guérison

Prier pour la guérison ou prier pour les malades ?

« Une lectrice régulière » de mon blogue m’a envoyé la photographie d’une affiche en me demandant de la décrypter. J’ai choisi à le faire avec quelques un·es des étudiant·es de mon cours d’introduction à la théologie pratique. Merci donc à Jade, Maeva, Nathan et Yannick.

Affiche annonçant un "culte avec prière pour la guérison"

Nos remarques générales

  1. En Suisse, le 5 mars 2023 est la « journée des malades ».
  2. « Culte », « temple », « paroisse », autant de termes qui disent le christianisme et le protestantisme.
  3. L’affiche dit où le culte se passera — Corsier et Corseaux sont deux villages proches de la vile de Vevey —, mais ne dit pas à quelle Église la paroisse appartient.
  4. « Invitez du monde » dit que l’affiche s’adresse aux habitué·es à qui l’on demande d’élargir le cercle, dans « le monde » que le Nouveau Testament oppose parfois aux disciples de Jésus.

Notre analyse

Le point le plus intéressant et potentiellement le plus problématique est cette expression : « culte avec prière pour la guérison ». Est-elle trop ambitieuse ? Est-elle irréaliste ? Est-elle trompeuse ?

Nous avons noté que…

  • La guérison est attachée à la prière, non pas au culte et quelle est donc laissée à Dieu à qui la prière sera probablement adressée.
  • La guérison n’est pas garantie ; c’est une prière pour la guérison, pas une prière de guérison.
  • Le type de guérison n’est pas précisé ; la guérison pourrait advenir dans les trois ordres de la santé : guérison physique, psychologique, spirituelle.
  • La manière dont la guérison pourrait arriver reste ouverte : par un miracle, une opération, un médicament, une bonne hygiène de vie, etc.

Nous avons encore discuté de l’image, de la croix coupée en deux.

En soi, la croix est un symbole de violence, de souffrance et de mort. Pour le christianisme, elle signale aussi que Dieu reste présent·e avec celles et ceux qui sont victimes de violence, qui souffrent et qui meurent. Mais que signifie une croix brisée ? Qu’il y a quelque chose à réparer ? Ce serait peut-être alors la relation entre les êtres humains et Dieu. À moins que la croix ne soit pas brisée, qu’elle soit soit une longue croix qui passe derrière l’affiche pour entourer les malades ?

Notre conclusion

Nous avons conclu que l’affiche est théologiquement légitime, même si elle peut induire des déceptions ou des frustrations. Que se passera-t-il si une personne invitée, une personne « du monde », vient en pensant sincèrement qu’elle-même ou un·e de ses proches va guérir, mais qu’elle reste malade ? Qui rendra-t-elle responsable de l’échec ? En voudra-t-elle à la paroisse, à la prière, à Dieu ou à la personne malade ? Parler de guérison fait toujours courir le risque d’ajouter à la maladie la culpabilité.

Notre approfondissement

Par acquit de conscience, nous avons visité le site Internet de la paroisse réformée de Corsier-Corseaux. Dans l’agenda des cultes, nous avons trouvé une autre présentation du culte :

Dimanche 5 mars
8h45, Chapelle des Monts-de-Corsier, culte
10h, Temple de Corsier, culte avec Cène et prière pour les malades

Nous avons jugé que « prière pour les malades » était une expression moins porteuse, mais plus honnête que « prière pour la guérison ». Car nous ne pouvons pas être certain·es que les malades seront guéri·es. Mais nous devons prier, demander, réclamer exiger que l’on prenne soin d’elles et d’eux.

En libre-accès: Bauer, O. (2021). Petite théologie au quotidien d’une pandémie. 83 pages

J’ajoute une nouvelle et douzième publication gratuite et en libre-accès:

Bauer, O. (2021). Petite théologie au quotidien d’une pandémie. 83 pages

Ça commence comme ça…

« Depuis mars 2020, sans vraiment l’avoir voulu, je me retrouve à faire sur mon blogue une petite théologie circonstancielle de la pandémie de la COVID-19. « Théologie circonstancielle  », l’expression peut sembler un peu compliquée, mais les deux mots sont appropriés : je fais une théologie, parce que j’interprète ce que je vis à partir de ma confiance en Dieu  ; ma théologie est circonstancielle parce que je réagis aux circonstances, à ce que je vois, entends ou lis, aux questions que des journalistes me posent, aux demandes que des Églises me font. Qu’elle soit circonstancielle la rend petite, modeste, fragmentée, évolutive, bref humaine.

Un an plus tard, en avril 2021, j’ai rassemblé les billets de mon blogue (« Une théologie au quotidien  », olivierbauer.org), mes gazouillis sur Twitter (@Bauer_Olivier) et mes citations dans les médias pour en faire une petite théologie d’une pandémie. J’ai choisi de les reproduire dans leur état original — à peine ai-je parfois corrigé quelques coquilles ou précisé un terme — et dans l’ordre chronologique — avec de très rares inversions pour former une thématique —. »

On peut télécharger le livre librement et gratuitement sur mon blogue: Bauer O. (2021). Petite théologie au quotidien d’une pandémie. Lausanne, 83 pages.

La foi, c’est aussi la révolte

Lors du Second Global Congress on Sport and Christianity, une conférencière présente le rôle de la religiosité dans le processus psychologique de réhabilitation des athlètes après une blessure (je traduis et raccourcis son titre plus long et en anglais). Elle mentionne les «réponses affectives» et dresse la liste des «sentiments religieux». Je cite:

«Calme, sérénité, paix. Compassion et pardon. État d’esprit positif. Empathie. Gentillesse et humilité. Patience. Reconnaissance et gratitude. Harmonie.»

Toutes ces qualités facilitant la réhabilitation, elle conclut que la religiosité joue un rôle positif pour celles et ceux qui sont victimes de blessure.

Moi, je veux bien. Mais!

Mais dans mon Évangile à moi, la religiosité, c’est avoir confiance en Dieu. Et avoir confiance en Dieu c’est aussi l’angoisse, le désespoir, le sentiment d’injustice, l’insatisfaction, l’exigence et l’impatience. Avoir confiance en Dieu, c’est aussi la plainte, la colère, la révolte et la rébellion. Avoir confiance en Dieu, c’est aussi vouloir mieux pour le monde, pour les autres et pour soi-même. Avoir confiance en Dieu, c’est vouloir, c’est attendre toujours plus et même ce qui paraît impossible.

Et je crois que ce sont aussi des qualités et je crois qu’elles jouent un rôle positif pour la réhabilitation de celles et ceux qui sont victimes de blessure. Dans le sport comme partout.