaurant le Nabi – qui mettra à l’honneur pour l’occasion un concept de cuisine crue, brute et végétale – des chercheur·es et spécialistes de divers horizons se succèderont à votre table pour discuter et s’interroger. De la fin de la nourriture de l’autre bout du monde à notre dernier repas, et si on mangeait comme si c’était la fin d’une ère? »

En compagnie de Leila Chakroun, Delphine Ducoulombier, Gabriel Salerno et Dominique Barjolle Musard.

Un Esprit désincarné pour un christianisme incarné

Dans un commentaire à mon dernier article L’Esprit comme désincarnation d’un Dieu incarné (qui entretemps est devenu l’avant-dernier !), Karin craint que je prône un christianisme dualiste, qui séparerait le corps et l’esprit et qui renierait le corps ; elle me demande de développer ma pensée. Je lui dis merci, car elle me permet de dissiper le malentendu que peut créer mon « mini-article » comme elle le qualifie.

Alors, oui, je crois que l’Esprit désincarne un Dieu qui s’est incarné. Mais non, je ne crois pas que cela rende le christianisme désincarné. Et je distingue deux couples de concepts : « incarnation-désincarnation » d’un côté, « corps-esprit » de l’autre.

Incarnation-désincarnation

  • Premier temps : Des êtres humains font l’expérience de Dieu dans la création qu’ils lui attribuent.
  • Deuxième temps : Des êtres humains font l’expérience qu’un de leurs contemporains, un juif du 1er siècle vivant entre Israël et la Palestine, incarne parfaitement ce que Dieu veut et ce que Dieu peut pour elles et pour eux.
  • Troisième temps : Dieu se désincarne de cet homme. D’autres êtres humains dans d’autres lieux à d’autres époques font d’autres expériences de Dieu dans leurs propres réalités.

Mon expérience de Dieu ne se limite donc pas à la lecture des textes qui racontent la naissance, la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Tous les événements de mon existence me font faire l’expérience d’un Dieu qui s’incarne ou se réincarne.

Corps-esprit

Je reçois donc mon expérience de Dieu par toutes mes perceptions sensorielles, au travers de ce que j’entends, éprouve, goûte, sens, touche et vois. C’est dire si mon expérience de Dieu implique mon corps. Mais mon expérience de Dieu, je la construis, je la réfléchis avec mes connaissances et mes compétences, avec la somme de toutes mes expériences. C’est dire si mon expérience de Dieu mobilise mon esprit.

Et l’âme dans tout ça ?

Je ne crois pas à son existence. Ou alors seulement comme point de vue chrétien sur qui je suis, corps et esprit.


Sur un thème en partie proche, on peut lire ma contribution dans un collectif en libre-accès : Bauer, O. (2020). Théologie protestante de la santé : Un état de la question. In E. Ansen Zeder, P.-Y. Brandt, & J. Besson (Éds.), Clinique du Sens (p. 61‑66). Éditions des Archives Contemporaines. https://eac.ac/books/9782813003591

« Y’a qu’un Jésus digne de ce nom »

Dans la dynamique de mon cours Vouloir, pouvoir, devoir transmettre « Dieu » à tous les sens, je propose chaque mercredi matin pendant les prochaines semaines, 12 chroniques réunies sous le titre Les confessions d’un autre pasteur B., en hommage au titre du livre de Jacques Chessex : Chessex, J. (1974). La confession du pasteur Burg. Ch. Bourgois.


12. « Y’a qu’un Jésus digne de ce nom »

Je me souviens avoir lu, il y a presque vingt ans, l’article d’un jeune théologien que j’avais jugé prometteur — je sais qu’il a fait du chemin depuis… —. Détournant la célèbre déclaration d’Antoine de Saint-Exupéry « L’essentiel est invisible pour les yeux », l’auteur affirmait que « L’essentiel est inaudible aux oreilles ». Il plaidait — déjà ! — pour que la prédication transmette Dieu — il ne mettait pas de guillemets à l’époque — à tous les sens. L’idée m’avait séduit, mais je ne l’ai que très exceptionnellement mise en pratique. Je sais ce qui est bien, mais je ne le fais pas ; pas toujours…

Mais je lui donne raison. L’essentiel est aussi inaudible aux oreilles qu’invisible à l’œil, inodore au nez, insipide à la bouche, immatériel aux mains, imperceptible au corps. L’essentiel est ailleurs, l’essentiel est autre ; l’essentiel nous échappe, l’essentiel se dérobe. S’il y a « Dieu », c’est au-delà de ce que nous pouvons percevoir. Mais s’il y a révélation de « Dieu », elle se donne dans ce que nous pouvons percevoir.

La théologie classique résume cette apparente contradiction dans une question : « Le fini est-il capable de porter l’infini ? » — « l’essentiel », « l’infini », j’aurais pu ajouter « l’absolu » ou « l’ultime », je prends soin de varier mes termes de peur d’enfermer « Dieu » dans un seul concept, dans une seule idole —. J’y apporte ma réponse. Et c’est ainsi, et c’est ici que la confession d’un autre pasteur B. devient confession de sa foi :

Je crois qu’il y a un infini. Je le crois parce que j’ai envie de le croire, parce que j’ai besoin de le croire. Je le crois parce que c’est ainsi que je m’accepte être fini. Je le crois parce que certaines images, certains sons, certains goûts, certaines odeurs, certaines matières, certaines perceptions sont pour moi les traces de ce que le fini peut être, de ce que le fini doit être plutôt que de ce qu’il est.

Je le reconnais, je l’avoue, je le confesse, j’ai passé 35 ans de ministère pastoral à prétendre transmettre un « Dieu » intransmissible, un « Dieu » qui se transmet tout seul, qui se transmet sans moi. En fait, de fait, je le réalise aujourd’hui, j’ai passé 35 ans de ministère pastoral comme un transmetteur de second degré ; ce n’est jamais « Dieu » que j’ai transmis, mais toujours sa transmission. J’ai transmis ce que j’avais reçu pas plus (et parfois moins). J’ai transmis aux oreilles — surtout —, à la vue, à la bouche, au nez à la peau comme aux muscles — un peu et probablement plus que ne le pense — les médiations d’une médiation, celle de Jésus exécuté mais ressuscité : fini, mais infini.

« Ce que personne n’a jamais vu ni entendu, ce à quoi personne n’a jamais pensé. Dieu l’a préparé pour celles et ceux qui l’aiment. » (Première lettre de Paul aux Corinthiens chapitre 2, verset 9)


  1. «Paroles, paroles, paroles» (19 février)
  2. «Elle est ailleurs» (4 mars)
  3. «Des quantités de choses qui donnent envie d’autre chose» (11 mars)
  4. «Comme de bien entendu» (18 mars)
  5. «Voir, il faut voir, sais-tu voir?» (25 mars)
  6. «Jolie bouteille, sacrée bouteille» (1er avril)
  7. «Ça se sent que c’est toi» (8 avril)
  8. «Arrête, arrête, ne me touche pas» (22 avril)
  9. «Quand on ouvre les mains» (29 avril)
  10. «Mon coeur, mon amour» (6 mai)
  11. «Quand au temple nous serons» (13 mai)
  12. « Y’a qu’un Jésus digne de ce nom » (20 mai)

«Paroles, paroles, paroles…»

Dans la dynamique de mon cours Vouloir, pouvoir, devoir transmettre « Dieu » à tous les sens, je propose chaque mercredi matin pendant les prochaines semaines, 12 chroniques réunies sous le titre Les confessions d’un autre pasteur B., en hommage au titre du livre de Jacques Chessex : Chessex, J. (1974). La confession du pasteur Burg. Ch. Bourgois.


1. «Paroles, paroles, paroles…»

Je le reconnais, je l’avoue, je le confesse, j’ai passé 35 ans de ministère pastoral à parler ; à discourir, à dialoguer, à dire et contredire, à commenter, à gloser, à prêcher, à sermonner, bref à parler.

«Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots». Mais, à ma décharge, beaucoup de mots d’amour, des mots d’encouragement, des mots de compassion ; et j’en suis fier. Mais toujours «rien que des mots». Et à ma charge, trop de mots durs, trop de mots sévères, trop de mots dont j’étais trop sûr, trop de mots que je croyais définitifs. Je pensais, je pense parfois encore, que je pouvais avoir le dernier mot parce qu’Il était le dernier mot. Ce qui faisait de «je», «Il», ce qui faisait de moi un dieu, le «Dieu».

Permettez-moi de m’arrêter sur un mot, ce mot: «Dieu». Un mot toujours au singulier, car je suis radicalement monothéiste; il n’y a qu’un seul «Dieu», mais différentes manières de le concevoir, de (se) le représenter; manières protestante, catholique ou orthodoxe; mais aussi manières chrétienne, juive ou musulmane; et toutes les autres encore. Un mot toujours au masculin, ce que je regrette; mais limite du langage, limite du français, il faut genrer les mots, les sexuer; ce qui n’a guère d’importance pour une chaise ou un fauteuil, mais ce qui change tout pour un·e «Dieu·e». Un mot, toujours avec une majuscule, par respect ou par habitude ; peut-être pour montrer qu’il est le vrai ; mais sur cette majuscule, je reste muet, puisqu’elle ne s’entend pas. Les mots dits ont au moins cet avantage sur les mots écrits de rester plus ambigus.

Un·e «Dieu», que j’entoure aujourd’hui de guillemets comme pour le protéger — ou pour m’en protéger, car il n’a évidemment pas besoin de ma protection —, pour souligner qu’il ne s’agit que d’un mot. D’un mot et aussi d’une représentation. « Dieu » serait-il donc dans le mot «Dieu»? Mais où? Dans le grand «D»? Dans le «i»? Dans le «e»? Ou dans le «u»? Ou seulement dans l’agencement de ces quatre lettres, autre tétragramme sacré. Nous sommes au risque de faire du mot «Dieu», «Dieu» lui-même, le «Dieu». Dieu-le-mot devient alors une idole, avec tout ce que ces deux mots — «Dieu» et «idole» — portent de représentations, d’images dépassées ou actuelles, belles ou laides, vivifiantes ou mortifères. Je crois que si «Dieu» est en «Dieu», il y est seulement dans les trois espaces qui séparent les quatre lettres, dans ces trois blancs, dans ces trois vides, dans ces trois intervalles ; et comme par hasard, il y en a un pour chaque personne de la Trinité: «D i e u».

Je le reconnais, je l’avoue, je le confesse, certains mots sont plus que «rien que des mots», plus que des «paroles, parole, paroles»; ceux qui réchauffent, nourrissent, consolent, rassurent; ceux qui font vivre. J’espère en avoir prononcé quelques-uns pendant mes 60 années d’existence.


  1. «Paroles, paroles, paroles» (19 février)
  2. «Elle est ailleurs» (4 mars)
  3. «Des quantités de choses qui donnent envie d’autre chose» (11 mars)
  4. «Comme de bien entendu» (18 mars)
  5. «Voir, il faut voir, sais-tu voir?» (25 mars)
  6. «Jolie bouteille, sacrée bouteille» (1er avril)
  7. «Ça se sent que c’est toi» (8 avril)
  8. «Arrête, arrête, ne me touche pas» (22 avril)
  9. «Quand on ouvre les mains» (29 avril)
  10. «Mon coeur, mon amour» (6 mai)
  11. «Quand au temple nous serons» (13 mai)
  12. « Y’a qu’un Jésus digne de ce nom » (20 mai)

À l’Université: Analyser les perceptions sensorielles de « Dieu ». Développer les artefacts et les pratiques sensorielles en christianisme.

Durant l’année 2016-2017, j’organise dans le cadre de l’Institut lémanique de théologie pratique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne, un séminaire de recherche, consacré au thème: « Analyser les perceptions sensorielles de « Dieu ». Développer les artefacts et les pratiques sensorielles en christianisme ».

Il est ouvert à tou.te.s les théologien.ne.s engagé.e.s dans une Université ou une Église qui travaillent ou veulent travailler sur une médiation théologique: un artefact (« du pain », « Noël », etc.), une pratique (« prier », « le catéchisme », etc.), un sens (« l’olfaction dans le culte », « le toucher dans les soins spirituels », etc.) ou sur « les perceptions sensorielles » dans le récit de vie d’un.e chrétien.ne. Les rencontres de séminaire offrent l’occasion:

  1. De présenter l’état de sa recherche dans un environnement accueillant et stimulant.
  2. De rencontrer  chercheur.e.s et des pensées originales et utiles pour sa propre recherche.
  3. De partager avec des spécialistes autour de questions fondamentales et spécifiques en théologie pratique.

Les six rencontres ont lieu:

  • Vendredi 30 septembre 2016, 10h00-17h00: Journées de lancement de l’ILTP à l’Université de Genève.
  • Vendredi 4 novembre 2016, 9h00-12h00 (lieu à déterminer).
  • Vendredi 2 décembre 2016, 9h00-12h00 avec l’Office Protestant de Formation à Neuchâtel.
  • Vendredi 3 mars 2017, 9h00-17h00 à l’Université de Lausanne.
  • Vendredi 7 avril 2017, 9h00-12h00 (lieu à déterminer).
  • Vendredi 5 mai 2017, 9h00-12h00 (lieu à déterminer).

Vous pouvez vous inscrire au séminaire. Il vous suffit de remplir le formulaire ci-dessous. En cliquant sur « Envoyer », vous le transmettez au secrétariat de l’Institut lémanique de théologie pratique.