pain

Du pain bénit

Celles et ceux qui suivent ce blogue le savent, le théologien du quotidien aime les publicités qui intègre du religieux. Il aime aussi les croisements entre alimentation et spiritualité. Alors quand il trouve une publicité qui croise alimentation et religion, il est aux anges!

Vu à Prilly, le 10 mai 2023 © Olivier Bauer 2023

Rappel théologie: Bénir, c’est dire ou faire du bien. Un pain bénit est donc un pain sur lequel on a dit une bonne parole ou fait un bon geste.

Rappel grammaire: un objet est bénit, une chose est bénite; un homme est béni, une femme est bénie.

Rappel liturgie: en catholicisme, le pain bénit est un pain que les fidèles apportent à la messe, font bénir par un prêtre et rapportent à la maison; en orthodoxie, ce sont les restes du pain de l’eucharistie que l’on peut consommer après la divine liturgie.

Rappel popculture: au sens figuré, du pain bénit indique quelque chose de providentiel, de très, très favorable, de très très agréable.

Rappel religion populaire: il arrive qu’on trace une croix sur le pain, au couteau avant la cuisson ou avec le doigt avant de le couper pour remercier Dieu qui le donne.

Rappel amour universel: le pain suisse n’est pas le seul à être bénit. Tous les pains de tout le monde le sont toujours.

Religions (buffet-conférence alimentation & spiritualité n° 2)

En septembre-octobre 2022, je donne quatre « buffet-conférences » à l’Espace Madeleine à Genève. Voici le deuxième en image commentée.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir. © Olivier Bauer 09/2022

Merci à Silvia pour la cuisine!

Au culte protestant, mes ami·es!

Où peut-on rencontrer des gens connus et inconnus, passer deux heures dans un lieu historique, voir des bouquets, trembler pour une funambule, découvrir un texte vieux de 2000 ans, écouter un discours de motivation, du Bach et du Brel, de la flûte traversière et de l’orgue, chanter, manger du pain et boire du vin, faire un don pour aider les autres?

Où peut-on se sentir membre d’une communauté et se sentir béni?

Au culte protestant, mes ami·es!


Une théologie de la planche à pain

Donnant un cours sur les rites et les sacrements à l’Université de Lausanne (télécharger le plan du cours Mettre nos hypothèses sur les rites et sacrements à l’épreuve de la théologie pratique), j’ai demandé aux étudiantes (seules des étudiantes suivent ce cours) de sortir et de visiter soit une église protestante — la cathédrale de Lausanne —, soit une église catholique — la basilique du Valentin — avec cette consigne :
« Durant votre visite, vous recueillerez le maximum d’indices immobiles (architecture, meubles, etc.), d’indices mobiles (objets, vêtements, décors, autres éléments matériels), éventuellement d’indices éphémères (paroles, musiques, gestes, autres éléments immatériels) à propos de tous les sacrements célébrés dans l’église que vous visiterez. Vous garderez les indices qu’il vous sera possible de garder (par photographies, enregistrements, documents, etc.). Attention, il vous est strictement interdit de voler des objets ou des fragments d’objet ! »
Je leur ai ensuite demandé de reconstruire la théologie des sacrements que ces indices révèlent et de partager le résultat de leur travail. Comme vous l’imaginez, elles ont très bien travaillé. J’ai fait le même travail et j’ai pris cette photographie dans la sacristie de la cathédrale de Lausanne. Comme je suis un piètre photographe, je précise qu’il s’agit d’une planche à pain avec un couteau à pain.
CathedraleLausanne_PlanchePain

Dans une armoire de la sacristie de la cathédrale de Lausanne

En cours, j’ai reconstruit la théologie que m’inspire cette planche à pain.
  1. S’il est nécessaire de conserver une planche et un couteau à pain dans la sacristie de la cathédrale de Lausanne, c’est certainement qu’on doit y couper du pain.
  2. Je sais par ailleurs que dans les cultes protestants, on célèbre la communion — qu’on appelle « cène » en protestantisme et « eucharistie » en catholicisme — avec du pain levé, du pain ordinaire, du pain de boulangerie ou du pain fait maison.
  3. La planche et le couteau à pain sont donc les indices mobiles que dans la cathédrale de Lausanne, on célèbre la cène et qu’on la célèbre avec du pain.
  4. Je n’exclus pas la possibilité que la planche et le couteau soient utilisés pour préparer les tartines de la pasteure ou les sandwichs de l’apéritif après le culte.
  5. Je me demande pourquoi il est nécessaire de couper le pain consommé lors de la cène.
  6. Il est possible, voire probable, que l’on coupe à l’avance des tranches ou des morceaux de pain pour faciliter la distribution et la consommation.
  7. Il est possible aussi que l’on prédécoupe la partie du pain que la pasteure va rompre dans un geste liturgique mimant le geste attribué à Jésus.
Voilà ce que la planche à pain me dit de la théologie et de la pratique du sacrement de la cène en vigueur dans la cathédrale de Lausanne en 2021. Et voilà comment je fais de la théologie pratique à partir du terrain.

Guide pour célébrer une cène (aussi) sans gluten

Proposer du jus de raisin ouvre la communion aux enfants et aux personnes ne désirant pas consommer d’alcool. Offrir du pain sans gluten permet d’inclure dans la communion les malades cœliaques et les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas consommer de gluten. On peut évidemment célébrer la cène uniquement avec du pain sans gluten. C’est un beau geste de respect et d’inclusion. On peut aussi proposer un choix. Pour éviter les accidents et les contaminations croisées, il convient alors de prendre des précautions. Car une seule miette de pain, une légère trace de farine avec gluten suffit à rendre malades les personnes sensibles. Il convient donc de respecter une règle fondamentale : que le pain sans gluten n’entre jamais en contact ni ne soit jamais proche d’un pain avec gluten ou de quelque chose qu’il a touché ou qui l’a touché, les mains, une assiette, un couteau, un torchon, etc.

Voici un guide qui devrait permettre d’accueillir à la cène les « personnes sans gluten », de leur permettre de communier sans angoisse :

Avant

  1. Choisir du pain sans gluten ou des galettes de riz, de sarrasin ou de châtaigne qui ont l’avantage de bien se conserver.
  2. Si l’on confectionne soi-même du pain sans gluten, veiller à ce que tous les ingrédients soient certifiés sans gluten, que la cuisine et les ustensiles soient totalement exempts de gluten, y compris le four.
  3. Transporter et conserver le pain ou les galettes séparément dans un contenant spécifique, fermé et clairement identifié.

Juste avant

  1. Préparer la « cène sans gluten » avant la « cène avec gluten ».
  2. Charger une seule personne de la cène sans gluten et lui confier uniquement cette tâche.
  3. Limiter les manipulations du pain sans gluten et des ustensiles.
  4. Utiliser des ustensiles spécifiques — assiette, corbeille, planche, couteau, torchon, éponge, etc. — ; les réserver au seul pain sans gluten et les identifier clairement.
  5. Se laver les mains, laver l’assiette et les autres ustensiles, même s’ils paraissent propres.
  6. Partager le pain ou les galettes et déposer les morceaux sur l’assiette ou dans la corbeille.
  7. Porter séparément l’assiette ou la corbeille ; la poser sur la table de communion à l’écart du pain avec gluten.

Pendant

  • Éviter de rompre le pain ou la galette sans gluten ; en tous les cas, les rompre après s’être lavé les mains et avant le pain avec gluten.
  • Ne pas rompre le pain avec gluten au-dessus ou près du pain sans gluten.
  • Charger une personne de distribuer le pain sans gluten.
  • Pour éviter les contacts, déposer un morceau de pain ou de galette dans la main des « communiant·es sans gluten ».
  • Comme les « coupes générales » peuvent contenir des miettes de pain, proposer deux coupes — avec et sans alcool — réservées aux seul.es communiant·es sans gluten ; les faire porter par la personne responsable du pain sans gluten.

Après

  1. Distribuer les éventuels restes de pain ou de galettes sans gluten.
  2. Laver les ustensiles ; les ranger dans un endroit spécifique en les identifiant clairement.

Avec l’aide de Patricia Bauer

À utiliser librement, à partager et afficher dans les lieux où se prépare la cène

Deux Cènes égyptiennes

Parmi mes recherches, l’une me tient particulièrement à cœur, celle que je mène sur les Cènes médiévales et les aliments qui y sont représentés. Plusieurs pages de mon blogue en rendent compte (par exemple sur mon blogue La Cène: Moyen Âge ou Quels aliments figurent sur les images médiévales de la Cène? ou La Cène: Images et analyse); ou l’article écrit avec Nancy Labonté: Le Cenacolo de Leonardo da Vinci: un trompe-la-bouche). Je m’y concentre sur l’Europe latine, une région culturelle déjà très vaste. Mais je regrette d’être trop européocentriste. Alors, pour compenser un peu, je présente aujourd’hui deux Cènes égyptiennes.


La première pourrait être l’une des plus anciennes représentations de la Cène connue à ce jour (on admet généralement que la Cène la plus ancienne est une mosaïque de Ravenne en Italie datée du début du 6e siècle)

Cène. Égypte, 6e-8e siècle (lin brodé de soie) © Victoria and Albert Museum. (Cliquer sur l’image pour l’agrandir)

La notice du musée la décrit ainsi:

« Portion of a roundel of linen embroidered with coloured silks, depicting the Last Supper. A curved band, issuing from anobject now unintelligible, touches the halo of one of the figures. The ground is green. There is a border of heart-shaped flowers and rosettes. The roundel has been stitched to a linen tunic, a fragment of which remains. »

Un groupe d’hommes noirs jeunes et vieux – cheveux noirs et cheveux blancs – sont à table bien alignés, une main sagement posée sur cette même table. Ils semblent attendre de pouvoir manger les neuf galettes disposées devant eux et de se partager l’unique poisson sur le plat. Un serviteur porte une amphore; peut-être qu’il leur apporte du vin? Mais alors, ils n’auraient rien pour le boire.


La seconde figure dans un évangéliaire copte. C’est la sixième enluminure de l’évangile de Matthieu.

Cène. Évangéliaire copte-arabe de la Bibliothèque de Fels, folio 19r. 1250. © Bibliothèque de Fels, Institut Catholique de Paris.

La notice de la bibliothèque décrit l’œuvre en ces termes:

« La dernière Cène: Le Christ est représenté sur la gauche tenant dans la main droite un calice d’or. Les apôtres sont assis à la turque auprès d’une table ronde chargée de quatre plats ou pains. Inscription arabe (voir ill. pleine page) : la manducation du pain. »

Au moins 10 personnages – leurs habits, quelques barbes laissent penser que ce sont des hommes – sont assis par terre, face à leur maître assis lui aussi, mais assis quant à lui sur un siège qui indique son autorité. Quatre galettes sont posées sur une table basse; vont-ils les manger? Et le maître tient une coupe qui ne doit pas être remplie jusqu’au bord, sinon le liquide coulerait. Va-t-il boire? Va-t-il leur donner à boire?