Théologie protestante

Les vraies affaires commencent quand la messe est dite

Je traque les manières dont le sport s’empare de la religion. Notamment l’utilisation de métaphores religieuses dans les médias. Ce matin, c’est dans le quotidien sportif français L’Équipe que je trouve matière à réflexion.

L’Équipe, 27 mai 2023

Sans vouloir refaire l’histoire de la Ligue 2 française de football, j’indique que le titre signale qu’il y a toujours de la compétition entre Le Havre et Metz.

Et sans vouloir refaire la théologie de la messe, j’indique que le titre fait référence à la formule qui concluait la célébration de la messe catholique: « Allez, la messe est dite! » (traduction-adaptation du latin « Ite, missa est »).

Ce qui m’intéresse? C’est le malentendu sur la valeur de la messe.

Contrairement à son usage courant, la formule « la messe est dite » ne signifie pas que tout est joué, que plus rien ne peut changer. Au contraire, elle indique que les « vraies affaires » commencent au moment où la messe se termine, où l’on sort de l’église. Conscientisé·es, énergisé·es par la célébration, les fidèles sont appelé·es à aller pour transformer le monde.

C’est donc quand la messe est dite que tout (re)commence!

« Prie pour tes exas! » Qu’est-ce que cela veut dire?

L’aumônerie œcuménique commune à l’Université et à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (visiter son site) fait de la publicité pour une activité intitulée « Prie pour tes exas ! ». Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

Comme j’avais fait réfléchir les étudiantes et les étudiants de mon cours d’introduction à la théologie pratique sur un culte avec « prière pour la guérison » (voir mon billet Prier pour la guérison ou prier pour les malades ?), je leur ai proposé de discuter le concept de prier pour ses examens. Voici les résultats de notre discussion. (Je vous rassure, nous avons aussi noté le « souhaité » au masculin, qui grammaticalement ne renvoie donc à aucun des trois termes féminins.)

Comme pour l’activité « prière pour la guérison », l’affiche doit attirer en promettant et le site Internet de l’aumônerie informe plus précisément. Il dit un peu autre chose ou présente les mêmes choses différemment :.

Une Bible ouverte et les détails de l'activité "Prie pour tes exas"
"Une célébration protestante pour se préparer aux examens
Avant de débuter la session des examens, les aumôniers protestants vous invitent à un culte, pour vous ressourcer à la Parole de Dieu, prendre des forces intérieures par le partage de la Cène, et recevoir une bénédiction...
Animé par le Choeur Gospel de l'Aumônerie LET'S GO!!
Dimanche 11 juin 2023, 17h, Eglise Martin Luther King (St-Laurent), Lausanne.
Bienvenue à chacune et chacun!

Le professeur de théologie pratique trouve l’annonce du site plus conforme à la théologie protestante : elle situe le cadre de l’activité, une « célébration protestante » par « les aumôniers protestants » ; elle propose de « se ressourcer », de « prendre des forces intérieures » et de « recevoir une bénédiction ». Rassurer est peut-être son but. Car s’il faut se promener dans les couloirs de l’UNIL et de l’EPFL pour voir une affiche qui disparaît rapidement, tout le monde peut accéder au site Internet de l’aumônerie. Il convient peut-être rassurer l’Église évangélique réformée du canton de Vaud qui, avec l’Église catholique, cofinance l’aumônerie : « Ce que nous faisons est bien chrétien et bien protestant ! »

Enfin, pour être complet, je signale que l’aumônerie organise aussi une « bulle de révisions » mêlant travail intellectuel, activités physiques et moments spirituels.

En mai, 2 publications en libre accès sur l’Église et la cuisine…

En ce joli mois de mai, j’ai le plaisir de publier deux articles, disponibles en libre accès.

Le premier est un court texte de théologie pratique, en ecclésiologie ou conception de l’Église:

  • Bauer Olivier (2023). « Mieux vaut être Église ensemble que faire Église à distance », Points chauds pour l’avenir de l’Église. Regards croisés en francophonie. Academic Press Fribourg, pages 171-181. En libre accès: https://serval.unil.ch/fr/notice/serval:BIB_CA35C7011251

En voici le résumé:

« En temps de pandémie ou en situation de diaspora, l’Église sait faire Église à distance pour se rapprocher des distancé·es. Ce qui est déjà bien. Mais être Église ensemble est encore mieux. Théoriquement, la conversion est aisée, puisqu’il suffit de mettre au centre Jésus-Christ plutôt que l’Église. C’est l’application pratique qui se révèle plus complexe. Mais pas de souci, Olivier Bauer formule quelques propositions pour y parvenir. »

Le second est un article de dictionnaire où je présente les relations entre la religion et la cuisine. Je voulais le titrer « La religion vue de la cuisine ou de la salle à manger », mais l’éditeur l’a raccourci.

Il commence ainsi:

« Même si la religion concerne le spirituel, elle s’intéresse beaucoup aux aspects matériels, corporels, charnels, parce que la relation avec la divinité se vit forcément dans des existences humaines concrètes. Les convictions ou les croyances s’incarnent dans des comportements et les personnes qui placent leur confiance dans une divinité les incorporent par des expériences et des pratiques. Et, parmi celles-ci, l’alimentation (Pitte, 2009).

Par souci de simplification, on utilise ici une définition simple et large de la religion que l’on traite souvent au singulier, malgré les différences entre les religions. On la considère comme une forme de spiritualité caractérisée par une relation avec une divinité qui peut être unique ou multiple, immanente ou transcendante, extérieure ou intérieure à soi et vécue dans un cadre traditionnel et institutionnel plus ou moins contraignant. On l’approche avec une méthode empirico-herméneutique qui part de l’expérience croyante sans douter de sa réalité et qui l’interprète avec les outils de la raison pour en mettre en évidence les sens qui lui sont donnés.

Se nourrir, produire de la nourriture, la distribuer, la cuisiner, la répartir, la consommer est une activité vitale pour l’être humain. Elle l’oblige à faire tous les jours des choix plus ou moins réfléchis. En réglementant l’alimentation, la religion oblige donc ses fidèles à se situer par rapport à des règles, à décider chaque jour de mettre ou de ne pas mettre en acte leurs convictions (Assouly, 2002). Vue depuis la cuisine ou depuis la salle à manger, la religion compose un public spécifique et les religions des publics qui diffèrent par leurs niveaux d’engagement : se nourrir en respectant scrupuleusement des prescriptions religieuses, s’en affranchir totalement, prendre des libertés. C’est en mangeant que l’on vit sa religion ou sa « non-religion » et c’est aussi en mangeant que l’on peut en témoigner. »

Du pain bénit

Celles et ceux qui suivent ce blogue le savent, le théologien du quotidien aime les publicités qui intègre du religieux. Il aime aussi les croisements entre alimentation et spiritualité. Alors quand il trouve une publicité qui croise alimentation et religion, il est aux anges!

Vu à Prilly, le 10 mai 2023 © Olivier Bauer 2023

Rappel théologie: Bénir, c’est dire ou faire du bien. Un pain bénit est donc un pain sur lequel on a dit une bonne parole ou fait un bon geste.

Rappel grammaire: un objet est bénit, une chose est bénite; un homme est béni, une femme est bénie.

Rappel liturgie: en catholicisme, le pain bénit est un pain que les fidèles apportent à la messe, font bénir par un prêtre et rapportent à la maison; en orthodoxie, ce sont les restes du pain de l’eucharistie que l’on peut consommer après la divine liturgie.

Rappel popculture: au sens figuré, du pain bénit indique quelque chose de providentiel, de très, très favorable, de très très agréable.

Rappel religion populaire: il arrive qu’on trace une croix sur le pain, au couteau avant la cuisson ou avec le doigt avant de le couper pour remercier Dieu qui le donne.

Rappel amour universel: le pain suisse n’est pas le seul à être bénit. Tous les pains de tout le monde le sont toujours.

Ce que la liturgie du couronnement dit de la religion au Royaume Uni

Les liturgies des cérémonies en disent beaucoup, souvent plus que d’autres textes officiels. Dans celle du couronnement du roi Charles III, « The Authorised Liturgy For The Coronation Rite Of His Majesty King Charles III » célébrée par the Church of England, l’Église anglicane (disponible sur Internet), j’ai relevé trois éléments du serment (page 8) montrant la place de la religion, du christianisme et du protestantisme au Royaume Uni.

Une seule Église, plusieurs fois

Dans une même phrase, l’archevêque de Cantorbéry a demandé au roi de jurer qu’il voulait maintenir « l’Église » et appliquer le vrai Évangile en favorisant « un environnement où les personnes peuvent vivre librement quelques soient leurs fois ou leurs croyances ».

Deux remarques :

  1. Il n’est pas nécessaire de mentionner de quelle Église il s’agit, puisqu’il n’y en a qu’une, the Church of England, l’Église d’Angleterre, la seule que le roi doit maintenir.
  2. Cependant, pour être vrai, l’Évangile implique de respecter la foi et les croyances de chacune et de chacun.

Un roi au service d’une seule Église

L’archevêque a ensuite demandé au roi de jurer de « maintenir les Lois de Dieu et le vrai Évangile ». Mais la demande s’est faite bien plus précise :

« Voulez-vous, au mieux de votre pouvoir, maintenir dans le Royaume Uni la Religion Protestante Réformée établie par la loi ? Voulez-vous maintenir et préserver inviolée la place de l’Église d’Angleterre, sa doctrine, son culte, sa discipline et son gouvernement selon les lois établies en Angleterre ? Et voulez-vous préserver tous les droits et les privilèges que la loi accorde aux Évêques et au Clergé d’Angleterre ainsi qu’aux Églises confiées à leur charge, ou qui leur appartiennent à eux tous ou à l’un d’entre eux ? ».

Deux remarques :

  1. Le roi est aussi le chef de l’Église d’Angleterre. Ce qui implique qu’il la défende politiquement mais aussi théologiquement.
  2. Si l’Angleterre est anglicane, le Royaume Uni est protestant réformé, puisque l’Église d’Irlande (du Nord) et l’Église au Pays de Galles sont aussi anglicanes mais que l’Église d’Écosse est presbytérienne.

Un roi fidèlement protestant

Pour pouvoir devenir roi, Charles a dû « solennellement et sincèrement » « confesser, témoigner et déclarer » qu’il est « un Protestant fidèle » (« faithfull Protesant ») et qu’il va utiliser son pouvoir pour assurer « la succession protestante pour le Trône ».

Une remarque :

  1. Il n’y a pas d’examen qui permettent de vérifier que quelqu’un·e est non seulement protestant·e, mais fidèlement protestant·e. Celle ou celui qui dit l’être l’est. Surtout quand il doit devenir roi.

À quoi sert la prière? Post-scriptum aux besoins possibles

Deux heures après avoir mis en ligne mon billet « À quoi sert la prière? Quelques réponses possibles », j’ai eu une divine inspiration… sans même avoir eu besoin de prier. À la question « À quoi vous sert-il de prier? », j’ajoute donc encore deux réponses parmi les choix possibles:

  • À dire aux autres ce dont j’ai besoin, ce à quoi je m’engage.
  • À savoir ce dont les autres ont besoin, ce à quoi elles et ils s’engagent.