athéisme

Pour être universelle, une prière doit être athée

esprit802 a laissé deux commentaires à propos de mon dernier article « Funérailles : une prière (vraiment) universelle ». Après avoir précisé qu’il « aime cette belle prière » (je l’en remercie), il écrit notamment :

« Mais il me manque une phrase qui mentionne la deuxième dimension de notre vie : celle que nous ne maîtrisons pas, et qui pourtant qui nous permet d’exister. Le don d’être vivants. Dans ma vie, il n’y a pas seulement un JE et un NOUS, mais aussi un TU au-delà qui nous dépasse. »

Je comprends son manque, mais je l’ai voulu.

Car c’est précisément l’absence de « deuxième dimension » qui peut rendre la prière universelle. Dans un service funèbre « multispirituel », j’ai voulu permettre à celles et ceux pour qui il n’y a pas de « TU au-delà qui nous dépasse » de s’associer à cette prière. J’ai souhaité que chacun·e puisse trouver la consolation, la force, le repos, la justice, l’espoir, le changement et la paix là où elle, il la cherche : en soi, auprès de ses proches, de la part d’un Dieu, etc.

Une prière athée, une prière qui ne mentionne pas Dieu n’empêche personne de s’y référer. Mais elle n’oblige personne à le faire.

De la nécessité de produire de l’ignorance en matière de religion

Reprenant une chanson de Régine et Serge Gainsbourg, je chante à mes étudiant·es en théologie: «Ouvre la bouche, ferme les yeux, tu verras ça glissera mieux!» Car il faut produire de l’ignorance en matière de religion.

Imaginez ce qu’il adviendrait si l’on formait des croyant·es refusant d’avaler tout cru ce dont les religions veulent les gaver; si l’on formait des responsables religieux ouvrant les yeux sur ce que leurs institutions pensent et ne pensent pas, disent et ne disent pas, font et ne font pas!

Imaginez ce qu’il adviendrait si l’on enseignait que l’on doit penser ce que l’on croit; si l’on enseignait que la foi vient toujours avec le doute!

Imaginez ce qu’il adviendrait si l’on enseignait que toute vérité religieuse est subjective; si l’on enseignait que tout énoncé théologique est une hypothèse à mettre à l’épreuve de la vie et de la mort, de sa vie et de sa mort!

Imaginez ce qu’il adviendrait si l’on enseignait que croire n’est pas une maladie mentale; si l’on enseignait que croire, c’est simplement faire confiance et s’efforcer d’être fiable!

Imaginez ce qu’il adviendrait si chacun·e laissait l’autre libre de croire ou de ne pas croire; si chacun·e respectait l’autre dans ce qu’il croit ou ne croit pas!

Mais qui pourrait bien vouloir vivre dans un tel monde, advienne qu’il advienne?

Mieux vaut produire de l’ignorance en matière de religion.

«Ouvre la bouche, ferme les yeux, tu verras ça glissera mieux!».


À propos de la théologie, on peut aussi lire sur mon blogue:


Régine. (1968). Ouvre la bouche, ferme les yeux. Paroles et musique de Serge Gainsbourg. Pathé.

L’existence d’une vie après la mort est-elle la position officielle de la République française?

En entendant Emmanuel Macron, le président de la République française, s’adresser à Simone Veil le jour de son enterrement, j’ai gazouillé ceci:


Cinq jours après, j’ajoute sur mon blogue des réflexions qui dépassent 280 signes.

Je sais pertinement que s’adresser à un·e mort·e est une figure de style qui n’engage pas vraiment les croyances de celui ou celle qui l’utilise. Avant Emmanuel Macron, André Malraux, ministre de la culture s’était déjà adressé à un mort dans une formule célèbre: « Entre ici, Jean Moulin! ». Cependant, que le président de la République française utilise une telle formule ne me paraît pas anodin, surtout dans un temps où la République française est soucieuse de s’afficher laïque. Je serais un libre penseur ou un humaniste très matérialiste, je m’offusquerais de cette double confession de foi implicite, qu’il y a une vie après la mort et que les mort·e·s peuvent entendre les vivante·e·s. Par conséquent, il serait bon que les personnes en situation d’autorité prennent la peine de réfléchir aux implications de ce qu’elles disent et de ce qu’elles font. Qu’elles assument ou qu’elles évitent! En cas de besoin, elles peuvent engager des théologiennes et des théologiens pour débusquer les références religieuses dans les discours public et les en purger.

Quant à moi, je me tiens à la disposition du président Macron s’il cherche quelqu’un pour remplir cette fonction.

McGowan, D. (2014). In faith and in doubt: how religious believers and nonbelievers can create strong marriages and loving families. New York: AMACOM.

Dale McGowan prétend être le premier à traiter, d’un point de vue très concret et avec un regard favorable, le sujet des mariages interreligieux ou des mariages entre une personne croyante et une autre qui ne l’est pas. Et il se pourrait bien qu’il ait raison. En tous les cas, je ne connais pas un seul ouvrage qui traite du même sujet dans la même optique. Ce qui est d’autant plus étonnant que la question est tout-à-fait pertinente et terriblement actuelle :

  • Pour des raisons sociologiques: ces États-Unis que l’on aime penser très ou trop religieux, le sont de moins en moins. 19,6% des Étasunien-ne-s déclarent n’avoir aucune affiliation religieuse; 44% ont une identité religieuse ou non-religieuse différente de celle dans laquelle ils/elles sont nés et/ou ont été élevés; et 45% des mariages célébrés depuis 2000 ont unis des conjoints de croyances différentes.
  • Pour des raisons institutionnelles ensuite: certaines dénominations interdisent ou découragent, de droit ou de fait, les mariages interdénominationnels, a fortiori les mariages interreligieux et les mariages entre personnes croyantes et non croyantes; c’est le judaïsme orthodoxe qui se montre le plus restrictif, suivi du catholicisme, des Témoins de Jéhovah et des Mormons, de certains Amish et de certains Mennonites; l’hindouisme se révèle religieusement ouvert à l’exogamie (épouser quelqu’un d’une autre religion ne pose pas de problème théologique), mais culturellement endogame (90% des Hindou-e-s aux États-Unis ont des partenaires hindou-e-s); l’islam conservateur permet aux musulmans d’épouser des juives ou des chrétiennes, mais oblige une musulmane à épouser un musulman.

Contre celles et ceux qui prétendent que les couples de croyances différentes ne peuvent pas fonctionner, McGowan pose clairement ce qui est plus qu’une hypothèse, un fait, soutenu par plusieurs enquêtes:

Il n’y a «absolument aucune différence dans la satisfaction conjugale entre les gens qui sont mariés à des partenaires de la même foi et les gens qui sont mariés à des partenaires d’une autre foi» [Aron, 2009]

«Les croyances théologiques et les différences de croyance entre les époux ont peu d’effet sur les risques de dissolution [d’un mariage] au cours du temps» [Vaaler et Ellison, 2005]

Mais s’il n’y a pas de problème, à quoi bon alors écrire un livre? Pour comprendre pourquoi certains couples de croyances différentes réussissent leur mariage (que Dale et Becca McGowan, lui athée et elle évangélique devenue humaniste séculière, forment un couple depuis 23 ans en fournit un bon exemple). Et certainement pour aider les couples de croyances différentes à réussir leur mariage. C’est dans ce double but, que McGowan a mené une enquête, posant en 2013, 87 questions à 1000 couples de croyances différentes. Le livre retrace le parcours de huit d’entre eux, soulève sept problèmes généraux et énonce sept côtés positifs des couples de croyances différentes. Il faut lire le livre pour en saisir toute la richesse (il en contient autant qu’une banque suisse). Pour ma part, je me contente de souligner (sans porter de jugement de valeur) ce qui a aidé ou aurait pu aider chacun des couples à surmonter les différences, souvent à en profiter (à vous de deviner quels couples sont ou ne sont pas encore ensemble), puis d’indiquer quelques principes qui peuvent aider « les personnes croyantes et non croyantes à créer des mariages forts et des familles aimantes » (selon le sous-titre du livre).

Qu’est ce qui a aidé ou aurait pu aider…

  • … Scott (non-religieux au passé épiscopalien) et Dhanya (hindoue)? Vouloir comprendre l’arrière-fond et le système de croyances de l’autre (selon Dhanya).
  • … Hope (baptiste fondamentaliste) et David (athée, au passé de baptiste fondamentaliste)? Éviter les conflits, en évitant de partager avec l’autre ses pensées les plus profondes (selon David).
  • … Arlen (baptiste du sud) et Nate (catholique)? Avoir des conversations longues et intéressantes pendant 12 ans (selon Arlen).
  • … Tom (athée au passé d’agnostique et de catholique) et Danielle (catholique)? Trouver un socle commun, dépasser les croyances pour parler des valeurs (selon Tom).
  • … Andrew (athée) et Lewis (chrétien universaliste)? Partager le même cadre moral, la même vision scientifique; que Lewis approche sa foi de manière libérale (selon Andrew).
  • … Evan (unitarien universaliste) et Cate (unitarienne universaliste au passé de catholique)? Être capable d’être en désaccord à propos d’une chose et de pouvoir quand-même avancer grâce à une étreinte et à un simple « Je t’aime » (selon Evan)
  • … Cassidy (athée au passé pentecôtiste) et Bill (pentecôtiste)? Bâtir une nouvelle promesse réciproque, en la fondant sur la manière dont ils se seraient compris après la conversion de Cassidy, sur la direction qu’ils se voyaient prendre et sur ce qu’ils voulaient faire de leur vie (selon Cassidy).
  • … Arlen (baptiste du sud) et Nate (catholique)? Pouvoir partager ses sentiments avec quelqu’un qui ne fait pas qu’écouter mais qui comprend (selon Arlen).
  • … Anna (athée au passé catholique) et Garry (baptiste au passé non-religieux et catholique)? Rien du tout; mais au moins admettre que si leurs enfants voulaient être baptisés quand ils seraient adultes, ils pourraient choisir l’Église (selon Anna).

Quelques principes qui peuvent aider:

  • Annoncer ses propres convictions religieuses ou non-religieuses le plus tôt possible.
  • Identifier les valeurs fondamentales auxquelles adhèrent les deux partenaires.
  • Accompagner son/sa partenaire aux services religieux tout en restant libre de leur donner le sens qu’on souhaite leur donner.
  • Trouver une communauté sans credo, construite autour de valeurs communes plutôt que de croyances communes : par exemple Unitarian Universalist, Humanistic Judaism, Ethical Culture Society.
  • Admettre que les questions d’identité et d’appartenance peuvent représenter les vraies raisons qui lient une personne à sa religion.
  • Admettre que l’appartenance religieuse peut être totalement différente que toutes les autres appartenances.
  • Se mettre d’accord sur ce qui est négociable et ce qui ne l’est pas ; expliquer ce qui motive la différence.
  • Négocier.
  • Éviter par consentement mutuel, certains sujets sensibles.
  • Ne pas entrer dans une relation en voulant convertir l’autre.
  • Apprendre comment le partenaire voit le monde, ce qui peut être totalement différent des doctrines de sa religion.
  • Dans les conflits, ne pas chercher la victoire, mais l’apaisement.
  • Accepter que les membres de la famille partagent leur foi.
  • Garder les enfants libres d’explorer les croyances et de faire leurs propres expériences avant de choisir leur propre identité religieuse, s’ils en choisissent une.
  • Exposer les enfants à une grande variété d’idées et de pratiques religieuses et non religieuses.
  • Donner l’occasion aux enfants d’approfondir une appartenance religieuse en profondeur.
  • Enseigner les valeurs et l’éthique.
  • Désamorcer l’idée de l’enfer.

McGowan termine par énoncer sept bénéfices ou sept bienfaits ou sept bénédictions (le livre de Dale McGowan m’encourage à utiliser ces trois mots de manière interchangeables) qu’apportent et que s’apportent les couples aux croyances différentes. Car de tels couples ne font pas que créer des mariages forts et des familles aimantes. Ils rendent aussi plus fort-e, plus aimant-e et plus ouvert-e d’esprit chacun-e des membres qui le composent, parents comme enfants.

Mais je m’aperçois que je n’ai même pas parlé d’un des chapitres passionnants du livre, celui où McGowan présente, tout en nuance, les différentes manières de croire ou de ne pas croire. Que je n’ai pas signalé les pages consacrées à la séparation ou au divorce. Et que je n’ai pas évoqué les deux tests reproduits dans le livre : le « test du degré de dogmatisme » et le « test des valeurs partagées ». Il vous faudra donc vraiment lire le livre. Sauf que je ne peux pas m’empêcher, avec la permission de Dale McGowan, de vous donner la version française du « test des valeurs partagées », traduite par mes soins.

Si vous êtes engagés dans une relation de couple ou si vous allez vous engager dans une relation de couple, prenez le temps de faire le test. Il en vaut la peine. Vous pouvez découvrir le test en visitant, toujours sur mon blogue, la page « Testez si votre couple partage les mêmes valeurs« .

« L’esprit des fêtes selon Raymond Gravel »

Ce matin, La Presse+ propose un entretien vidéo de l’abbé Raymond Gravel par André Pratte, éditorialiste en chef de La Presse. Le quotidien québécois met en exergue une citation du début de l’entretien:

« Je rêve du jour où un musulman, un catholique, un athée vont être capable de partager, de rire et de travailler ensemble. Il me semble que c’est ça la diversité. »

J’ai trois critiques à adresser à cette citation:

  1. Dire « un chrétien » au lieu de « un catholique » aurait inclus les autres confessions chrétiennes.
  2. Dans le monde où je vis, des musulmans, des chrétiens, des athées, ainsi que des juifs, des hindous, des humanistes et toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté partagent, rient, travaillent, et mangent aussi et même prient ensemble.
  3. S’il faut rêver du jour où cela deviendra partout une réalité, il faut aussi et surtout y contribuer.

Athée-sur-Cher

Il est en France, près de Tours en Indre-et-Loire. une petite ville nommée Athée-sur-Cher. Le théologien du quotidien n’a pas manqué de s’y arrêter. Il vous propose deux photographies entre lesquelles vous choisirez selon vos convictions religieuses ou philosophiques.

À l'entrée d'Athée -sur-Cher

À l’entrée d’Athée-sur-Cher

À la sortie d'Athée-sur-Cher

À la sortie d’Athée-sur-Cher

Malheureusement, la toponymie est moins savoureuse que je l’aurais espéré. Athée-sur-Cher n’a rien à voir avec l’athéisme. Et ce n’est pas forcément l’endroit où le Français Michel Onfray (auteur en 2005 d’un Traité d’athéologie) et les Québécois Daniel Baril et Normand Baillargeon (éditeurs en 2009 d’un Heureux sans Dieu) passeraient leurs vacances.

« Athée » ne désigne pas ici « qui est sans Dieu », mais plus prosaïquement une maison:

« Attesté sous la forme Ateia en 907, tout comme Athée (Côte-d’Or, Ateia 679, Attegias 733). Atheia remonte au gaulois attegia « hutte, cabane », terme basé sur les éléments ad (préverbe) et tegia (« maison » cf. vieil irlandais teg, vieux gallois tig, vieux breton tig, breton ti « maison »). Le gentilé athégien est conforme à l’étymologie. Homonymie avec les nombreux Athée, Athie, Athies, Athis du domaine d’oïl. » Wikipedia: article « Athée-sur-Cher »

Dommage!