cène

De la théologie par le sport: communion avant baptême

Titre dans L’Équipe aujourd’hui:

Si je comprends bien l’article, l’équipe féminine de football de Benfica Lisbonne va jouer pour la première fois un quart de finale de la Ligue des Champions, ce qui représente son baptême. Avant cet événement, elles se sont rassemblées, regroupées, réunies, ont resserré leurs liens, ce qui est une communion.

L’ordre des mots du titre inverse la pratique chrétienne habituelle. Dans les Églises, le baptême – qui marque l’entrée dans le « peuple de Dieu » et aussi dans une Église particulière: catholique, orthodoxe, protestante, etc. – précède la communion, c’est-à-dire l’eucharistie ou la (sainte)-cène. En général, le baptême donne le droit de participer à la communion et donc de manger du pain ou l’hostie et, dans l’orthodoxie et le protestantisme, de boire du vin.

Je sais par expérience que cette condition n’est plus appliquée dans les Églises réformées. Elles invitent chacune et chacun à partager le « repas du Seigneur », sans aucune condition. De fait cette position valide le titre de L’Équipe. La communion précède le baptême. On commence par se rassembler, se regrouper, se réunir, et resserrer les liens avec Dieu, dans une communauté avant de célébrer un rite qui témoigne d’une confiance en Dieu et marque l’appartenance à une communauté.

Aurez-vous faim au moment de votre fin?

Dans le cadre d’un repas-science (5 tables de 7 convives, 4 plats et 5 chercheur·es ; chaque chercheur·e discute une thématique avec une table le temps de manger un plat) lors du Festival Histoire et Cité, j’ai proposé de partager nos expériences à propos des derniers repas avant nos fins personnelles. Pour lancer la conversation, j’ai proposé cinq images et posé cinq questions.

Je les partage sur mon blogue pour vous permettre de vous demander si vous aurez faim au moment de votre fin.


Cette installation en 3D de l’artiste suisse Daniel Spoerri (voir sa page sur Wikipédia) met en scène ce qui reste d’un repas après que les convives sont partis.

Daniel Spoerri, Aktion Restaurant Spoerri, 1972. Musée Cantonal des Beaux-Arts, Lausanne

Question 1 : Avez-vous déjà vécu un « repas de la fin de quelque chose » (voyage, travail, études, réunion, etc.) ? Quel était votre sentiment ?


Dans le projet No Seconds, le photographe néo-zélandais Henry Hargreaves (voir sa présentation sur son site) reconstitue les derniers repas de condamné à mort étatsunien·nes.

Assiette en aluminum contenant des tranches de pain, une que de homard, des crevettes et des clams, des frites et de la root beer
Henry Hargreaves, No Seconds, 2013 (https:///henryhargreaves.com)

Question 2 : Qu’aimeriez-vous manger lors d’un repas que vous sauriez être le repas de votre fin ? Pourquoi ces nourritures, ces plats ou ce menu ?


Il y a quelques années, je présentais l’idée de dernier repas et de ses nourritures symboliques à une professeure de gériatrie. Gentiment, elle m’a rappelé que selon toute vraisemblance, mon dernier repas consistera en une injection de solution sucrée ou salée.

Intraveineuse

Question 3 (soufflée par une convive du repas-science) : Le vrai repas de la fin n’est-il pas plutôt celui qui précède l’intraveineuse ? Accepteriez-vous que l’un·e de vos proches préfère la mort à ce mode d’alimentation ?


L’artiste majorquin Joan Costa (voir sa présentation sur son site) a imaginé le « sacré nettoyage » du lendemain de la dernière Cène que Jésus a partagé avec ses disciples. Tous les hommes sont partis, mais il reste des femmes à qui revient la tâche de nettoyer la salle

Joan Costa, Sacrata Neteja L’endemà, 2007. Col·legi de Gandia, Valence

Question 4 : Que faites-vous les lendemains des repas de la fin ? Comment vivez-vous le fait que la vie continue après que quelqu’un·e ou quelque chose est mort·e ?


Ce que l’on ingère peut parfois provoquer la mort. Et dans le cas d’un suicide, assisté ou non, quand la mort est planifiée, il devient possible d’organiser un repas de la fin, de choisir un menu, des convives, un cadre, etc.

Question 5 : Pouvez-vous imaginer organiser un repas de la fin pour vous ou pour un·e proche ? Avez-vous déjà participé à un tel repas ? Si l’on vous y invitait, y participeriez-vous ?


C’était déjà la troisième fois que l’Université de Lausanne me demandait de participer à une activité autour de la nourriture et de la mort. On peut retrouver des traces de mes deux précédentes interventions :

Vendredi 13 : un peu de culture chrétienne

Nos sociétés occidentales sont sans doute plus influencées par la culture chrétienne qu’elles ne le savent. Ainsi, que le vendredi 13 soit réputé jour de chance doit beaucoup au christianisme.

  • Le chiffre 13 porte malheur parce que 13 convives ont partagé la Cène, le dernier repas que Jésus a pris avant d’être arrêté, torturé et exécuté et que l’un d’eux, le treizième forcément, Judas exactement, a trahi Jésus.
  • Le vendredi est un jour de malheur, puisque Jésus est exécuté la veille d’un sabbat, donc un vendredi. Pour mémoire, en judaïsme, le jour commence à la tombée de la nuit.

Mais pourquoi deux malédictions vaudraient-elles une bénédiction ? De la même manière que deux négations s’annulent, que moins par moins égale plus et que les ennemi·es de mes ennemi·es sont mes ami·es.


P.S. Selon les évangiles, Judas joue de malchance puisqu’il est celui qui il se sert à manger au moment où Jésus déclare que celui qui plonge la main dans le plat en même temps que lui le trahira.

De la théologie pratique inspirée par Netflix

Netflix propose une série intitulé The Midnight Club. (Mike Flanagan, Leah Fong. The Midnight Club. Netflix, 2022). Elle raconte l’histoire de grands adolescent·es atteint·es de maladies incurables qui vivent ensemble dans une grande maison de soins palliatifs.

Chaque nuit, à minuit, les jeunes se retrouvent autour d’une table devant un feu de cheminée, ouvrent une bouteille de vin volée et portent un toast qui conviendrait parfaitement pour une Cène ou une Eucharistie chrétienne.

En anglais dans la version originale:

“To those before. To those after.

To us now and to those beyond.

Seen or unseen. Here or not here”

En français, selon ma traduction:

« À celles et ceux qui nous ont précédé·es.

À celles et ceux qui nous suivront.

À nous maintenant. À celles et ceux qui sont au-delà.

Visibles ou invisibles. Ici sans être ici. »

Cette formule me semble une excellente manière de dire aujourd’hui ce que la théologie nomme « communion des saint·es », c’est-à-dire cette intime conviction que la communion dépasse largement le cercle des gens présents.

Comment la cène protestante répare trois injustices

Mis au défi par un étudiant, j’ai compris que la cène – l’eucharistie protestante, pour fair court et simpliste – répare trois injustices :

  1. Alors que l’eucharistie catholique réserve le plus souvent le vin au seul prêtre, la cène protestante propose à chacun·e de le boire.
  2. Alors que le vin discrimine les enfants et les personnes abstinentes par motif éthique ou pour raison de santé, la cène protestante offre (aussi) du jus de raisin, sans alcool.
  3. Alors que le vin est parfois un produit étranger qu’il faut importer, la cène protestante valorise (aussi) des boissons locales : bière de mil, eau de coco, cidre, etc.

J’aime… le vin, le jus de raisin, la bière de mil, l’eau de coco, le cidre, etc. J’aime… la cène aussi !

Au culte protestant, mes ami·es!

Où peut-on rencontrer des gens connus et inconnus, passer deux heures dans un lieu historique, voir des bouquets, trembler pour une funambule, découvrir un texte vieux de 2000 ans, écouter un discours de motivation, du Bach et du Brel, de la flûte traversière et de l’orgue, chanter, manger du pain et boire du vin, faire un don pour aider les autres?

Où peut-on se sentir membre d’une communauté et se sentir béni?

Au culte protestant, mes ami·es!