Un Esprit désincarné pour un christianisme incarné

Dans un commentaire à mon dernier article L’Esprit comme désincarnation d’un Dieu incarné (qui entretemps est devenu l’avant-dernier !), Karin craint que je prône un christianisme dualiste, qui séparerait le corps et l’esprit et qui renierait le corps ; elle me demande de développer ma pensée. Je lui dis merci, car elle me permet de dissiper le malentendu que peut créer mon « mini-article » comme elle le qualifie.

Alors, oui, je crois que l’Esprit désincarne un Dieu qui s’est incarné. Mais non, je ne crois pas que cela rende le christianisme désincarné. Et je distingue deux couples de concepts : « incarnation-désincarnation » d’un côté, « corps-esprit » de l’autre.

Incarnation-désincarnation

  • Premier temps : Des êtres humains font l’expérience de Dieu dans la création qu’ils lui attribuent.
  • Deuxième temps : Des êtres humains font l’expérience qu’un de leurs contemporains, un juif du 1er siècle vivant entre Israël et la Palestine, incarne parfaitement ce que Dieu veut et ce que Dieu peut pour elles et pour eux.
  • Troisième temps : Dieu se désincarne de cet homme. D’autres êtres humains dans d’autres lieux à d’autres époques font d’autres expériences de Dieu dans leurs propres réalités.

Mon expérience de Dieu ne se limite donc pas à la lecture des textes qui racontent la naissance, la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Tous les événements de mon existence me font faire l’expérience d’un Dieu qui s’incarne ou se réincarne.

Corps-esprit

Je reçois donc mon expérience de Dieu par toutes mes perceptions sensorielles, au travers de ce que j’entends, éprouve, goûte, sens, touche et vois. C’est dire si mon expérience de Dieu implique mon corps. Mais mon expérience de Dieu, je la construis, je la réfléchis avec mes connaissances et mes compétences, avec la somme de toutes mes expériences. C’est dire si mon expérience de Dieu mobilise mon esprit.

Et l’âme dans tout ça ?

Je ne crois pas à son existence. Ou alors seulement comme point de vue chrétien sur qui je suis, corps et esprit.


Sur un thème en partie proche, on peut lire ma contribution dans un collectif en libre-accès : Bauer, O. (2020). Théologie protestante de la santé : Un état de la question. In E. Ansen Zeder, P.-Y. Brandt, & J. Besson (Éds.), Clinique du Sens (p. 61‑66). Éditions des Archives Contemporaines. https://eac.ac/books/9782813003591

5 commentaires

  1. «  Je ne crois pas à l’existence de l’âme ». L’âme est un mot littéraire pour exprimer le lien entre l’être humain et le flux divin, le Souffle originel, créateur. Ce lien est bien réel.
    Ce lien existe, s’exprime probablement entre chacune des créatures de Dieu et Dieu.
    Jésus enseigne avec insistance ce lien qui lui permet de guérir les corps/ esprit, de créer, de survivre. C’est l’originalité du Christianisme. Corps et esprit comprend les capacités physiques, l’intelligence et le psychique émotionnel des êtres humains et des créatures.

    1. Bonjour Marie,
      Je vous remercie de votre commentaire. Je crois que nous sommes d‘accord. L‘âme à laquelle je ne crois pas c’est celle qui monterait au ciel au moment de la mort, celle qu’on essaye de peser, celle qui nécessiterait qu’on ouvre une fenêtre pour qu’elle puisse quitter la chambre d’une personne morte.
      Avec mes amitiés, Olivier

  2. Merci Olivier pour ton développement qui me permet de mieux comprendre ta pensée!

    Mais je reste perplexe par ton idée que Dieu se désincarne du Christ pour se ré-incarner dans d’autres personnes…

    Le Christ est présent en tout et en tous de toute éternité… par son esprit!

    Amitiés

    Karin.

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    1. Merci Karin de me faire réfléchir.
      Je vais faire mon professeur de théologie: Pour moi, c’est plutôt Dieu qui est en tout et en tous, et particulièrement dans Jésus qu’il fait Christ. Quant à l’esprit, je suis orthodoxe; je crois qu’il procède du Père plutôt que du Fils; par conséquent, je ne suis pas tellement filioquiste. Mais tout cela n’a aucune espèce d’importance!
      Amitiés, Olivier

  3. Merci pour votre reflexion… espérons que dans les années qui viennent nous aurons une réflexion plus approfondie de l’Esprit, qui nous mènera aussi vers une anthropologie que mériterait le mystère de l’Incarnation. Congar, Daniélou avaient raison que notre vision d’esprit est devenu trop « grecque » et plus assez juive. Sans doute le dialogue « spirituel » ou « pratique » avec des traditions d’Asie ont quelque chose à apporter en cela. Merci pour vos billets

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