littérature

À qui la Bible, à qui la terre?

Lisant le livre beau et profond de Christiane Taubira, Frivolités, Robert Laffont 2023, je rencontre cette citation qui approfondit une idée qui m’était déjà connue:

Un vieux Kanak tout grisonnant, sec et noueux, avait pris un air pénétré et goguenard, pour le dire à un ministre français: « Jomo Kennyatta avait raison, ici c’est comme au Kenya, vos ancêtres sont arrivés avec la Bible. Nous avions la terre. Maintenant, vous avez les terres. Nous avons adopté la Bible. Et nous devons faire un aveu: elle console peu la Bible. Nous avons mis du temps à comprendre. Ou plutôt, nous avons vite compris, mais mis du temps à l’admettre. » 244-245

« Les meilleures ventes en christianisme »: juillet 2021

Changement ce mois-ci puisque les aléas de la vie me font lire le livre en français classé numéro 1 dans la rubrique « Livres et bibles chrétiens » sur Amazon.ca:

  • À découvrir le 15 juillet : Gregory Toussaint (2021). Que Ton Règne Vienne, Volume 3: Les Ennemis du Royaume. Pastor G Editions, 210 pages

Rappel du projet :

Pour l’année universitaire 2020-2021, je me lance un défi : lire, présenter et commenter chaque 15 du mois le livre classé numéro 1 dans « Les meilleures ventes en christianisme » sur Amazon.fr (et pour l’été sur Amazon.ca). Je souhaite ainsi mieux comprendre ce qui du christianisme intéresse les lectrices et les lecteurs. J’ai choisi ce site de vente par correspondance en pensant que son volume de ventes garantit la représentativité du meilleur vendeur. Et je précise que je ne reçois rien, mais que je paye tous les livres que je n’achète pas forcément par correspondance.


Ouvrages déjà traités:

Livre # 4 le 1er mai 2021 : « la Bible de ma communion »

Campagnac, F., Raimbault, C., Py-Renaudie, F., & Vanvolsem, É. (2015). La Bible de ma communion. Mame. 312 pages.

Une citation percutante

« Le peuple d’Israël sait que Dieu est avec lui. Quand il lui arrive un événement important, il pense que Dieu y est pour quelque chose. Alors, il réfléchit et il cherche à comprendre ce que Dieu a fait pour lui. Pour ne rien oublier, les parents racontent et répètent tout cela à leurs enfants, puis aux enfants de leurs enfants. Un jour, des savants décident de rassembler et d’écrire toute cette mémoire du peuple d’Israël. C’est un très gros et un très long travail : il dure plusieurs siècles. » (page 9)

Le livre

Appartenant au genre des « beaux livres », la Bible de ma communion se range dans un élégant coffret blanc. Sa couverture est rigide, avec un titre en lettres dorées et une tranche de la même couleur (ou de la même matière ?). Ses pages sont épaisses, son papier est glacé. Chaque page contient une ou des illustrations.

Côté contenu, elle propose une sélection d’histoires bibliques — 14 passages pour chacun des deux Testaments ; 101 des 141 pages du Nouveau Testament sont consacrées à Jésus, de sa naissance à son ascension — réécrites pour des enfants, raccourcies, simplifiées et toujours au présent : « Pendant cette période, il y a d’autres juges comme Gédéon. Il y a même une femme, Débora, dont tout le monde admire le courage » (page 72). Tous les passages sont introduits par un titre et par l’indication de la référence biblique, ce qui est pratique pour relire le texte dans une autre version. Certains passages sont des citations complètes de la Bible de la Liturgie et les paraphrases sont parfois entrecoupées de citations :

« Paul invente une image. Notre corps a plusieurs membres : une tête, deux jambes, deux bras, etc. Est-ce que cela fait plusieurs corps ? Non, bien sûr ! Eh bien, dit Paul, c’est pareil pour nous les chrétiens. Nous sommes tous différents, comme les membres, et nous sommes tous unis en un seul corps. “Or. Vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce corps.” (1 Co 12,27). » (page 287)

Outre les récits bibliques, l’ouvrage contient des introductions, des commentaires des explication sur les « mots compliqués », des « pages spéciales [qui] aident à comprendre dans quel monde vivaient les gens de la Bible », et des annexes, notamment un index des personnages et des épisodes et un lexique des mots expliqués.

Au-delà de la qualité du livre — un beau livre est-il un bon choix ? J’y reviendrai —, ce qui compte dans une Bible pour enfants, c’est la qualité du texte et des illustrations. Pour les évaluer, je choisis un récit de circonstance, celui du don de l’Esprit à la Pentecôte.

Le texte

La Pentecôte Ac 2, 1-13

Cinquante jours après la Pâques, c’est la fête de la Pentecôte. Les apôtres sont tous réunis dans une maison de Jérusalem. Soudain, un grand bruit venant du ciel, semblable à un violent coup de vent, remplit toute la maison. Les apôtres voient apparaître une sorte de feu : il se sépare en petites flammes, en forme de langues qui se posent sur chacun d’eux.

Tous sont alors remplis de l’Esprit Saint. Voilà qu’ils ouvrent portes et fenêtres et qu’ils se précipitent dehors ! Et surtout, ils se mettent à parler à pleine voix en différentes langues, des langues de toute la terre !

Or la ville de Jérusalem est remplie de pèlerins. Ce sont des Juifs venus de tous les pays du monde pour la fête de la Pentecôte. En entendant le bruit, les gens se rassemblent devant la maison des apôtres. Ils n’en croient pas leurs oreilles : « Que se passe-t-il ? Ces hommes qui nous parlent sont des Galiléens, or chacun de nous les entend chanter la gloire de Dieu dans sa propre langue ! Pourtant, nous appartenons à tant de peuples différents. Parthes, Grecs, Égyptiens, Libyens, Romains, Arabes… » Mais d’autres personnes ricanent : « Ils ont bu trop de vin, voilà tout ! » (page 260)

Le choix d’inclure le récit de la Pentecôte est un bon choix, puisqu’il indique la manière de croire en Dieu en l’absence de Jésus. Et c’est ce la condition de l’enfant qui communie. La paraphrase me semble proche du texte biblique et les modifications me paraissent presque toutes justifiables ; à peine, l’ajout d’une mention sur l’ouverture des portes et des fenêtres me paraît inutile, celle des « langues de toute la terre » doit renforcer la valeur du miracle. L’évocation de la fête de la Pentecôte est un ajout qui prend son sens dans la note qui l’accompagne « La Pentecôte est une fête juive qui a lieu cinquante jours après la fête de la Pâque ». Je regrette que les « Juifs de naissance » ait disparu de la liste des personnes qui entendent chanter la gloire de Dieu dans leur propre langue.

L’illustration

À côté du texte figure cette illustration :

L’illustration est peinte à l’aquarelle, dans un style réaliste, à peine un peu enfantin. Ce qu’elle reprend, c’est certains points du texte : la maison — elle paraît petite et sans fenêtre —, la réunion des douze apôtres — à ce moment, Matthias a déjà remplacé Judas — et les flammes sous la forme desquelles se donne l’Esprit Saint. Ce qu’elle précise, ce sont les attitudes variées des apôtres : certains en prière, d’autre les yeux tournés vers le ciel, etc. Ce qu’elle ajoute, c’est la présence de Marie identifiable à la couleur bleue de sa robe bleue. Placée au milieu du groupe des apôtres, les mains jointes dans une position typique de prière catholique, elle est au centre de l’attention, de l’attention des apôtres comme de l’attention de celle ou celui qui regarde l’image.

Textes et images

C’est l’occasion de rappeler et de se rappeler que comme les traductions, les réécritures et les images interprètent et réinterprètent les textes « originaux » et leur donnent un autre sens, un nouveau sens, un sens différent.

Ce qui peut séduire

Le mois de mai représente sans doute le pic des ventes du livre. Car elle est faite pour être offerte à des enfants qui « font leur première communion », un sacrement célébré entre Pâques et Pentecôte. Les éditions Mame ont tout fait pour que leur Bible de ma communion — comme leur Petit catéchisme de ma communion ou leur Missel de ma communion — plaise. Mais comme beaucoup de livres d’enfants, elle doit plaire, non pas aux enfants, mais aux parents, aux marraines et aux parrains, à celles et ceux qui sont susceptibles de l’acheter pour l’offrir. C’est un cadeau catholique, mais pas trop — le petit catéchisme et le missel le sont évidemment plus —, avec lequel la personne qui l’offre manifeste un intérêt — réel ou de circonstance — pour la chose religieuse. La qualité du livre et son prix en font un cadeau tout à fait acceptable, pour qui l’offre et pour la famille qui le reçoit.

Mon avis

(+) Sachant que les éditions Mame proposent dans la même collection deux autres ouvrages, un catéchisme et un missel, je me réjouis que ce soit la Bible qui s’achète le plus ! J’apprécie le mélange de paraphrases et de citations. La paraphrase permet à l’enfant de comprendre ce qu’elle ou il lit. Les citations la ou le familiarisent avec les textes lus au cours de la messe. Comme toujours, j’aime les explications qui désacralisent des livres qu’il ne faudrait jamais nommer « Écritures Saintes ».

(–) La Bible de ma communion est un beau livre qui fait incontestablement un beau cadeau et un bel objet à placer dans une bibliothèque. Mais cette qualité et son prix la font-ils lire plus ou moins ? J’aurais tendance à dire plutôt moins et à penser qu’une Bible moins chère et même moins belle, une version plus pratique pourrait faire un meilleur cadeau. Elle serait peut-être moins intimidante, deviendrait peut-être un objet plus usuel qu’un enfant ouvrirait peut-être plus facilement et plus souvent pour la lire et la relire.

Les auteur·es

La Bible de ma communion mentionne et présente brièvement trois auteur·es : François Campagnac est un prêtre « passionné par la Bible », responsable de catéchèse et de formation biblique ; Christophe Raimbault est docteur en théologie et exégète biblique ; Fabienne Py-Renaudie est une docteure en histoire religieuse qui a mené des recherches sur les Bibles pour enfants. Leur rôle n’est pas précisé, mais j’imagine qu’elle et ils ont sélectionné les textes, les ont réécrits pour des enfants, ont rédigés les introductions, les notes et les commentaires.

Les illustrations sont l’œuvre d’Émilie Vanvolsem qui n’est pas présentée. En consultant son site Internet, j’ai appris qu’elle est une illustratrice jeunesse née en Belgique en 1978 et découvert qu’elle a illustré plusieurs ouvrages pour enfants parus aux éditions Mame, en particulier Le petit catéchisme de ma communion et Le missel de ma communion. Pour plus de renseignements, je vous recommande de consulter sa « bio dessinée par moi-même ».

La maison d’édition

Sur leur site Internet, les éditions Mame annoncent qu’elle publient des « livres de référence pour vivre, célébrer, penser et transmettre la culture et la foi chrétienne en famille comme en Église, d’une façon toujours nouvelle. » Elles sont une maison d’édition catholique qui publie deux livres à succès qui lui assurent une rente de situation : La Bible, traduction officielle liturgique et Le Catéchisme de l’Église catholique.


Ouvrages déjà traités:

Livre # 3 le 1er avril 2021 : « Les travailleurs de l’ombre »

Nguepet, S. Les travailleurs de l’ombre : Ce qui est derrière le voile : une étape indispensable. Édition du Kindle. 121 pages.

Une citation percutante

« Je vais te donner une image afin de comprendre le poids des initiés. Disons ici que la Parole de Dieu est comme le texte qu’on donne aux acteurs d’un film ou d’une pièce de théâtre. Le réalisateur en chef et le metteur en scène, c’est le Saint-Esprit. Aussi merveilleux que soient le texte et les scénarios, si les acteurs ne connaissent que le texte et ne matérialisent pas les différentes actions qui sont dans le scénario, le film ou le théâtre ne ressemblera à rien et personne ne sera intéressé. Est-ce la faute du réalisateur ? Non. Je pense que ce qu’il fera est de changer les acteurs, car sans de bons acteurs, son œuvre n’a pas de valeur. Cela demande forcément beaucoup de préparation, de répétitions et autres. Et cela se passe forcément derrière le voile jusqu’à ce que tout soit parfait, avant de présenter le résultat au grand public. » p. 44

Le livre

Le livre traite d’un problème général, celui des « travailleurs de l’ombre », des personnes qui « effectuent un travail extraordinaire, mais qui peut être méconnu de tous, ou méprisé » (pp. 21-22). Mais il le fait dans une perspective spécifique aux Églises évangéliques, celle d’une envie de ces travailleurs de l’ombre d’en sortir, d’entrer dans la lumière, d’occuper des ministères reconnus, de « s’autoproclamer pasteurs, prophètes, évangéliste, docteurs ou apôtres » (p. 23). Et Syriac Nguepet va leur dire que c’est possible, mais que ce n’est pas forcément nécessaire, qu’ils ont besoin de temps et de reconnaissance. Il le fait en sept chapitres résumés dans des confessions de foi à répéter de « ta propre bouche ». « Ta bouche », car l’auteur s’adresse directement au lecteur. Au lecteur, car l’auteur ne prend jamais soin d’inclure les femmes.

  • Le chapitre 1 rappelle aux travailleurs de l’ombre qu’ils ont déjà leur récompense, dans le « milieu séculier » parce qu’ils contribuent « au bien-être et à l’avancement de l’humanité » (p. 28), dans le « milieu chrétien » parce que « Dieu voit dans le secret » (p. 30) ce qui est fait pour lui.
  • Le chapitre 2 distingue deux catégories parmi « les personnes travaillant en arrière-plan ». D’un côté « la foule », « la plus nombreuse en quantité, mais pas forcément en qualité » (p. 41) composée de « ceux qui ne font rien du tout », de « ceux qui sont dans la mine et qui se limitent à être de simples exécutants », de « ceux qui passent le temps à observer », de « ceux qui passent le temps à analyser » et de « ceux qui passent le temps à observer et à analyser ». De l’autre côté, « les initiés », « la catégorie des élites », des « personnes excellentes qui savent mieux agir que parler de la part de Dieu » (p. 43). Le bon choix est évidemment de rejoindre les initiés.
  • Le chapitre 3 décrit le temps de préparation, un temps « dans le secret », un temps pendant lequel « Dieu travaille pour toi derrière le voile » (pp. 50-51). Profitant de ce que Dieu garde en vie et protège, il faut méditer et mémoriser la Parole de Dieu, croître en sagesse, en stature et en grâce, se montre reconnaissant, fidèle et loyal.
  • Dans le chapitre 4, Syriac Nguepet mobilise sa propre expérience pour démontrer qu’il est possible de « vivre le surnaturel » alors même que l’on vit dans l’ombre. Dès l’âge de 12 ans, l’auteur a vécu « des choses extraordinaires ». Il a vu son autorité se manifester et ses « capacités intellectuelles s’accroître de façon spectaculaire » — « bien sûr, j’étais toujours premier de ma classe » (p. 71) — ; il a ressenti « un touché de Dieu dans [s] on esprit », a été « divinement averti » ; il est devenu responsable du club biblique de son école — « avec plus d’une centaine d’élèves sous ma responsabilité » (p. 71) — où il se faisait « des miracles, des prodiges et des guérisons », où il a même ressuscité un mort — « Alors j’ai eu une inspiration : celle de commander à son âme où qu’elle se trouvât de revenir dans son corps. Puis il est revenu en poussant un soupir effroyable ! » (p. 78)
  • Le chapitre 5 distingue deux types de personnes « derrière le voile » : les faibles, les craintifs et les lâches qui sont « une honte pour le Royaume de Dieu », car « certaines de ces personnes pensent être dans un temps de préparation, alors qu’il n’en est rien » (p. 85) et « les lionceaux en croissance » qui savent que la gloire est en gestation et la puissance en latence, qui attendent leur moment.
  • Le chapitre 6 dresse la liste des cinq « erreurs à éviter dans le processus de transformation » : l’oisiveté, la distraction, « juger ceux qui sont en première ligne », « contourner les épreuves et procrastiner » et « dresser sa tente », c’est-à-dire refuser ou renoncer de partir en mission quand le temps est venu.
  • Le chapitre 7 permet d’évaluer quand le temps de sortir de l’ombre est venu : quand, par la prière et grâce au Saint-Esprit, on a compris sa destinée et les erreurs à éviter, quand on a « commencé à vivre des expériences surnaturelles », quand on a « reçu un témoignage intérieur » et quand la loyauté, la fidélité et l’obéissance « à Dieu et en ses serviteurs ont été éprouvées et validées » (p. 109).

Syriac Nguepet conclut en rappelant deux données complémentaires, celui d’une vocation intérieure — « tu as un rôle à jouer dans le processus de ta transformation, afin d’être dans la volonté parfaite de Dieu » — qui a besoin d’une reconnaissance extérieure : « l’appel que nous ressentons au fond de nous, fût-il pressant, a besoin d’être confirmé » (pp. 118-119).

Ce qui peut séduire

J’imagine que les personnes qui travaillent dans l’ombre ont envie de lire un des rares ouvrages (à ma connaissance) qui évoque leur statut, leur vocation, leur travail, leur rôle dans une Église. C’est ce qu’indique le commentaire laissé par « Mouaha Marc » sur Amazon :

« Ce livre est un encouragement pour toutes les personnes qui pensent que tout ce qu’ils font n’est pas forcément reconnu. On peut être dans l’ombre tout en impactant notre environnement et apprendre tout en n’ayant aucune pression de se tromper puisque caché dans l’ombre. C’est une aide et une exhortation pour tous ceux qui pensent que Dieu ne voit pas ce que tu fais. Il vous voit et mieux il vous prépare en vous mettant à l’abri. J’ai dévoré ce livre tellement vite. À lire et à relire absolument ! »

Que le livre ne soit disponible qu’en ligne et sur un seul site accroît évidemment son succès sur ce site. Alors que les achats d’autres livres se répartissent dans plusieurs librairies ou sur plusieurs sites de commerce en ligne, tout·es celles et ceux qui achètent Les travailleurs de l’ombre doivent passer par Amazon.

Mon avis

(+) J’apprécie beaucoup l’idée de consacrer un ouvrage aux travailleurs de l’ombre, à celles et ceux que, dans les Églises réformées, nous appelons à tort les « laïques » alors que le principe protestant du sacerdoce universel veut justement dire que nous sommes chacune et chacun des pasteur·es, dans la nuit, dans l’ombre, dans la pénombre, dans le clair-obscur ou en pleine lumière. J’apprécie aussi la simplicité du livre. Avec ses types et ses listes, il a un côté pragmatique qui permet à chaque personne de comprendre ce qu’elle doit faire pour réaliser ce qu’elle croit que Dieu veut qu’elle fasse. J’ajoute qu’en filigrane, sous le texte, le livre m’a fait comprendre un problème que j’ignorais, celui de la répartition des fonctions dans les Églises évangéliques, celui d’une certaine frustration à ne pas pouvoir prendre sa place, à ne pas avoir le droit de remplir la tâche que l’on croit que Dieu attribue. D’où la tendance à créer son Église pour en être le pasteur. Cette place de chacune et chacun, bénévoles ou salariés, son importance et sa reconnaissance est certainement un défi qui vaut aussi, mais différemment dans des Églises réformées. Je l’ajoute à mon programme de recherche.

(–) J’apprécie moins la trop nette séparation entre les « pasteurs, prophètes, évangélistes, docteurs ou apôtres », les soi-disant travailleurs de la lumière, et le reste de la communauté, les soi-disant travailleurs de l’ombre. Je crois qu’évangéliquement, une telle distinction n’a pas lieu d’être. Car le travail dans l’ombre doit aussi faire aussi partie de la fonction pastorale. Dans ma théologie, le ou la pasteur·e n’est pas une superstar, mais un serviteur ou une servante. Par expérience, je sais qu’elle, il l’est souvent. Quant aux fonctions davantage mises en lumière — la prédication par exemple —, elles ne doivent pas être un monopole pastoral. Elles doivent être partagées en fonction des connaissances et des compétences. Ce que j’apprécie moins c’est cette idée que la réussite, que le succès vienne prouver la foi. Syriac Nguepet donne l’impression que « le surnaturel » ne se vit que dans les choses extraordinaires : les succès scolaires, professionnels, ecclésiaux, etc. Pourtant, on peut aussi ressentir la présence de Dieu dans une vie simple et même dans une vie pénible. Sa bienveillance aide à supporter le quotidien, y compris dans sa banalité, y compris dans sa difficulté. Ce que j’apprécie moins, c’est le regard un peu paternaliste qu’un pasteur en pleine lumière porte sur les travailleurs de l’ombre :

« Donc tous ceux qui travaillent dans le service d’aide sont aussi des personnes privilégiées, il ne faut donc pas précipiter le temps de passer à un autre niveau de responsabilité. » (p. 31)

Cela me fait penser aux arguments catholiques pour justifier le refus d’ordonner des femmes prêtres : elles n’ont pas besoin d’accéder à la prêtrise, puisque l’Église catholique leur offre de nombreuses manières de servir Dieu et les êtres humains. Il est vrai qu’il existe de nombreuses manières de réaliser sa vocation chrétienne, y compris dans l’ombre. Mais il est tout aussi vrai qu’il n’est pas évangélique de maintenir des monopoles ou de défendre des avantages.

L’auteur

Syriac Nguepet est un pasteur camerounais installé en France. Il exerce son ministère au sein d’une Église baptiste, ACER pour Association Chrétienne pour l’Évangélisation et le Réveil à Rennes. Sur sa page Facebook, il se présente comme « Pasteur — Auteur — Ingénieur Passionné des âmes, aide les travailleurs de l’ombre à créer un impact ». Sa rubrique « À propos » sur Amazon.fr indique qu’il est « marié à Liliane depuis 2012 et [qu’] ils ont 4 enfants ». Dans son ouvrage, il indique qu’il est ingénieur-statisticien et qu’il travaille dans le domaine bancaire.

La maison d’édition

Le livre est une auto-édition, disponible uniquement sur Amazon, broché et au format Kindle.


Ouvrages déjà traités:

« Les meilleures ventes en christianisme »: avril 2021

Certains livres sont des succès sûrs, puisque j’ai déjà traité des numéros 1 et 2 dans la rubrique « Christianisme » sur Amazon.fr au premier avril 2021: la Bible Segond (voir mon article Livre # 1 le 1er octobre 2020 : « La Bible Segond 1910 ») et Conversations avec Dieu (voir mon article Livre # 3 le 1er février 2021 : « Conversations avec Dieu » par Neale Donald Walsh). Je traite donc du livre classé numéro 3 !

  • À découvrir le 15 avril : Nguepet, S. (2021). Les travailleurs de l’ombre. Ce qui est derrière le voile : Une étape indispensable.

Rappel du projet :

Pour l’année universitaire 2020-2021, je me lance un défi : lire, présenter et commenter chaque 15 du mois le livre classé numéro 1 dans « Les meilleures ventes en christianisme » sur Amazon.fr. Je souhaite ainsi mieux comprendre ce qui du christianisme intéresse les lectrices et les lecteurs. J’ai choisi ce site de vente par correspondance en pensant que son volume de ventes garantit la représentativité du meilleur vendeur. Et je précise que je ne reçois rien, mais que je paye tous les livres que je n’achète pas forcément par correspondance.


Ouvrages déjà traités:

Livre # 5 le 1er mars 2021 : « Carnet d’étude de la Bible »

Mars 2021

Pour différentes raisons (voir mon article « Les meilleures ventes en christianisme » : mars 2021), je traite ce mois-ci du livre numéro 5 :

Carnet d’étude de la Bible : Un livret pour y inscrire les remarques que t’inspire l’étude de la Bible, y noter des versets bibliques ou y rédiger tes pensées. (2019). Inspired To Grace.

Une citation percutante

Une image valant sept mots — ceux qui se répètent page après page —, voici comment les éditions Inspired to Grace mettent scène l’utilisation de l’utilisation de leur carnet :

Le livre

Ce n’est pas un livre, mais un carnet de 53 pages comportant chacune sur le recto et le verso une case pour écrire une « date » et trois grands encadrés lignés : sept lignes pour recopier un « verset de la bible », onze lignes pour écrire des « réflexions » et sept lignes pour rédiger ses « prières ».

Ce qui peut séduire

Pour un prix raisonnable, vous achetez un beau carnet — le graphisme et la texture de la couverture sont particulièrement soignés — qui doit vous donner l’envie de noter et donc de conserver des versets bibliques qui vous semblent importants et ce qu’ils vous inspirent. Même si le carnet n’est pas directement conçu pour ça, la suggestion de l’utiliser à la manière d’un collimage ou d’un créacollage (les équivalents français de scrapbooking) permet sans doute d’allonger le temps passé avec les versets bibliques — surtout si en même temps on sirote un café et grignote des macarons ! — et d’augmenter le désir de relire ses notes.

La version en tête des ventes est une version générale qui s’avère être la version féminine. Car les éditions Inspired to Grace proposent aussi un « Carnet d’étude de la Bible pour hommes » qui révèle leur vision de la masculinité : sobre, sérieuse, droite et anguleuse comme la police de caractère et qui s’intéresse à la marine plutôt qu’aux fleurs !

Mon avis

(+) J’aime cette idée de faire de la Bible un objet du quotidien, de donner envie de la lire, de la réfléchir et de la méditer. J’aime aussi l’idée d’utiliser la mode du journal et du coloriage pour l’appliquer à la lecture de la Bible ; profiter de ce qui marche n’est pas un péché ! J’aime encore cette touche créative : créer un bel objet donne envie de relire ses notes. J’aime toujours le côté pratique du carnet, une page par verset et quelques lignes de réflexion et de prière. J’aime enfin ce que suggèrent les encadrés : la Bible est à réfléchir, elle est source de prière.

(–) J’aime un peu moins l’idée de découper la Bible en fine tranche d’un seul verset. S’il y a bien des versets qui peuvent « parler » hors de tout contexte, les lire dans le mouvement du passage, du chapitre ou du livre biblique permet de mieux en comprendre le sens.

L’auteur·e

C’est moi, c’est vous ! Elle ou il est donc forcément génial·e !

La maison d’édition

Sur son site Internet (en anglais seulement, donc je traduis), Inspired to Grace se présente comme « une maison chrétienne d’édition qui se passionne à répandre la parole du Christ à travers de magnifiques livres de coloriage, d’objet de piété, des journaux de prière et d’étude biblique. » Elle crée et vend des carnets, des agendas ou des affiches à colorier qui permettent de lire et de décorer des versets bibliques présélectionnés ou de noter et méditer ceux que l’on choisit. Ses produits ne sont disponibles que sur Amazon.


Ouvrages déjà traités: