Mis au défi par un étudiant, j’ai compris que la cène – l’eucharistie protestante, pour fair court et simpliste – répare trois injustices :
Alors que l’eucharistie catholique réserve le plus souvent le vin au seul prêtre, la cène protestante propose à chacun·e de le boire.
Alors que le vin discrimine les enfants et les personnes abstinentes par motif éthique ou pour raison de santé, la cène protestante offre (aussi) du jus de raisin, sans alcool.
Alors que le vin est parfois un produit étranger qu’il faut importer, la cène protestante valorise (aussi) des boissons locales : bière de mil, eau de coco, cidre, etc.
J’aime… le vin, le jus de raisin, la bière de mil, l’eau de coco, le cidre, etc. J’aime… la cène aussi !
Où peut-on rencontrer des gens connus et inconnus, passer deux heures dans un lieu historique, voir des bouquets, trembler pour une funambule, découvrir un texte vieux de 2000 ans, écouter un discours de motivation, du Bach et du Brel, de la flûte traversière et de l’orgue, chanter, manger du pain et boire du vin, faire un don pour aider les autres?
Où peut-on se sentir membre d’une communauté et se sentir béni?
Me promenant dans le cimetière de Colombes (Hauts-deSeine, France), j’ai repéré une tombe offrant une troublante ressemblance avec la couverture que j’ai choisie pour l’ouvrage collectif Esprit du vin, esprit divin (à partir d’un tableau de Jean-Pierre Laÿs, Vigne à la croix (1862), exposé au musée des beaux-arts de Lyon. Jugez vous-mêmes!
Parmi mes recherches, l’une me tient particulièrement à cœur, celle que je mène sur les Cènes médiévales et les aliments qui y sont représentés. Plusieurs pages de mon blogue en rendent compte (par exemple sur mon blogue La Cène: Moyen Âge ou Quels aliments figurent sur les images médiévales de la Cène? ou La Cène: Images et analyse); ou l’article écrit avec Nancy Labonté: Le Cenacolo de Leonardo da Vinci: un trompe-la-bouche). Je m’y concentre sur l’Europe latine, une région culturelle déjà très vaste. Mais je regrette d’être trop européocentriste. Alors, pour compenser un peu, je présente aujourd’hui deux Cènes égyptiennes.
La première pourrait être l’une des plus anciennes représentations de la Cène connue à ce jour (on admet généralement que la Cène la plus ancienne est une mosaïque de Ravenne en Italie datée du début du 6e siècle)
« Portion of a roundel of linen embroidered with coloured silks, depicting the Last Supper. A curved band, issuing from anobject now unintelligible, touches the halo of one of the figures. The ground is green. There is a border of heart-shaped flowers and rosettes. The roundel has been stitched to a linen tunic, a fragment of which remains. »
Un groupe d’hommes noirs jeunes et vieux – cheveux noirs et cheveux blancs – sont à table bien alignés, une main sagement posée sur cette même table. Ils semblent attendre de pouvoir manger les neuf galettes disposées devant eux et de se partager l’unique poisson sur le plat. Un serviteur porte une amphore; peut-être qu’il leur apporte du vin? Mais alors, ils n’auraient rien pour le boire.
La seconde figure dans un évangéliaire copte. C’est la sixième enluminure de l’évangile de Matthieu.
« La dernière Cène: Le Christ est représenté sur la gauche tenant dans la main droite un calice d’or. Les apôtres sont assis à la turque auprès d’une table ronde chargée de quatre plats ou pains. Inscription arabe (voir ill. pleine page) : la manducation du pain. »
Au moins 10 personnages – leurs habits, quelques barbes laissent penser que ce sont des hommes – sont assis par terre, face à leur maître assis lui aussi, mais assis quant à lui sur un siège qui indique son autorité. Quatre galettes sont posées sur une table basse; vont-ils les manger? Et le maître tient une coupe qui ne doit pas être remplie jusqu’au bord, sinon le liquide coulerait. Va-t-il boire? Va-t-il leur donner à boire?