théologie pratique

Mon programme de février 2023: alimentation, catéchèse et théologie interculturelle

Je serais heureux d’accueillir celles et ceux qui sont à Lausanne ou peuvent y passer dans mes activités du mois de février. Elles prolongent la théologie que je fais sur mon blogue.

Conférences

Le matin du jeudi 2 février à l’Université de Lausanne, je présente le carnisme chrétien et sa contestation dans une formation continue « Alimentation et société: du Moyen Âge à nos jours » organisée par la Section d’histoire de l’Université de Lausanne.

Le lundi 27 février à 14h30 à Lausanne, je donne une conférence sur les relations entre alimentation et religions à Connaissance 3, l’Université des seniors du canton de Vaud.

Cours

Dès le 20 février, je recommence à donner des cours de théologie pratique. Ils sont ouverts aux auditrices et aux auditeurs libres.

Au Bachelor/Premier cycle:

Et pour la seconde fois, un cours transdisciplinaire « Penser le sport en le pratiquant » où une vingtaine d’étudiant·es et une douzaine de spécialistes du sport apprennent et enseignent tout en courant au bord du lac Léman! (voir la présentation du cours en 2022)

Au Master/Cycles supérieurs:

  • « Produire un épisode de sa propre websérie théologique, » un tout nouveau cours à option pour les étudiant·es de 4e et 5e années.

Colloque

Enfin, j’organise un colloque sur la théologie interculturelle » avec des chercheur·es venant de Suisse, de France, du Cameroun, de la République du Congo et du Québec (8-10 février à l’Université de Lausanne).

Programme du colloque "Dresser un état de la recherche en théologie interculturelle" Université de Lausanne du 8 au 10 février 2023

Celles et ceux que cela intéresse peuvent lire mon billet Voici comment un professeur à l’Université de Montréal occupe son temps de travail. où j’expliquais la répartition de mon temps de travail alors que j’étais professeur à l’Université de Montréal en 2014.

Appropriation protestante d’une cathédrale catholique

Pour les quatre jours d’un cours intensif sur « Les figures vétérotestamentaires de la cathédrale de Lausanne » à l’Université de Lausanne avec ma collègue Ruth Ebach (Bible hébraïque), je propose quatre billets appliquant deux concepts à la mode — l’appropriation culturelle et la culture de l’annulation — à cet édifice. Que celles et ceux que les deux expressions fâchent pourraient ou devraient lire ces quatre courtes chroniques, ne serait-ce que pour savoir si leur colère est fondée !


Construite sur un siècle entre 1150 et 1250 comme cathédrale de l’évêché savoyard de Lausanne, Notre-Dame-de-Lausanne (voir la page Wikipédia) devient protestante en 1536, quand Berne occupe le Pays de Vaud, lui impose le protestantisme et y interdit la célébration de la messe. Aussitôt, le protestantisme, porté par les autorités politique et religieuse, s’approprie donc très matériellement les biens catholiques, dont le plus symbolique, la cathédrale.

Mais ce n’est pas si simple.

La question du propriétaire

Car en 1536, la cathédrale appartient-elle vraiment à l’Église catholique romaine ? Certes, elle a été bâtie par et pour l’Église catholique romaine, selon ses conceptions théologiques et pour son usage liturgique. Mais cette Église en était-elle pour autant le propriétaire légitime ? Je n’ai pas toutes les réponses, mais j’ai des questions : qui a payé la construction ? Les évêques, certes — mais de quoi ou de qui tiraient-ils leurs revenus ? — et des quêtes auprès des fidèles. Qui a mis à disposition le lieu, qui a fourni les matériaux ? Qui a bâti, pierre après pierre, la cathédrale ? Qui l’a décorée, qui a peint la pierre, sculpté de bois, agencé le verre ? L’Église catholique romaine n’était-elle pas plus gestionnaire que propriétaire de la cathédrale de Lausanne ? Et même si l’évêque était aussi comte et qu’il exerçait le pouvoir temporel sur son diocèse, cette information du pasteur-historien Édouard Diserens semble l’indiquer :

« Un nouvel évêque venant [à la Cathédrale] de la ville basse pour être intronisé devait s’arrêter, avec la procession, devant la porte Saint-Étienne ; là, il promettait aux autorités de la ville de respecter ses franchises ; la première d’entre elles consistait à reconnaître que “tant le Bourg que la Cité étaient la dot et l’alleu de la Sainte Vierge”. Autrement dit, Marie était l’unique propriétaire de Lausanne. Le rôle de l’évêque se bornait à administrer les biens de la Sainte Vierge. » Édouard Diserens, Cathédrale de Lausanne. Guide du pèlerin. Cabédita, 1998, page 13.

Selon cette logique, la cathédrale appartenait à la Vierge et l’évêque en exerçait la gestion sur un mandat confié par les autorités de la ville de Lausanne. Celles-ci étaient donc en droit de changer de gestionnaire et de confier la gestion de leur cathédrale à une autre Église, protestante en l’occurrence, sans en perdre la propriété. Il reste à savoir ce que la Vierge a pensé de cette transition ! Et ce qu’en pensait le peuple à qui ni l’évêque, ni Berne, ni les réformateurs, Pierre Viret en tête, ni les autorités n’ont rien demandé.

Rendre à la communauté

La gestion protestante de la cathédrale de Lausanne a été au moins aussi exclusive que sa gestion catholique. L’Église protestante s’est très vite et très bien approprié le bâtiment, extérieur et intérieur. Il l’a transformé pour l’adapter à sa propre théologie et à la liturgie de son culte, devenu la seule manière légale et légitime de célébrer Dieu (j’y reviendrai dans mon troisième billet « Appropriation civile d’une manière protestante de s’asseoir. »). Mais il a su finir par y accueillir le catholicisme.

Anecdotiquement en 1802, pendant la brève période où Lausanne devient la capitale de la Suisse. La messe est célébrée dans le chœur de la cathédrale — un chœur encore séparé de la nef par le mur du jubé, un chœur que le protestantisme n’utilise d’ailleurs pas — pour permettre aux délégués des cantons catholiques de vivre leur foi.

Occasionnellement, en 1975 pour célébrer le 700ème anniversaire de la cathédrale et en 1990 quand une centaine de moines et moniales cistrecien·nes ont été invités pour fêter le 900ème anniversaire de Bernard de Clairvaux.

Plus symboliquement ensuite en 2004, quand l’Église évangélique réformée du canton de Vaud invite l’Église catholique romaine à célébrer la messe dans la cathédrale de Lausanne. La cathédrale accueille alors chaque année une messe catholique de l’Avent, le Noël orthodoxe le 6 janvier, chaque mois « un service religieux organisé par d’autres communautés », des offices œcuméniques, etc., ce qui me semble être signe de bonne gestion spirituelle d’un édifice religieux (voir le site du « Ministère de la cathédrale de Lausanne« ).

Bonne gestion, car il n’y a plus d’ambiguïté sur la propriété de la cathédrale de Lausanne. Elle revient au canton de Vaud qui la met à la disposition de l’Église évangélique réformée et qui peut « après consultation de l’EERV » l’attribuer « à d’autres usagers » si elle n’est plus nécessaire à l’Église protestante (Loi sur les relations entre l’État et les Églises reconnues de droit public, 2010 : art. 20 à 23). Outre son usage cultuel, la cathédrale de Lausanne accueille quelqeus cérémonies politiques laïques, une intense vie culturelle, dans un rapport plus ou moins étroit avec le protestantisme, le christianisme, la religion ou la spiritualité (découvrir le programme des activités à la cathédrale de Lausanne).

En conclusion

  • Une cathédrale de Lausanne protestante relève-t-elle d’un processus d’appropriation culturelle ? Oui ! En 1536, le protestantisme s’est bien approprié la cathédrale de Lausanne. Mais cette appropriation est restée plus culturelle que matérielle. Elle est une appropriation d’usage, d’usage exclusif, mais pas de possession.
  • Faut-il annuler le protestantisme de la cathédrale et la rendre au catholicisme ? Ouvrir la cathédrale à l’expression de diverses sensibilités religieuses, spirituelles et culturelles me semble préférable. Car c’est ainsi qu’elle peut revenir au peuple qui en est le véritable et légitime propriétaire.

Après avoir lu l’excellent ouvrage Judith Lussier, Annulé(e). Réflexions sur la cancel culture, Montréal, Cardinal, 2021, je précise que ni l’Église catholique-romaine, ni la communauté juive, ni la paroisse de la cathédrale, ni les musées lausannois n’ont demandé à récupérer quoi que ce soit (ajout le 6 janvier 2023).

Un christianisme qui fait du bien (cours @Unil)

Ce printemps, je donne à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne un cours de Master intitulé « Un christianisme qui fait du bien » (télécharger le catalogue des cours à la FTSR).

Ce cours se fonde sur une conviction, une conséquence et un constat. Je suis convaincu que mettre sa confiance dans le Dieu de Jésus-Christ fait du bien. Conséquence logique, la transmission de cette attitude de confiance en ce Dieu devrait faire du bien. Mais je constate que ce n’est pas toujours le cas. Les Églises ne sont pas toutes toujours bénéfiques, leurs pratiques ne sont pas toutes toujours bienfaisantes et les chrétien·nes ne sont pas tou·tes toujours bienveillant·es. Étonnant, non ?

Le cours est hybride ou co-modal, à la fois en présence et à distance; il est en plus synchrone et asynchrone, à la fois en direct et à son rythme! En direct, il a lieu chaque lundi matin de 9h15 à 12h00 du 21 février au 30 mai 2022, sauf le 18 avril.

Mon cours est destiné aux étudiant·es de Master des facultés de théologie des universités de Genève et Lausanne. Mais je vous y accueille avec plaisir en tant qu’auditrice et auditeur libre, c’est-à-dire sans évaluation. Et ce quelque soit votre niveau d’études ou votre formation. Vous pouvez le suivre à distance sur Zoom en récupérant les documents dans un dépôt électronique.

Si vous êtes intéressé·e à participer au cours, remplissez ce formulaire en écrivant brièvement qui vous êtes et ce qui vous motive à suivre ce cours.

Discuter de la vie, de la mort (subie ou choisie), de ce qu’il y a ou n’y a pas après

Je partage ici une animation que j’ai expérimentée dans le cadre d’un repas-sciences « La dernière pilule » jeudi 11 novembre 2021 de 19 h à 22 h à la Ferme des Tilleuls, Renens (Vaud) dans le cadre de l’exposition Happy Pills.

Le thème

« Lorsqu’on arrive au bout du bout, que le corps et l’esprit ne résistent plus, lorsqu’on fait des choix de parcours de vie ou de mort, il y a la possibilité, l’éventualité d’une dernière pilule. Celle qui clôt le tout, qui met un terme à nos existences et à ses souffrances. Celle qui redonne aussi parfois des perspectives, qui apaise, qui délivre. Venez partager vos visions de ces fins avec un·e praticien·ne qui côtoie la mort au quotidien et évoquer les multiples facettes de nos morts avec des chercheur·euse·s qui les étudient sous toutes les coutures et coutumes. » https://www.eprouvette-unil.ch/evenement/repas-sciences-2-la-derniere-pilule/

Le déroulement du repas-sciences

  • Trois ou quatre chercheur·es animent trois ou quatre tables de six à huit personnes.
  • Le repas compte trois plats, si possible adaptés au thème.
  • Un·e chercheur·e fait discuter une table pendant le temps d’un plat (20 à 30 minutes).
  • À chaque plat, les chercheur·es changent de table et recommencent la même animation.
  • Chaque table rencontre donc trois chercheur·es et discute du thème à partir de trois points de vue différents.

Mon animation

Faire discuter librement à partir de citations tirées de la Bible, d’ouvrages de théologie et de la popculture.

Trois exemples de citations

  • Tirée de la Bible

« Car, pour moi, la vie c’est le Christ, et la mort est un gain. Mais si vivre ici-bas me permet encore d’accomplir une œuvre utile, alors je ne sais pas quoi choisir. » Le Nouveau Testament, lettre de Paul aux Philippiens

  • Tirée d’un livre de théologie

« La très ancienne bénédiction biblique, qui reposa finalement sur Job après bien des tourments — mourir rassasié de jours —, a viré au supplice. Il faudrait pouvoir mourir en sortant de table, après avoir rendu grâce. Au lieu de quoi on nous ligote à notre chaise et nous voilà punis, condamnés à rester à la table d’un interminable repas. Si bon qu’il fût, on est écœuré à la seule vue des restes. » Müller-Colard, M. (2014). L’autre Dieu : La plainte, la menace et la grâce. Labor et Fides

  • Tirée de la popculture

« Quand il n’y aura plus rien qui chavire et qui blesse et quand même les chagrins auront l’air d’une caresse, quand je verrai ma mort juste au pied de mon lit, que je la verrai sourire de ma si petite vie, je lui dirai “écoute ! Laisse-moi juste une minute…” » Bruni, C. (2002). La dernière minute : Vol. Quelqu’un m’a dit [enregistré par C. Bruni]. Naïve.

À télécharger à l’adresse: https://olivierbauer.files.wordpress.com/2021/11/bauer_animation_mortvie_2021.pdf

Quel rite pour les couples après le mariage pour toutes et tous ?

Comme un bon joueur d’échec, je pense plusieurs coups en avance.

Admettons que le 26 septembre, le peuple suisse vote « oui » au mariage pour toutes et tous. Qu’adviendra-t-il des rites de bénédiction que quatre Églises réformées de Suisse romande (Berne, Fribourg, Vaud et Genève) ont mis en place pour les couples de même sexe à qui le mariage était jusque-là interdit ? Je vois deux possibilités :

  1. Soit ces Églises reviennent à leur ancienne pratique. Elles vont alors supprimer ces rites de bénédiction et recommencer à ne bénir que des couples mariés (homo- et hétérosexuels) dans ce que l’on appelle improprement des « mariages religieux » ou des « mariages à l’église ».
  2. Soit ces Églises conservent leur nouvelle pratique. Elles vont alors maintenir ces rites de bénédiction. Pour éviter toute discrimination, elles vont les ouvrir à tous les couples homo- et hétérosexuels.

J’évalue ainsi ces deux possibilités :

  1. La première possibilité me semble mauvaise. Car elle reviendrait à ne plus reconnaître et accueillir rituellement et liturgiquement une forme de conjugalité hors ou sans mariage, largement répandue et tout à fait respectable. Ce serait d’autant moins compréhensible que, pour les couples homosexuels, les Églises réformées l’ont reconnue et accueillie pendant plusieurs années.
  2. La seconde possibilité me semble la bonne. Car elle revient à reconnaître et accueillir tous les couples, sans s’intéresser à leur statut légal (mariés, pacsés, concubins, libres, etc.). Car un rite public de bénédiction de couple permet à chaque partenaire d’exprimer son amour, de reconnaître ses limites et de demander à Dieu qu’il l’aide. Car un rite de bénédiction permet au couple et à son entourage d’expérimenter la bienveillance de Dieu.

Admettons que les Églises réformées choisissent la seconde possibilité. Elles devront convaincre l’État helvétique que la bénédiction d’un couple n’est pas un mariage religieux et qu’elle ne contrevient pas à l’article 97, alinéa 3 du Code civil suisse : « Le mariage religieux ne peut précéder le mariage civil. » Mais elles pourront se prévaloir du fait que pendant plusieurs années, elles ont béni des couples non mariés, sans engendrer aucun malentendu ni encourager aucune confusion.

Une théologie de la planche à pain

Donnant un cours sur les rites et les sacrements à l’Université de Lausanne (télécharger le plan du cours Mettre nos hypothèses sur les rites et sacrements à l’épreuve de la théologie pratique), j’ai demandé aux étudiantes (seules des étudiantes suivent ce cours) de sortir et de visiter soit une église protestante — la cathédrale de Lausanne —, soit une église catholique — la basilique du Valentin — avec cette consigne :
« Durant votre visite, vous recueillerez le maximum d’indices immobiles (architecture, meubles, etc.), d’indices mobiles (objets, vêtements, décors, autres éléments matériels), éventuellement d’indices éphémères (paroles, musiques, gestes, autres éléments immatériels) à propos de tous les sacrements célébrés dans l’église que vous visiterez. Vous garderez les indices qu’il vous sera possible de garder (par photographies, enregistrements, documents, etc.). Attention, il vous est strictement interdit de voler des objets ou des fragments d’objet ! »
Je leur ai ensuite demandé de reconstruire la théologie des sacrements que ces indices révèlent et de partager le résultat de leur travail. Comme vous l’imaginez, elles ont très bien travaillé. J’ai fait le même travail et j’ai pris cette photographie dans la sacristie de la cathédrale de Lausanne. Comme je suis un piètre photographe, je précise qu’il s’agit d’une planche à pain avec un couteau à pain.
CathedraleLausanne_PlanchePain

Dans une armoire de la sacristie de la cathédrale de Lausanne

En cours, j’ai reconstruit la théologie que m’inspire cette planche à pain.
  1. S’il est nécessaire de conserver une planche et un couteau à pain dans la sacristie de la cathédrale de Lausanne, c’est certainement qu’on doit y couper du pain.
  2. Je sais par ailleurs que dans les cultes protestants, on célèbre la communion — qu’on appelle « cène » en protestantisme et « eucharistie » en catholicisme — avec du pain levé, du pain ordinaire, du pain de boulangerie ou du pain fait maison.
  3. La planche et le couteau à pain sont donc les indices mobiles que dans la cathédrale de Lausanne, on célèbre la cène et qu’on la célèbre avec du pain.
  4. Je n’exclus pas la possibilité que la planche et le couteau soient utilisés pour préparer les tartines de la pasteure ou les sandwichs de l’apéritif après le culte.
  5. Je me demande pourquoi il est nécessaire de couper le pain consommé lors de la cène.
  6. Il est possible, voire probable, que l’on coupe à l’avance des tranches ou des morceaux de pain pour faciliter la distribution et la consommation.
  7. Il est possible aussi que l’on prédécoupe la partie du pain que la pasteure va rompre dans un geste liturgique mimant le geste attribué à Jésus.
Voilà ce que la planche à pain me dit de la théologie et de la pratique du sacrement de la cène en vigueur dans la cathédrale de Lausanne en 2021. Et voilà comment je fais de la théologie pratique à partir du terrain.