tabou

Fêtes et tabous (buffet-conférence alimentation & spiritualité n° 1)

En septembre-octobre 2022, je donne quatre « buffet-conférences » à l’Espace Madeleine à Genève. Voici le premier en image commentée.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir. © Olivier Bauer 09/2022

Merci à Silvia pour la cuisine!

Pour une mort qui n’est pas escamotée, visionnez « Death, Through a Nurse’s Eyes »!

Je reviens un instant sur l’éventualité d’une mort escamotée par les médias (voir mon article La mort escamotée?). Ce matin, Nicolas Demorand, coanimateur du 7-9 sur France Inter, signalait un court documentaire mis en ligne sur la page Opinion du New York Times:

Sockton, A., & King, L. (2021, février 24). Death, Through a Nurse’s Eyes. In Opinion Video. The New York Times. https://www.nytimes.com/2021/02/24/opinion/covid-icu-nurses-arizona.html

« The short film above allows you to experience the brutality of the pandemic from the perspective of nurses inside a Covid-19 intensive care unit. »
« Le court métrage ci-dessus vous permet de faire l’expérience de la brutalité de la pandémie, du point de vue des infirmières dans une unité de soins intensifs COVID-19 »

Mêlant des images filmées par une caméra fixée sur le ventre d’infirmières, les témoignage de ces mêmes infirmières et le récit d’un narrateur, cette courte vidéo (15 min. et 10 sec.) fait voir et entendre les derniers moments des malades et les soins qui leur sont prodigués.

Elle permet de partager les derniers moments des malades et l’engagement des soignantes.

Elle permet de comprendre ce que signifie mourir, mourir de la COVID-19 et mourir loin de sa famille – qui ne peut être présente qu’en visioconférence -, et sans les rites auquel on tient – le sacrement des malades est administré seulement par téléphone -.

La tomate, ennemie des salafistes

Savez-vous que les tomates ont une religion? C’est en tous cas ce qu’estime l’Association islamique égyptienne populaire!

Nancy Labonté, chargée de formation professionnelle à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal et membre du Groupe de recherche sur l’alimentation et la spiritualité (GRAS) me transmet un lien vers « un drôle d’article qui ajoute de la chair à nos recherches »: La tomate, ennemie des salafistes.

Selon le site internet du quotidien turc anglophone Hürriyet Daily News, le caractère chrétien de la tomate lui viendrait essentiellement de la croix formée par son coeur.

Une histoire de pomme

Cela me rappelle une histoire un peu équivalente racontée par Stewart Lee Allen (Allen, Stewart Lee. (2002). In the Devil’s Garden, a Sinful History of Forbidden Food. New York: Ballantine Books).

Lors d’une visite au Mont Athos, deux moines orthodoxes leur avaient démontré, à lui et à son guide grec, que la pomme était un fruit démoniaque. L’un des moines avait pris une pomme et l’avait coupée en deux verticalement. La pomme avait montré « le signe d’Ève », l’image d’un sexe féminin (avec un peu d’imagination, mais c’est un moine du Mont Athos…). Puis il avait pris une autre pomme, l’avait coupée horizontalement. Et la pomme avait montré un pentagramme, une étoile à cinq branches, le signe de Satan.

Qu’une pomme contienne à la fois un sexe féminin et un pentagramme suffirait largement à en faire le fruit défendu, à en interdire la consommation! Mais le moine était trop intelligent ou trop gourmand pour en rester là. Il avait ajouté:

« These are only apples, my friend, which by God’s will are now divided into four pieces, one for each of us. He handed the wedges around with a smile: Now eat. » (p.11)

Il me semble qu’il devrait en aller de même pour la tomate: « Ce n’est qu’une tomate, mon frère salafiste! Maintenant que, par la volonté de Dieu, elle est partagée, mangeons-la! »

Abattage rituel

Pour marquer le début du Ramadan, je propose quelques réflexions sur la nourriture halal. Car le 5 juin dernier, j’étais à Québec pour rencontrer le député André Simard, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’agriculture et d’alimentation à l’Assemblée Nationale du Québec. Dans le cadre du débat sur la vente de viande halal au Québec, il voulait entendre  mon avis sur “l’abattage rituel”. Voici les réflexions que je lui ai transmise (conçues avec l’aide de Sharam Nahidi):

  1. Se nourrir étant un besoin essentiel, tout ce qui touche à l’alimentation revêt un aspect  particulièrement fondamental.
  2. Dans une perspective large, les spiritualités (religions, éthiques, philosophies ou croyances) ont un impact sur les habitudes alimentaires: du Carême à la soupe qui fait grandir, en passant par le goût du terroir. D’où la devise du GRAS: « on mange (aussi) comme on croit ».
  3. Parce que l’on à tendance à croire que l’on est ce que l’on mange (ou que l’on n’est pas ce que l’on ne mange pas), la nourriture sert aussi de marqueur identitaire: un juif se sent juif parce qu’il mange cacher; un végétarien se croit plus pacifique parce qu’il ne tue pas d’animal; et c’est en mangeant de la poutine que l’on pense devenir québécois).
  4. Lorsqu’une religion fixe des règles alimentaires, elle le fait de manière arbitraire pour que les croyant-e-s y obéissent par seul motif de foi.
  5. Ce qui n’empêche pas d’y retrouver des justifications d’hygiène (le cheval élimine son urée par les muscles, le porc peut transmettre la parasitose nerveuse), économiques (une vache vivante rapporte plus qu’une vache morte), sociales (interdire le porc, c’est favoriser les nomades qui ne peuvent pas en élever au détriment des sédentaires), etc.
  6. Et ce qui ne dispense pas les théologiens et les responsables religieux de rendre compte rationnellement des règles alimentaires qu’ils promeuvent, par exemple de leurs impacts sur la santé des croyant-e-s, sur le bien-être des animaux ou sur la vie en société.
  7. Quant à l’islam, il répartit les aliments entre haram (illicite) et halal (licite). Sont notamment haram: l’alcool, le porc, tout animal carnivore, tout oiseau sans pattes fourchues, tout poisson sans écailles, et tout animal qui n’a pas été abattu selon le rituel.
  8. Mais la hiérarchisation est plus fine, elle comprend les catégories suivantes de nourritures: interdites, à éviter, neutres, recommandées, obligatoires. Par exemple, la viande crue esthalal, mais elle est à éviter; le lait est neutre; les dates sont recommandées (elles sont mentionnées dans le Coran et ont été consommées par le Prophète).
  9. Les rites d’abattage remplissent une double fonction: ils permettent de remercier Dieu de nous donner à manger et de s’excuser auprès de l’animal de devoir le tuer pour le manger.
  10. En islam, l’abattage rituel halal implique six conditions :
    1. L’abatteur doit être un « homme du livre », c’est-à-dire, un musulman, un juif ou un chrétien.
    2. Il ne faut pas que soit invoqué sur l’animal un autre nom que celui d’Allah.
    3. L’animal doit être tourné la tête vers la Mecque.
    4. Il doit être égorgé vivant (il semble qu’un étourdissement soit possible, s’il n’entraîne pas la mort).
    5. L’abatteur doit trancher d’un seul coup les deux canaux qui transportent l’air et le sang.
    6. L’animal doit être saigné complètement.
  11. Pour décider d’interdire ou d’autoriser cet abattage rituel, il convient de répondre à deux questions:
    1. Une question de santé: Dans quelle mesure augmente-t-il (ou diminue-t-il) les risques sanitaires pour le/la consommateur/trice?
    2. Une question éthique: Dans quelle mesure augmente-t-il (ou diminue-t-il) la cruauté inhérente à la mise à mort d’un animal? Questions liées : les musulmans du Québec, dans leur diversité, peuvent-ils accepter l’utilisation d’un moyen visant à diminuer la souffrance de l’animal? Si oui, lequel?
  12. Dans le cas où cet abattage rituel serait autorisé, le/ la consommateur/trice devrait être informé de la manière dont l’animal duquel provient sa viande a été abattu (question de traçabilité).

Vache sacrée

Excellent article sur le site du quotidien québécois Le Devoir hier matin. À l’occasion de la tenue d’un festival du boeuf dans une Université en Inde, Guy Taillefer rappelle que la consommation de boeuf est interdite en hindouisme. Mais, tous les Indiens n’étant pas Hindous, tous ne sont pas soumis à ce tabou religieux. L’Inde les laissera-t-elle manger leur steak? La réponse et ses enjeux dans l’article de Guy Taillefer.