Dieu

Un signe de la perte de culture chrétienne

Dans le quotidien français Libération, Bernadette Sauvaget propose un bel article sur les funérailles de Joseph Razinger, jadis pape sous le nom de Benoît XVI, (« Aux funérailles de Benoît XVI, l’hommage sobre de François ». J’en tire un court extrait:

Que la rédaction juge utile de préciser que le « Père », avec une majuscule, renvoie à Dieu signale de manière particulièrement évidente la perte d’une culture chrétienne.

Je ne juge pas, je constate. Et comme théologien habitué à m’exprimer dans les médias et sur les réseaux sociaux, je prends note.


À propos de la théologie de Joseph Ratzinger, on peut lire ma série d’articles:

Et à propos du destin post mortel d’un pape, on peut lire mon billet: Le sang de Jean-Paul II à Montréal

Pourquoi est-ce « à ce moment-là » que Dieu a montré qui il était ?

D’où que viennent les étudiant·es, de théologie ou d’autres facultés, ielles apportent dans mes cours leurs savoirs, leurs expériences, leur curiosité et parfois leur naïveté. Ielles me font réfléchir, me font grandir.

Ainsi, alors que je présente comment on conçoit Dieu en Polynésie et en Océanie, un étudiant en géosciences me demande : « Pourquoi Dieu s’est-il révélé à ce moment-là ? », « à ce moment-là » valant pour « vers les années 3750-3800 du calendrier juif, au temps de la vie et de la mort de Jésus ». Il me prend de court ; je ne sais pas que dire. Mais comme je trouve sa question pertinente, je réfléchis et je profite de mon blogue pour répondre, en mêlant ce que je sais et ce que je crois.

  1. Dieu ne s’est pas seulement révélé « à ce moment-là ». Je ne suis pas assez sectaire pour penser que Dieu n’est révélé·e que par Jésus. Dieu a aussi montré qui était Dieu avant, après, ailleurs. Et je suis assez sage pour savoir que différentes personnes dans différentes époques et différentes cultures ont une perception différente de ce « que Dieu est », s’en font des images diverses, lui attribuent des qualités variées. Juste un exemple : « Dieu » n’est Dieu que pour les francophones ; pour d’autres, il s’appelle God, Dio, Te Atua, Allah; d’autres ne l’appellent tout simplement pas.
  2. Seules certaines personnes croient que Dieu s’est révélé « à ce moment-là ». Pas celles et ceux qui ne croient pas qu’il existe un Dieu. Pas celles et ceux qui croient que Dieu ne se révèle pas. Pas non plus celles et ceux qui croient que Dieu s’est révélé à un autre moment. Seul·es les chrétien·es croient que c’est « à ce moment-là » que Dieu se révèle, « à ce moment-là » seulement ou « à ce moment-là » surtout ou « à ce moment-là » aussi.
  3. Quelles sont les spécificités de cette révélation « à ce moment-là » ? Si l’on croit que Dieu s’est révélé·e dans la vie et la mort d’un homme nommé Jésus, si l’on croit que Dieu l’a fait « Christ » — « oint d’huile », une onction qui marque sa royauté et sa sainteté donc sa divinité —, c’est dans la vie de cet homme qu’il faut chercher Dieu. On ne sait presque rien de ce que Jésus a dit ou a fait. Mais on dit qu’il respectait celles et ceux que d’autres traitaient avec mépris, avec dégoût, avec condescendance. Mais on dit qu’il a évoqué un nouveau monde plein d’amour. Mais on dit même qu’il a rendu ce monde possible.

Les cours sont maintenant presque terminés. Mais il me reste une leçon pour répondre à la question de l’étudiant en géosciences. Mardi prochain, je lui dirai que Dieu ne s’est pas révélé « à ce moment-là ». Mais qu’« à ce moment-là », certaines personnes ont eu une intuition : ce que disait Jésus pouvait bien être la parole de Dieu ; ce que Jésus faisait pouvait bien être ce que Dieu voulait. Ielles ont cru que Dieu s’était révélé·e. Et ielles à leur tour ont révélé Dieu en redisant ce que Jésus leur avait dit en refaisant ce que Jésus leur avait fait.

Juste quant à la mobilité, discutable quant à la théologie

Aujourd’hui, j’ai vu cette affiche de publicité pour « Dieu », « la Bible » et/ou « la foi chrétienne ».

Vu à Lausanne le 24 mars 2022

Du point de vue de la mobilité, le slogan est incontestablement juste. Si je m’approche de Dieu, il sera forcément plus proche de moi. À moins qu’il ne s’éloigne plus vite que je ne m’approche. Mais un bon Dieu ne ferait pas ça, voyons!

Est-ce que le slogan fonctionne aussi théologiquement? Pas dans ma théologie. Dieu·e fait toujours le premier pas. Ielle commence par s’approcher de moi. Et c’est ainsi que je me retrouve plus près d’elle ou de lui. Et c’est ce qui le rend bon ou la rend bonne.


Pour mémoire, l’agence C organise des campagnes de pub, surtout autour de Pâques et de Noël me semble-t-il, Le graphisme est toujours le même, les slogans sont inspirés des textes bibliques, avec cette seule signature: « La Bible ».

L’intérêt théologique de la série « La vie de JC » – L’intégrale

La RTS ayant choisi de diffuser l’intégrale de La vie de JC le premier jour de l’an, je propose ce lundi l’intégralité de mon décryptage des 20 épisodes, réunies dans un livre gratuit et en libre accès sur Serval, le serveur académique vaudois:

Bauer, Olivier. L’intérêt théologique de la vie de JC. Lausanne: Institut lémanique de théologie pratique, 2022.

Vous y trouverez les liens pour visionner en ligne tous les épisodes (disponibles en Suisse seulement).

« L’intégrale » (1er janvier 2022)

Depuis le 18 septembre 2021, la Télévision suisse romande diffuse une série parodique en 20 épisodes — un « Kaamelott évangélique suisse » — intitulée La vie de JC :

Le théologien du quotidien décrypte chaque lundi l’intérêt théologique de l’épisode diffusé le samedi précédent (voir la page « La vie de JC »).

« Retrouvez l’intégral de tous les épisodes autour de J.C. On y retrouve les apôtres Pierre, Simon et Judas, ainsi que Marie, Marie-Madeleine, Ponce Pilate, Jean-le-Baptiste. Personnages caricaturaux et scènes courtes, chaque épisode aborde avec légèreté et humour les grandes histoires autour de la vie de JC. »


  1. Medicine Man (18 septembre 2021)
  2. L’apprenti paraboliste (25 septembre 2021)
  3. Maman (2 octobre 2021)
  4. Judas Guevara (9 octobre 2021)
  5. Transversalité (16 octobre 2021)
  6. Le baptême de Jean-Ba’ (23 octobre 2021)
  7. Le possédé (6 novembre 2021)
  8. Don Corléus (13 novembre 2021)
  9. J.C. marche sur l’eau (20 novembre 2021)
  10. Romance à Tibériade (27 novembre 2021)
  11. L’autre joue (4 décembre 2021)
  12. L’apprenti paraboliste II (11 décembre 2021)
  13. Dieu est humour (18 décembre 2021)
  14. L’intégrale (1er janvier 2022)

Voir aussi sur mon blogue la page « La vie de JC » pour découvrir des critiques positives et négatives de la série.

L’intérêt théologique de la série « La vie de JC » – Dieu est humour

Depuis le 18 septembre 2021, la Télévision suisse romande diffuse une série parodique en 20 épisodes — un « Kaamelott évangélique suisse » — intitulée La vie de JC :

Le théologien du quotidien décrypte chaque lundi l’intérêt théologique de l’épisode diffusé le samedi précédent (voir la page « La vie de JC »).

« Dieu est humour » (18 décembre 2021)

Voir l’épisode sur le site de Couleur 3 (en Suisse seulement): https://youtu.be/Sfwj3kgCyik

« Pierre est taraudé par une question : comment ça se passe lorsque Dieu parle à J.C. ? Est-ce que cela provoque des tremblements ? Des guilis ? J.C. tente de lui expliquer, mais Dieu lui-même décide d’inter­venir. Hélas… »

Ma vision

Seul avec JC, Pierre cherche à comprendre comment « il » s’adresse à lui. Qu’est-ce que JC ressent ? Un bourdonnement, un picotement ? Où est-ce que ça se passe ? Dans sa tête ou « uniquement au niveau de l’épaule ? » Et si « il » parle, en quelle langue le fait-il ? Avec quel accent ?

Pour prouver la réalité de sa manifestation, Dieu lui fait une blague ; par la bouche de JC, il lui commande de tenir une outre pleine d’eau au-dessus de sa tête, une outre qu’il fait aussitôt exploser.

L’intérêt théologique ?

  • Un plus

Les questions de Pierre sont légitimes ; nous aimerions savoir comment Dieu parle ; mais il est impossible d’y répondre. D’expérience et de connaissance, je crois que la parole de Dieu est rarement spectaculaire ; elle s’entend surtout dans une voix intérieure ou dans la parole d’un·e autre. La Bible juive dit même que c’est en silence qu’il parle le mieux.

  • Un moins

Il n’est pas vrai que le Dieu du christianisme parle seulement à quelques personnes privilégiées ; il parle à toutes et à tous, mais certain·es sont plus à l’écoute que d’autres ; mais certaines circonstances de la vie incitent mieux à se mettre à l’écoute ; mais certains discours sont plus audibles que d’autres.

  • Un malus

JC dit à propos de Dieu : « Je suis désolé. Des fois, il a un humour de merde ». Mais cela pourrait aussi — et plutôt ? — s’appliquer au scénariste…


  1. Medicine Man (18 septembre 2021)
  2. L’apprenti paraboliste (25 septembre 2021)
  3. Maman (2 octobre 2021)
  4. Judas Guevara (9 octobre 2021)
  5. Transversalité (16 octobre 2021)
  6. Le baptême de Jean-Ba’ (23 octobre 2021)
  7. Le possédé (6 novembre 2021)
  8. Don Corléus (13 novembre 2021)
  9. J.C. marche sur l’eau (20 novembre 2021)
  10. Romance à Tibériade (27 novembre 2021)
  11. L’autre joue (4 décembre 2021)
  12. L’apprenti paraboliste II (11 décembre 2021)
  13. Dieu est humour (18 décembre 2021)

L’intérêt théologique de la série « La vie de JC » – JC marche sur l’eau

Depuis le 18 septembre 2021, la Télévision suisse romande diffuse une série parodique en 20 épisodes — un « Kaamelott évangélique suisse » — intitulée La vie de JC :

Le théologien du quotidien décrypte chaque lundi l’intérêt théologique de l’épisode diffusé le samedi précédent (voir la page « La vie de JC »).

« J.C. Marche sur l’eau » (20 novembre 2021)

« J.C. est sur la barque de Pierre et Simon. Dieu lui parle et lui ordonne de marcher sur l’eau pour montrer au monde qu’avec la foi, rien n’est impossible. Mais les voies du Seigneur sont impénétrables… »

Ma vision

Si les voies du Seigneur sont impénétrables, l’eau n’est pas suffisamment porteuse pour qu’on y marche dessus. JC en fait l’humide expérience à trois reprises. Tout ça parce qu’une voix off, une voix qu’il identifie comme celle de son père, le lui suggère fortement puis ordonne impérieusement. Si JC accepte de tenter le coup, c’est un peu par confiance – « rien n’est impossible en s’appuyant sur la foi » – et beaucoup parce qu’une « foi qui permet de marcher sur les eaux » serait « spectaculaire », serait « un symbole fort ».

L’intérêt théologique ?

  • Un plus

En proposant une critique radicale du christianisme et de la confiance en Dieu, cette épisode me paraît le plus féroce de la série.

Critique radicale de la confiance en Dieu, puisque trois fois Jésus compte sur son père et que trois fois sa confiance est trahie. Critique radicale du christianisme, puisque la toute petite foule et les deux disciples applaudissent sans avoir rien compris : « Tu sais ce qu’il fait ? Non, mais ça doit avoir un sens. Oui, je pense. »

Qu’on me comprenne bien. Cette critique radicale est un plus ! Car nous devons aimer Dieu de tout notre cœur mais aussi de toute notre pensée. Foi et raison, croire et comprendre. Que ce soit comme pasteur ou comme professeur de théologie, je forme des gens à réfléchir ce qu’ils croient, j’encourage des personnes à penser par elles-mêmes, y compris contre les autorités religieuses, Bible comprise.

  • Un moins

Si Dieu fait des « petites farces » pour pousser l’être humain à changer – Job et Jonas et peut-être même Abraham peuvent en témoigner –, celle qu’il fait à JC me semble totalement gratuite. Or, dans la culture biblique, c’est Satan qui aime humilier ses victimes, pas Dieu.


  1. Medicine Man (18 septembre 2021)
  2. L’apprenti paraboliste (25 septembre 2021)
  3. Maman (2 octobre 2021)
  4. Judas Guevara (9 octobre 2021)
  5. Transversalité (16 octobre 2021)
  6. Le baptême de Jean-Ba’ (23 octobre 2021)
  7. Le possédé (6 novembre 2021)
  8. Don Corléus (13 novembre 2021)
  9. J.C. marche sur l’eau (20 novembre 2021)