proprioperception

À l’Université: Analyser les perceptions sensorielles de « Dieu ». Développer les artefacts et les pratiques sensorielles en christianisme.

Durant l’année 2016-2017, j’organise dans le cadre de l’Institut lémanique de théologie pratique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne, un séminaire de recherche, consacré au thème: « Analyser les perceptions sensorielles de « Dieu ». Développer les artefacts et les pratiques sensorielles en christianisme ».

Il est ouvert à tou.te.s les théologien.ne.s engagé.e.s dans une Université ou une Église qui travaillent ou veulent travailler sur une médiation théologique: un artefact (« du pain », « Noël », etc.), une pratique (« prier », « le catéchisme », etc.), un sens (« l’olfaction dans le culte », « le toucher dans les soins spirituels », etc.) ou sur « les perceptions sensorielles » dans le récit de vie d’un.e chrétien.ne. Les rencontres de séminaire offrent l’occasion:

  1. De présenter l’état de sa recherche dans un environnement accueillant et stimulant.
  2. De rencontrer  chercheur.e.s et des pensées originales et utiles pour sa propre recherche.
  3. De partager avec des spécialistes autour de questions fondamentales et spécifiques en théologie pratique.

Les six rencontres ont lieu:

  • Vendredi 30 septembre 2016, 10h00-17h00: Journées de lancement de l’ILTP à l’Université de Genève.
  • Vendredi 4 novembre 2016, 9h00-12h00 (lieu à déterminer).
  • Vendredi 2 décembre 2016, 9h00-12h00 avec l’Office Protestant de Formation à Neuchâtel.
  • Vendredi 3 mars 2017, 9h00-17h00 à l’Université de Lausanne.
  • Vendredi 7 avril 2017, 9h00-12h00 (lieu à déterminer).
  • Vendredi 5 mai 2017, 9h00-12h00 (lieu à déterminer).

Vous pouvez vous inscrire au séminaire. Il vous suffit de remplir le formulaire ci-dessous. En cliquant sur « Envoyer », vous le transmettez au secrétariat de l’Institut lémanique de théologie pratique.

Visite de la « chapelle ardente » de Jean Béliveau

Lundi 8 décembre 2014, il est 10 heures. Au milieu des chantiers de construction, j’attends avec une bonne cinquantaine de personnes devant le Centre Bell. Il fait froid, moins dix ou mois quinze. Je vois quelques voitures de police, quelques médias. Un homme âgé montre une photo: lui et Jean Béliveau se font face pour engager une partie de hockey. Dix minutes plus tard, je pénètre dans le bâtiment, puis dans la patinoire. Première perception.

Le toucher:

  • La température est chaude, agréable.

J’écarte deux rideaux. Je me retrouve en haut d’un escalier. J’ai une vue plongeante sur le dispositif que le Canadien a imaginé pour mettre en scène son hommage à Jean Béliveau.

La vue:

Trois couleurs dominent: le noir, le rouge et le blanc.

  • Le noir d’abord, celui de la pénombre; celui du plancher qui recouvre la glace; celui du rideau qui ferme le fond de la patinoire; celui des deux bannières qui, par une photographie, deux dates 1931-2014 et le logo du Canadien rappellent la vie du hockeyeur Jean Béliveau; enfin celui des costumes des préposés.
  • Le rouge ensuite, celui des sièges de la patinoire, discrètement éclairés; celui des deux tapis rouges et des cordons rouges qui tracent le chemin; celui de la bannière centrale qui, avec le numéro 4 et les deux dates 1950-1971, évoque la carrière montréalaise du hockeyeur Jean Béliveau; celui du maillot numéro 4 posé sur le fauteuil de Jean Béliveau; celui des jupes des hôtesses; enfin, celui des chandails de quelques personnes dans la foule.
  • Le blanc enfin, celui des trois gerbes de fleurs; celui des deux grands logos du Canadien; celui des six chaises où peuvent s’asseoir les membres de la famille de Jean Béliveau; celui des chandails de quelques personnes dans la foule; celui des cheveux de l’épouse de Jean Béliveau [ajout du 10 décembre].

Toujours la vue:

  • La lumière. La patinoire est plongée dans la pénombre, mais les gradins rouges sont légèrement éclairés. Des projecteurs dessinent le chemin à suivre, le long des deux escaliers d’entrée, le long du tapis rouge, le long de l’escalier de sortie. Ils font apparaître une légère fumée ou la poussière qui nimbe l’intérieur du Centre Bell. Des projecteurs éclairent le dispositif central. Deux traits de lumière, venus d’en haut éclairent très précisément le siège de Jean Béliveau.
  • Quatre trophées alignés devant le rideau noir, alternant avec les fleurs. Je ne reconnais que la coupe Stanley.
  • La famille de Jean Béliveau. Au premier rang, quatre femmes debout; deux hommes au second rang.
  • La file des gens en procession. Des gens plutôt blancs, plutôt âgés. Quelques couples avec de jeunes enfants. Deux files descendent par deux escaliers pour se rejoindre au centre de la patinoire. La file avance lentement, oblique sur la droite, passe devant la famille, remonte l’escalier pour quitter le Centre Bell. Les gens portent leur vêtement d’hiver. Quelques hommes portent un chandail du Canadien. Comme moi, beaucoup prennent des photographies.
  • Une statue de bronze de Jean Béliveau, grandeur nature. [ajout du 9 décembre, car  je l’avais complètement oubliée! ]

L’ouïe:

J’entends de la musique classique enregistrée. La musique que je m’attends à entendre dans de telles circonstances. Je ne reconnais pas les morceaux, sauf l’une des suites pour violoncelle de Bach. J’entends quelques conversations feutrées, quelques rires plus sonores.

La proprioception:

Je descends l’escalier, je marche sur le tapis rouge. J’avance. Je passe devant le fauteuil de Jean Béliveau. Je le laisse sur ma gauche.

Encore la vue:

Je vois plus et mieux. Je lève la tête. Accroché aux structures métalliques, un drapeau québécois partiellement masqué. Sa croix semble non symétrique; elle ressemble à la croix du christianisme. Je vois maintenant le cercueil de Jean Béliveau, en bois sombre. Des roses blanches, un peu défraîchies, sont posées dessus. Je vois les gens qui laissent chacune et chacun seul-e, un moment devant le cercueil. Je vois certaines personnes qui font un signe de croix. Plusieurs, pas toutes. Parmi les fleurs, je remarque des lys blancs. Il me semble que les logos du Canadien sont faits de rubans.

Encore la proprioception:

Je suis arrivé. Je m’arrête quelques secondes devant le cercueil de Jean Béliveau. Je défile devant la famille. J’avais préparé quelques mots à leur dire. Je préfère me taire et leur serrer la main en souriant gentiment. Je marche, je monte l’escalier. Je jette un dernier regard sur la patinoire. Je quitte la patinoire. Le chemin me fait passer devant la boutique du Canadien. J’entre. Je ne vois aucun article au nom de Jean Béliveau.

Il est 10 heures 45. Je quitte le Centre Bell.


Lire aussi l’article « Chapelle ardente » sur le blogue de Benoît Melançon. Mon collègue y compare les chapelles ardentes de Maurice Richard et de Jean Béliveau.

Vers quels nouveaux temples vont les nouveaux pèlerins?

Vu à Bruxelles, une publicité pour des chaussures qui permettraient à de nouveaux pèlerins de marcher jusqu’à de nouveaux temples.

Crédit Patricia Bauer

Crédit Patricia Bauer

Est-ce là qu’aboutiraient les mutations religieuses décrites par la sociologue française Danièle Hervieu-Léger (1999). Le Pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion: 289 p.? (En lire un résumé)

Dieu et ses représentations

Être invité à parler dans les médias présente deux avantages: je peux largement faire connaître mon avis, mais je suis aussi amené à réfléchir à des sujets sur lesquels je ne réfléchis pas ou de réfléchir différemment à des  sujets sur lesquels je réfléchis déjà.
Ainsi cette invitation à évoquer le jour de Pâques dans le Téléjournal de Radio-Canada, « les représentations de Dieu dans tous les temps et dans toutes les religions ». Vaste programme, projet ambitieux, que j’ai tenté de relever ainsi:

  1. Des êtres humains éprouvent l’envie ou le besoin de représenter ce qu’ils/elles tiennent pour Ultime ou pour Absolu. Ils/elles le représentent (au sens de le rendre présent) dans des mots (Ultime, Absolu, Dieu, Allah, Père…), des images (une croix, un œil, un vieillard barbu, une déesse callipyge, un éléphant à une seule défense, un triangle…), des goûts (ceux du vin, d’une galette de riz, d’un épi de maïs…), des odeurs (celle de l’encens…), etc.
  2. Mais des êtres humains craignent que leur(s) Ultime(s) ou leur(s) Absolu(s) soi(en)t réduit(s) à ces représentations (ce qui relève de l’idolâtrie). Ils/elles fixent donc des limites à ces représentations. D’où par exemple, l’interdiction juive de prononcer le nom de l’Ultime, de l’Absolu, l’interdiction juive, musulmane et protestante de s’en faire des images. Ou alors, ils/elles complexifient les représentations de leur(s) Ultime(s) ou de leur(s) Absolu(s). D’où par exemple les concepts chrétiens de « Trinité » (l’Ultime ou l’Absolu est Père mais il est Fils aussi, il/elle est un être humain, mais un esprit aussi), de  « Dieu caché » ou de « Tout-Autre ».
  3. Enfin des êtres humains admettent que des représentations, forcément fabriquées par l’esprit et par les mains des êtres humains, puissent pour certaines personnes, dans certaines circonstances et sous certaines conditions,  évoquer ce qu’ils/elles tiennent pour Ultime ou pour Absolu ou y renvoyer.
  4. Alors des êtres humains éprouvent l’envie ou le besoin de représenter ce qu’ils/elles tiennent pour Ultime ou pour Absolu. Ils/elles le représentent (au sens de le rendre présent) dans des mots (Ultime, Absolu, Dieu, Allah, Père…), des images (une croix, un œil, un vieillard barbu, une déesse callipyge, un éléphant à une seule défense, un triangle…), des goûts (ceux du vin, d’une galette de riz, d’un épi de maïs…), des odeurs (celle de l’encens…), etc.

À l’Université: Christianisme et transmission (petit moment d’ego)

Au trimestre d’hiver 2014, je donnerai le séminaire « Christianisme et transmission » à la Faculté de théologie et des sciences des religions de l’Université de Montréal. Il est ouvert aux étudiant-e-s des Cycles supérieurs (sigle: THP6205, inscription auprès de Nathalie Roy). Vous pouvez en consulter le syllabus: THP 6205 Christianisme et transmission

THP6205

Tous mes cours vous sont ouverts que vous soyez étudiant-e ou non, que vous soyez inscrit-e à l’Université de Montréal ou ailleurs, que vous étudiez la théologie ou une autre discipline (sous réserve des exigences de l’Université de Montréal).
Vous pouvez les suivre pour le plaisir (sans évaluation) ou les faire créditer.

Comment perçoit-on la révélation de Dieu?

À l’occasion d’une invitation à la Faculté de théologie de l’Université de Neuchâtel, j’ai rédigé douze thèses sur les liens que je voudrais plus étroits entre la théologie et les six sens (voir aussi mon article: Parole de Dieu)

  1. À la question « Qu’est-ce qui fait de moi le chrétien que je suis? », j’aime répondre des artefacts théologiques, mis en scène dans des pratiques, pastorales ou non.
  2. Ceux-ci ne passent pas seulement par les oreilles – version protestante – ni par les yeux – version catholique – mais par tous les 6 sens (ouïe, vue, goût, olfaction, toucher et proprioperception)
  3. À titre d’exemple, reconnaissons que le goût de l’hostie, du pain, du mil ou de la noix de coco participe à la signification de la communion.
  4. Dans la Bible, d’ailleurs, Dieu se révèle à l’ouïe et à la vue, mais aussi au goût, à l’olfaction et au toucher.
  5. La théologie populaire sollicite largement les six sens pour provoquer l’expérience de Dieu, en particulier dans les rites et dans les fêtes.
  6. À partir d’un verset de Paul – Romains 10, 17 -, les théologiens estiment que la foi vient uniquement par les oreilles.
  7. Certes, il est vrai que la parole (et la vue et l’olfaction) introduit de la distance, là où le toucher, le goût et la proprioperception conduisent à la fusion.
  8. Est-il pour autant juste de faire la parole la digue qui empêche de se noyer dans une relation fusionnelle avec Dieu?
  9. La primauté de la parole ne dépend-elle pas de plutôt du pouvoir qu’elle accorde aux théologiens?
  10. Il est vrai que le discours et l’écriture peuvent avoir une vertu libératrice dans ce qu’elles ont de public et parce qu’elles permettent plus facilement de prendre distance et de rester critique.
  11. Certes, la théologie est un savoir; les sens de l’ouïe – par le discours – et de la vue – par la lecture – restent donc les plus appropriés pour transmettre le savoir théologique, dans le contexte occidental (et académique) du moins.
  12. Mais le christianisme est un croire; les sens du goût, de l’olfaction, du toucher et de la proprioperception – ainsi que les artefacts visuels et auditifs non-discursif – empêchent d’en faire une vérité objective; ils sont sans doute les plus appropriés pour transmettre le croire chrétien.