alimentation

Comment faire penser à Dieu 20’000 fois par jour?

J’explique souvent l’intérêt des religions pour l’alimentation par le fait que se nourrir est un besoin vital et que beaucoup le satisfont plus ou moins 3 fois par jour. Lier alimentation et religion, c’est donc contraindre ou permettre de réfléchir son rapport à Dieu, à soi, aux autres, à l’environnement chaque jour et même plusieurs fois par jour. Je viens de réaliser qu’il y a plus efficace que l’alimentation. Il est un autre besoin plus vital que se nourrir, un besoin que l’on satisfait environ 7’000 fois plus souvent. C’est respirer. Quand une religion ou une spiritualité s’intéresse au souffle, elle donne la chance de réfléchir son rapport à Dieu, à soi, aux autres, à l’environnement tous les jours et même 20’000 fois par jour pour les adultes, 36’000 fois par jour pour les enfants et 65’000 fois par jour pour les nourrissons. C’est plus et c’est mieux.

 

Le bagel, 100% juif et 100% montréalais

Profitant d’un congé scientifique, je participe au cours Cultures et patrimoines alimentaires : enjeux et opportunités donné par la professeure Julia Csergo (voir sa page personnelle) à l’Université du Québec à Montréal. J’ai l’occasion d’y partager mes recherches sur les patrimoines alimentaires des religions.


Pour présenter le bagel et pour rappeler qu’il est tout à fait possible d’être 100% juif et 100% montréalais, je reprends le diaporama que j’ai présenté aux étudiant·es.

Diaporama modifié le 13 mars 2024


Dans la même série:

L’hostie, une passion québécoise

Profitant d’un congé scientifique, je participe au cours Cultures et patrimoines alimentaires : enjeux et opportunités donné par la professeure Julia Csergo (voir sa page personnelle) à l’Université du Québec à Montréal. J’ai l’occasion d’y partager mes recherches sur les patrimoines alimentaires des religions.


Pour présenter l’hostie et pour promouvoir son inscription au patrimoine immatériel du Québec ou à son matrimoine, je reprends le diaporama que j’ai présenté aux étudiant·es.


    Dans la même série:

    Matrimoine et patrimoine

    Profitant d’un congé scientifique, je participe au cours Cultures et patrimoines alimentaires : enjeux et opportunités donné par la professeure Julia Csergo (voir sa page personnelle) à l’Université du Québec à Montréal. J’ai l’occasion d’y partager mes recherches sur les patrimoines alimentaires des religions.


    Quand Gilbert Coutaz fait de l’histoire de l’humanité vue « dans le miroir des femmes » un matrimoine plutôt qu’un patrimoine, il me convainc pleinement (Coutaz, G. Féminisme et « matrimoine ». Le Temps, 18 janvier 2024, p. 2). En même temps, il me donne envie de m’arrêter un peu plus longuement sur ce riche concept de « matrimoine ». Car parler de matrimoine n’est pas seulement adopter un point de vue féministe, c’est aussi remettre en cause quelques idées reçues sur ce qu’est le « patrimoine ».

    Pour mémoire, en 1972, l’UNESCO adopte une Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel ; en 1992, elle y inclut trois Catégories de paysages culturels ; en 2006, elle lui ajoute une Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Ces trois moments jalonnent l’histoire du « patrimoine » et l’élargissent clairement. Aujourd’hui, l’UNESCO reconnaît à la fois des artefacts matériels — la Suisse compte 13 inscriptions sur la Liste du patrimoine mondial, les trois premières inscrites en 1983 : l’« Abbaye de St-Gall », le « Couvent bénédictin Saint-Jean-des-Sœurs à Müstair » et la « Vieille ville de Berne » (voir les inscriptions de la Suisse)— et des expressions culturelles — 10 inscriptions helvétiques sur les Listes du patrimoine culturel immatériel, la dernière en date étant « la saison d’alpage » inscrite en 2023 (voir les inscriptions de la Suisse).

    La distinction entre patrimoine matériel et immatériel fait sens ; on comprend que la Zytglogge de Berne et la Poya d’Estavannens sont deux choses différentes ; elles réclament des mesures différentes pour qu’elles perdurent, respectivement pour que l’une soit protégée et l’autre sauvegardée. Elle me semble pourtant insuffisante. La « saison d’alpage » est-elle vraiment immatérielle ? Certes, elle est une « expérience socioculturelle partagée » — une réalité éminemment immatérielle —, mais elle implique aussi des éléments totalement matériels, depuis les chalets jusqu’aux chaudrons et tranche-caillé, en passant par les téléphériques.

    C’est ici que le concept de « matrimoine » peut s’avérer fécond. On le doit pour une bonne part à l’ethnologue étatsunienne Ellen Hertz, professeure à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel ; adoptant une perspective féministe et postcoloniale, elle écrit en 2002 dans l’ouvrage collectif Le musée cannibale (GHK Éditions), un chapitre précisément intitulé « Le matrimoine » ; elle y fait l’histoire du concept, souligne le discrédit dont il est victime et montre tout l’intérêt de l’appliquer aux « collections ethnographiques » pour changer la perception qu’un « nous » occidental, blanc et peut-être universitaire s’en fait (Hertz, E. Le matrimoine. In M.-O. Gonseth, J. Hainard, & R. Kaehr (Éds.), Le musée cannibale (p. 153‑168). Musée d’ethnographie, 2002).

    Mais qu’est-ce qui différencie le matrimoine du patrimoine ? Quelques recherches aident à le comprendre : l’anthropologue Hélène Claudot-Hawad l’a utilisée pour reconnaître le statut des biens des Touaregs du Sahara, des biens collectifs, indivis, inaliénables, dont seul l’usage peut être personnel ; la sociologue Anny Bloch pour redonner aux femmes la part qui leur revient dans la transmission d’une cuisine juive alsacienne ; l’architecte Michel Clivaz pour affirmer la réalité des mondes conceptuels, comme des projets d’urbanisme jamais mis en œuvre ; comme théologie, je l’ai reprise pour montrer qu’au Québec l’hostie est un bien collectif — consommée aussi comme goûter, elle est plus achetée dans un supermarché que reçue dans l’eucharistie — associé à deux imaginaires, celui de la théologie catholique qui en fait le corps du Christ et celui de la culture québécoise qui l’utilise comme juron (Bauer, O. Le mot et la chose, l’hostie dans le matrimoine du Québec. Journal of Religion and Popular Culture, 21, 2010).

    Je sais les risques que l’usage d’un concept comme « matrimoine » fait courir ; il renforce notamment des stéréotypes néfastes de genre ; il peut par exemple associer au patrimoine, masculin comme le père, ce qui possède une valeur marchande et au matrimoine, féminin comme la mère, ce qui ne peut ni s’acheter ni se vendre. Mais reconnaître un matrimoine en plus du patrimoine et « matrimonialiser » des artefacts matériels et des expressions culturelles changerait le regard porté sur le patrimoine. Comme le signalait Gilbert Coutaz, il permettrait effectivement de reconnaître la place et le rôle des femmes dans l’histoire et dans la société. Mais il permettrait aussi de reconnaître la valeur de biens collectifs, de biens en devenir ou en gestation, comme un enfant dans la matrice maternelle — ; enfin, il permettrait de prendre en compte les mondes imaginaires que même les artefacts matériels évoquent ou qu’ils créent.


      Dans la même série:

      “Je dois cuisiner un repas. Qu’aurait fait Jésus?” (Théologie ChatGPT #3)

      Après l’anglais (voir mon billet “I need to cook a meal. What would Jesus do?” (ChatGPT Theology #2) , j’ai posé à l’IA générative la même question mais en français: « Je dois cuisiner un repas. Qu’aurait fait Jésus? ». Voici la réponse:

      « Il est difficile de dire exactement ce que Jésus aurait cuisiné, car les détails spécifiques sur ses goûts culinaires ne sont pas mentionnés dans les écrits bibliques. Cependant, étant donné qu’il vivait en Palestine au 1er siècle, il est probable qu’il ait consommé des aliments typiquement disponibles dans la région à cette époque.

      Certains aliments communs dans la cuisine de cette époque comprenaient le pain, le poisson, les légumes, les fruits, l’agneau et le vin. Jésus est également connu pour avoir partagé des repas avec ses disciples et le peuple, et pour avoir participé à des festins lors de rassemblements religieux.

      Vous pourriez donc envisager de cuisiner un repas simple à base de ces ingrédients, en vous inspirant de la cuisine méditerranéenne de l’époque. Par exemple, vous pourriez préparer du pain fait maison, accompagné d’une salade de légumes frais et de poisson cuit au four. N’oubliez pas d’ajouter des fruits et du vin pour compléter le repas.

      Cependant, il est important de se rappeler que la religion et la nourriture sont des sujets sensibles pour certains, donc si vous préparez un repas pour une personne qui a des restrictions alimentaires ou des croyances spécifiques, il est préférable de prendre cela en compte lors de la planification de votre repas. »

      La réponse francophone est très différente de la réponse anglophone. Hasard ou biais culturel, elle parle plus de cuisine et d’aliments que la version anglophone?

      Comme professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne, je trouve la réponse bonne. Je relève quand-même un détail. Alors que le second paragraphe évoque « des festins » auquel Jésus aurait participé (les noces de Cana?), le troisième paragraphe suggère de « cuisiner un repas simple ». Pourquoi ne pas suggérer aussi de cuisiner ces festins?

      Comme dans la version anglophone, j’apprécie que la réponse se termine par la mention des restrictions alimentaires (allergie, intolérance?) et des croyances (religieuses et éthiques?). En laissant libre de manger de tout, le christianisme permet aussi de se priver pour accueillir chacune et chacun à sa table et pour s’asseoir à d’autres tables.

      https://talkai.info/fr/chat/ (28 décembre 2023)

      Sur la théologie de Chat GPT, voir aussi:

      Sur les préférences alimentaires de Jésus, voir mon billet Mon Jésus? Un ivrogne et un glouton!

      Ce que la Bible dit de l’alimentation

      En primeur, je partage sur mon blogue quelques citations bibliques que j’ai sélectionnées pour la journée L’Alimentation dans tous ses états (pour en savoir plus sur cette activité, voir mon billet Mon programme en septembre…« ).

      Bible juive (selon la Bible du rabbinat)

      Dans la Bible hébraïque, je souligne cette évolution d’une alimentation végétarienne vers une alimentation carnivore, enfin limitée:

      • « Dieu ajouta : “Or, je vous accorde tout herbage portant graine, sur toute la face de la terre, et tout arbre portant des fruits qui deviendront arbres par le développement du germe. Ils serviront à votre nourriture. Et aux animaux sauvages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui se meut sur la terre et possède un principe de vie, j’assigne toute verdure végétale pour nourriture.” » Genèse 1, 29-30
      • « Tout ce qui se meut, tout ce qui vit, servira à votre nourriture ; de même que les végétaux, je vous livre tout. Toutefois aucune créature, tant que son sang maintient sa vie, vous n’en mangerez. » Genèse 9, 3-4
      • « Voici les animaux dont vous pouvez manger : le bœuf, le menu bétail, brebis et chèvre ; le cerf, le chevreuil, le daim, le bouquetin, l’antilope, l’aurochs, le zémer. Bref, tout quadrupède qui a le pied corné et divisé en deux ongles distincts, parmi les animaux ruminants, vous pouvez le manger. Mais vous ne mangerez point les suivants, qui ruminent ou qui ont l’ongle fendu seulement : le chameau, le lièvre, la gerboise (car ils ruminent, mais n’ont pas l’ongle fendu : ils seront impurs pour vous) ; ni le porc, parce qu’il a l’ongle fendu, mais ne rumine point : il sera impur pour vous. Ne mangez point de leur chair, et ne touchez point à leur cadavre. Voici ceux que vous mangerez, entre les animaux aquatiques : tout ce qui a des nageoires et des écailles, vous pouvez le manger ; mais tout ce qui est privé de nageoires et d’écailles, vous n’en mangerez point : c’est impur pour vous. Tout oiseau pur, vous pouvez le manger. Voici ceux que vous ne mangerez point : l’aigle, l’orfraie, la valérie ; le faucon, le vautour, l’autour selon ses espèces ; tous les corbeaux selon leurs espèces ; l’autruche, l’hirondelle, la mouette, l’épervier selon ses espèces ; le hibou, la hulotte, le porphyrion ; le pélican, le percnoptère, le cormoran ; la cigogne, le héron selon ses espèces, le tétras et la chauve-souris. Tout insecte ailé sera impur pour vous, l’on n’en mangera point ; mais tout volatile pur, vous pourrez le manger. Vous ne mangerez d’aucune bête morte : donne-la à manger à l’étranger admis dans tes murs, ou vends-la à ceux du dehors, car tu es un peuple consacré à l’Éternel, ton Dieu. Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère. » Deutéronome 14, 4-21

      Un appel à la solidarité:

      • « Si tu témoignes ta bienveillance à l’affamé et rassasies celui qui est torturé par le besoin, ta lumière brillera au milieu des ténèbres, et ta nuit sera comme le plein midi. » Isaïe 58, 10

      Une valorisation du vin et une crainte de l’ivresse:

      • « Le vin qui réjouit le cœur des mortels, l’huile qui fait resplendir les visages, le pain enfin qui fortifie le cœur de l’homme. » Psaume 104, 15
      • « Moqueur est le vin, bruyante la boisson fermentée : qui s’en laisse troubler manque de sens. » Proverbes 20, 1

      Et cette conviction que les convives comptent plus que le plat:

      • « Mieux vaut un plat de choux, quand on s’aime, qu’un bœuf gras quand on se hait. » Proverbes 15, 17

      Nouveau Testament (selon la Bible en français courant)

      Dans le Nouveau Testament, je relève cette confiance en Dieu, dans sa volonté de et sa capacité à nourrir ses enfants:

      • « Regardez les corbeaux : ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’ont ni cave à provisions ni grenier, mais Dieu les nourrit ! » Luc 12, 24

      Avec cependant un regard lucide mais teinté d’espoir sur la réalité:

      • « Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous aurez de la nourriture en abondance ! » Luc 6, 21

      D’où cette demande:

      • « Donne-nous chaque jour le pain dont nous avons besoin. » Luc 11, 3

      Et cette exigence:

      • « Supposez qu’un frère ou une sœur n’aient pas de quoi se vêtir ni de quoi manger chaque jour. À quoi cela sert-il que vous leur disiez : “Allez en paix, portez-vous bien ; habillez-vous chaudement et mangez à votre faim !” si vous ne leur donnez pas ce qui est nécessaire pour vivre ? » Jacques 2, 15-16

      Enfin et surtout, l’abandon de toutes les limites que la religion pourrait poser à l’alimentation:

      • « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche d’une personne qui la rend impure. Mais ce qui sort de sa bouche, voilà ce qui la rend impure. » […] « Ne comprenez-vous pas que tout ce qui entre dans la bouche d’une personne passe dans son ventre pour être ensuite éliminé ? » Matthieu 15, 11+17