éthique

Pensée pour le jeudi où le christianisme commémore le dernier repas de Jésus

« Avant de laver les pieds d’un·e autre, assure-toi que tes mains sont propres! »

Si vous avez lu attentivement cette pensée, vous aurez sans doute remarqué que j’y mélange, fort habilement, deux textes de l’évangile:

  1. « Jésus se lève de table, ôte son vêtement de dessus et prend une serviette dont il s’entoure la taille. Ensuite, il verse de l’eau dans une cuvette et se met à laver les pieds de ses disciples, puis à les essuyer avec la serviette qu’il avait autour de la taille. » Évangile de Jean, chapitre 13
  2. « Pourquoi regardes-tu le brin de paille qui est dans l’œil de ton frère ou de ta sœur, alors que tu ne remarques pas la poutre qui est dans ton œil? » Évangile de Luc, chapitre 6

J’y ajoute peut-être le souvenir d’un troisième:

« Quand Pilate vit qu’il n’arrivait à rien, mais que l’agitation augmentait, il prit de l’eau, se lava les mains devant la foule et dit: « Je ne suis pas responsable de la mort de cet homme! C’est votre affaire! » » Évangile de Matthieu, chapitre 27


Si vous aimez mieux manger que laver les pieds, vous pouvez consulter les pages que je consacre à La Cène, notamment mon diaporama La Cène: 15 siècles d’images.

Êtes-vous plutôt Nike ou Asics ?

Parmi les nombreuses marques d’équipement sportif, deux m’intéressent particulièrement pour les valeurs éthiques qu’elles transmettent.

Logo Nike
  • Nike qui porte le nom de Nikè, la déesse grecque de la victoire.
logo Asics
  • Asics qui est l’acronyme d’un adage latin : Anima sana in corpore sano, en français « une âme saine dans un corps sain », une phrase empruntée au poète romain Juvénal.

Ce qui place les athlètes devant un choix fondamental, chaque fois qu’elles ou ils se chaussent ou s’habillent : veulent-elles, veulent-ils chercher la victoire ou privilégier la santé physique et spirituelle ?

Fumer déplaît-il à Dieu ? Fumer compromet-il le salut de l’âme ?

Dans mon dernier article (Fonder par la science ou la religion), je citais Étienen Klein qui signale que dans nos sociétés occidentales, les mises en garde contre le tabac sont motivées par la santé et non pas par la religion. En commentaire, « Aldor » (découvrir son blogue) critiquait mon article, en rappelant notamment, mais ironiquement que « Dieu est un fumeur de havane ». Selon l’évangile de saint Serge (Gainsbourg), il a évidemment raison.

Il m’a donné envie d’en dire un peu plus. Car cela fait longtemps que j’y pense : à ma connaissance, toutes tendances confondues, le christianisme n’a jamais lutté contre le tabagisme avec la même vigueur qu’il a lutté contre l’alcoolisme. Pourquoi ? Parce qu’il ne considère pas le tabac comme un « vice » ? Ou parce qu’il considère que le tabagisme est un choix d’individus libres et responsables sans conséquences sociales ? Ou pour des raisons moins avouables ? Pour avoir grandi sous la fumée d’une fabrique de cigarettes, je sais que cette fabrique a longtemps apporté la plus grosse contribution financière privée aux Églises chrétiennes de ce canton suisse. Ceci pourrait-il expliquer cela ?

Devenir meilleur.e ou « meilleur.e que »?

Lors du 2nd Global Congress on Sport and Christianity, le théologien Miroslav Volf (visiter sa page personnelle sur Wikipedia) a résumé l’évangile dans une conception qui me convient parfaitement, dans le sport comme dans le reste de ma vie.

Je la reformule ainsi:

« Vraiment, il est juste et bon de vouloir devenir meilleur.e. Mais en vérité, je vous le dis, il est inutile et dangereux de vouloir devenir meilleur.e que quelqu’un.e d’autre. »

Ce qui fait toute une subtile différence.

Chaque année, Jésus revient. Entre l’Épiphanie et Noël

Comme beaucoup d’articles sur mon blogue, celui-ci m’est inspiré par plusieurs événements de mon quotidien. Cette fois-ci, dans un ordre chronologique:

  • Premier événement: La lecture du titre: « Au secours, Jésus revient! » (à la une du quotidien Libération au lendemain de la victoire de François Fillion à la primaire de la droite).
  • Deuxième événement: La reprise positive de ce thème pour qualifier l’Avent (par la paroisse reformée vaudoise Saint-Laurent Église).
  • Troisième événement: L’invitation à dire si je suis prêt pour le retour de Jésus (dans la cabane de la pasteure Hetty à la gare du Flon à Lausanne).
  • Quatrième événement: Un travail sur les représentations de « l’au-delà, hier et aujourd’hui » (pour un cours donné avec mon collègue historien Frédéric Amsler).
  • Cinquième événement: L’affirmation que Jésus va diriger un « gouvernement mondial » pour régler les problèmes actuels (par deux témoins de Jéhovah rencontré dans l’escalier de mon immeuble).
  • Sixième événement: Noël et l’Épiphanie.

Six événements suffisent-ils à créer une tendance (#JésusRevient)? Peut-être! Mais alors qu’en dit un théologien du quotidien? Je me risque…

  • Première affirmation: J’ai toujours pensé que ma mort surviendrait avant le retour de Jésus, autrement dit que je mourrai avant que n’arrive la fin du monde.
  • Deuxième affirmation: Je n’ai jamais été pressé ni de mourir, ni que Jésus revienne; j’aime la vie et j’ai encore des projets.
  • Troisième affirmation: Mon attitude est égoïste; d’autres que moi ont une vie si difficile qu’ils/elles espèrent que Jésus revienne et qu’il revienne le plus vite possible.
  • Quatrième affirmation: Je les comprends; mais j’ai toujours de la peine à croire que Jésus revienne bientôt.
  • Cinquième affirmation: Que son retour soit régulièrement annoncé depuis presque 2000 ans ne m’aide pas à y croire.
  • Sixième affirmation: Les fêtes de Noël et de l’Épiphanie me disent que Jésus revient chaque année; pas comme un super-héros, mais comme un petit bébé impuissant qui dépend entièrement de sa mère et de son père pour survivre.

Ces six affirmations posées, qu’écrire d’autre (#JeSuisGénial)? Je me risque encore. Mais avec ses banalités, le théologien du quotidien risque surtout de décevoir ses lectrices et ses lecteurs…

  • Première banalité: Plus le temps passe, plus nous nous rapprochons de la fin du monde, quelle que soit la forme que cette fin pourra prendre.
  • Deuxième banalité: Je pourrais réconforter celles et ceux qui souffrent en leur affirmant que Jésus va bientôt revenir pour mettre fin à leur souffrance, mais je me sentirais malhonnête.
  • Troisième banalité: Car si je sais une chose c’est que je ne sais pas quand Jésus reviendra; ni comment il reviendra; ni même s’il reviendra; même si je demande régulièrement à Dieu: « Que ton règne vienne!).
  • Quatrième banalité: Et la Bible ne m’aide pas, elle qui évoque des scenarii multiples – Satan sera-t-il déchaîné avant ou après que Jésus règne il mille ans? ressuscite-t-on immédiatement après sa mort ou tout à la fin des temps? – et propose des métaphores désuètes: qui peut croire aux anges qui jouent de la trompette? à la ville qui tombe du ciel?
  • Cinquième banalité: Jésus ne m’aide pas non plus, lui qui prévient que nous ne pouvons savoir ni le jour ni l’heure où ce qui doit arriver arrivera.
  • Conséquence des 17 premiers points (et ce n’est pas une banalité, mais une nécessité): Je dois aider celles et ceux qui souffrent au point d’espérer que Jésus revienne immédiatement; je dois le faire immédiatement, sans attendre que tous les problèmes soient divinement réglés; je peux le faire étant moins égoïste; je dois le faire et contribuer à rendre le monde meilleur.

Que Jésus revienne ou ne revienne pas, je vous souhaite malgré tout une bonne année 2017!

(Im)précis d’éthique sexuelle chrétienne

À l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le SIDA, je pose la question: comment penser la sexualité en christianisme?

Pour répondre, je pourrais adopter un point de vue général: la sexualité n’est ni l’enfer ni le paradis; la sexualité, c’est du plaisir et c’est une responsabilité. Je pourrais aussi partir de la Bible; mais dans la Bible, les avis sont multiples; la sexualité jugée bonne à une époque ou dans un endroit ne l’est plus quelques années plus tard ou quelques kilomètres plus loin. Certains héros bibliques ne seraient pas les bienvenus à la Manif pour tous ni dans certaines Églises: le roi Salomon et ses 700 maîtresses ou Lot qui préfère que ses concitoyens violent ses filles plutôt que ses invités. Alors, je partirai quand-même de la Bible (ce doit être dans les gènes d’un théologien protestant), mais d’un principe général défini par Paul (qui lui-même n’était pas très porté sur la chose):

« Certains d’entre vous disent: Tout m’est permis. Oui, cependant, tout ne vous est pas bon. Je pourrais dire: Tout m’est permis, mais je ne vais pas me laisser réduire en esclavage par quoi que ce soit. » Première lettre aux Corinthiens, chapitre 6, verset 12.

Et pour éviter les termes obscènes ou médicaux, j’utiliserai quelques métaphores, récoltées ou inspirées notamment chez Frédéric Dard et Pierre Perret.

Solo

  • « Tout est permis »: un homme a le droit de se polir la saucisse; une femme a le droit de se chatouiller l’hibiscus. Ces pratiques solitaires ne causent de tort à personne. Elles n’ont jamais rendu quiconque sourd. Les caresses permettent de découvrir son propre corps, le fonctionnement de son propre sexe. En plus, de donner du plaisir.
  • « Tout n’est pas bon »: quel problème pourrait entraîner une sexualité solitaire? Qu’on en vienne à préférer absolument le solo au duo, à préférer le tête-à-tête avec soi-même (ou le tête-à-queue pour les plus souples) à la rencontre de l’autre.

Duos

Foufoune et popaul

  • « Tout est permis »: le duo commence avec quelques amuse-gueule et pas mal de doigté. Il se prolonge ensuite dans l’amour à la papa, la position du missionnaire, la brouette javanaise, la toupie de Zanzibar et la déclinaison de tout le Kamasutra. Mais un couple peut encore jouer à d’autres jeux: brouter le minou, manger la banane ou prendre l’entrée de service. À tout cela, rien à redire, tant que les deux partenaires sont vraiment consentants. Et quant à l’âge limite, il est fixé par des lois, variables en fonction des cultures et révisables en fonction des évolutions sociales. Mais avant de jouer à la bête à deux dos, il vaut mieux chercher à se séduire, à se découvrir. Selon l’adage, l’amour commence le truc dans la main, la main dans la chose, bien avant que l’on songe à mettre le truc dans la chose.
  • « Tout n’est pas bon »: le premier risque du duo, c’est d’attraper un polichinelle dans le tiroir. Tirer un coup ne sert pas seulement à prendre son pied. C’est aussi un moyen de faire des bébés. Pour éviter de chopper le ballon, il convient de prendre ses précautions. Et pour prévenir les maladies sexuellement transmissibles, il faut mettre le petit capuchon. Le second risque, c’est de forcer l’autre à faire ce qu’il ou elle ne veut pas ou n’aime pas. Les choses sont compliquées car l’obligation peut parfois être très subtile: on peut accepter sous la menace, mais aussi pour faire plaisir, par lassitude, pour faire comme tout le monde, parce qu’on a peur que l’autre nous quitte, parce qu’il ou elle nous donne quelque chose en échange, etc.

Popaul et popaul; foufoune et foufoune

  • « Tout est permis »: l’homosexualité n’est ni une maladie ni un péché. Tant que les deux partenaires sont d’accord et consentant, elle est leur affaire. Chacun fait ce qu’il veut avec ses fesses et avec le reste.
  • « Tout n’est pas bon »: l’homosexualité est menacé par le goût pour l’identique. Préférer le même (homo) pour ne pas avoir à découvrir l’autre (sexe). On n’a pas forcément la même vision du monde qu’on ait une gaule ou une case trésor. Mais cela vaut aussi pour l’hétérosexualité. Il y a aussi du même dans les couples hétérosexuels blancs, noirs, suisses-romands ou de professeur·e·s. Et ça ne vaut pas pour tous les couples homosexuels: tous ceux qui arborent un dard et toutes celles qui cachent un frifri ne sont jamais exactement les mêmes.

Trio; tout un orchestre; partitions particulières.

Je sais qu’il existe de nombreuses autres façons de grimper aux rideaux; je sais aussi qu’il y en a encore plus que je ne connais pas. Mais je crois que les mêmes critères restent valables. Relisons ce bon vieux Paul (qui était un obsédé asexuel)!

« Certains d’entre vous disent: Tout m’est permis. Oui, cependant, tout ne vous est pas bon. Je pourrais dire: Tout m’est permis, mais je ne vais pas me laisser réduire en esclavage par quoi que ce soit. »

En matière de sexualité, il y a toujours une question à se poser: « Quand je regarde un·e autre, est-ce que je peux penser à autre chose qu’à le ou la posséder? » Si la réponse est non, c’est que la sexualité m’a réduit à l’esclavage.