foi

L’intérêt théologique de la série « La vie de JC » – JC marche sur l’eau

Depuis le 18 septembre 2021, la Télévision suisse romande diffuse une série parodique en 20 épisodes — un « Kaamelott évangélique suisse » — intitulée La vie de JC :

Le théologien du quotidien décrypte chaque lundi l’intérêt théologique de l’épisode diffusé le samedi précédent (voir la page « La vie de JC »).

« J.C. Marche sur l’eau » (20 novembre 2021)

« J.C. est sur la barque de Pierre et Simon. Dieu lui parle et lui ordonne de marcher sur l’eau pour montrer au monde qu’avec la foi, rien n’est impossible. Mais les voies du Seigneur sont impénétrables… »

Ma vision

Si les voies du Seigneur sont impénétrables, l’eau n’est pas suffisamment porteuse pour qu’on y marche dessus. JC en fait l’humide expérience à trois reprises. Tout ça parce qu’une voix off, une voix qu’il identifie comme celle de son père, le lui suggère fortement puis ordonne impérieusement. Si JC accepte de tenter le coup, c’est un peu par confiance – « rien n’est impossible en s’appuyant sur la foi » – et beaucoup parce qu’une « foi qui permet de marcher sur les eaux » serait « spectaculaire », serait « un symbole fort ».

L’intérêt théologique ?

  • Un plus

En proposant une critique radicale du christianisme et de la confiance en Dieu, cette épisode me paraît le plus féroce de la série.

Critique radicale de la confiance en Dieu, puisque trois fois Jésus compte sur son père et que trois fois sa confiance est trahie. Critique radicale du christianisme, puisque la toute petite foule et les deux disciples applaudissent sans avoir rien compris : « Tu sais ce qu’il fait ? Non, mais ça doit avoir un sens. Oui, je pense. »

Qu’on me comprenne bien. Cette critique radicale est un plus ! Car nous devons aimer Dieu de tout notre cœur mais aussi de toute notre pensée. Foi et raison, croire et comprendre. Que ce soit comme pasteur ou comme professeur de théologie, je forme des gens à réfléchir ce qu’ils croient, j’encourage des personnes à penser par elles-mêmes, y compris contre les autorités religieuses, Bible comprise.

  • Un moins

Si Dieu fait des « petites farces » pour pousser l’être humain à changer – Job et Jonas et peut-être même Abraham peuvent en témoigner –, celle qu’il fait à JC me semble totalement gratuite. Or, dans la culture biblique, c’est Satan qui aime humilier ses victimes, pas Dieu.


  1. Medicine Man (18 septembre 2021)
  2. L’apprenti paraboliste (25 septembre 2021)
  3. Maman (2 octobre 2021)
  4. Judas Guevara (9 octobre 2021)
  5. Transversalité (16 octobre 2021)
  6. Le baptême de Jean-Ba’ (23 octobre 2021)
  7. Le possédé (6 novembre 2021)
  8. Don Corléus (13 novembre 2021)
  9. J.C. marche sur l’eau (20 novembre 2021)

Désolé la Bible, il n’y a pas de temps pour tuer

Dans une réunion d’Eglise, j’ai entendu ce texte tiré du livre biblique du Qohélet ou de l’Ecclésiaste comme il est traditionnellement nommé en christianisme.

« 1 Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel : 2 un temps pour enfanter et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher le plant, 3 un temps pour tuer et un temps pour guérir, un temps pour saper et un temps pour bâtir, 4 un temps pour pleurer et un temps pour rire, un temps pour se lamenter et un temps pour danser, 5 un temps pour jeter des pierres et un temps pour amasser des pierres, un temps pour embrasser et un temps pour éviter d’embrasser, 6 un temps pour chercher et un temps pour perdre, un temps pour garder et un temps pour jeter, 7 un temps pour déchirer et un temps pour coudre, un temps pour se taire et un temps pour parler, 8 un temps pour aimer et un temps pour haïr, un temps de guerre et un temps de paix. » Qohélet 3, Traduction œcuménique de la Bible

En général, j’aime bien le Qohélet et sa théologie un peu désabusée, si peu religieuse. Mais là, je dis non. Je ne dis pas non au texte dans son entier — j’aime cette alternance des temps —, mais je dis non au verset 3. Il n’y a pas de temps pour tuer. Il ne peut pas y avoir de temps pour tuer. Il ne doit pas y avoir de temps pour tuer.

Ce qui est écrit est écrit. Et Qohélet est responsable de son texte. Visiblement, il y a eu un temps où l’on a cru qu’il y avait un temps pour tuer. Et visiblement, il y a eu un temps où l’on a pensé que l’expression « il y a un temps pour tuer » méritait de figurer dans la Bible.

Mais comment dans une réunion d’Église au 21e siècle peut-on lire tranquillement, lire religieusement ce texte avec le verset 3? Comment dans une réunion d’Église peut-on écouter tranquillement, écouter religieusement ce texte avec le verset 3? Croit-on vraiment qu’il y ait un temps pour tuer? Et si oui, va-t-on en pofiter ? Suffit-il qu’une phrase figure dans la Bible pour qu’on la lise sans aucun sens critique?

Dans cette réunion d’Église, j’ai craqué. J’ai dit mon désaccord et mon désarroi. Je ne suis pas sûr d’avoir suscité autre chose que de l’incompréhension ou de la condescendance. D’où cet article sur mon blogue.


À propos de mes doutes sur l’autorité de la Bible, on peut lire ma prédication « La Bible ne parle pas, la Bible ne dit rien ».

On sait en qui croient les Suisse·sses

Publicité pour le fromage Tilsit: un chien saint-bernard portant un tonneau avec un drapeau suisse avec cette légende: "Notre sauveur".
Vu à Lausanne le 27 avril 2021. (c) Olivier Bauer

Par contre, on ne sait pas s’ielles communient avec du fromage…


Au risque de gâcher tout mon effet, je me dois de contextualiser cet article. On raconte que les moines de l’hospice du Grand-Saint-Bernard (située à 2473 mètres d’altitude sur un col entre le Valais et la Vallée d’Aoste) utilisait des chien·nes pour sauver les personnes égarées. On raconte aussi que les chien·nes portaient autour du cou un tonneau plein d’alcool pour permettre de revigorer sans délai les personnes retrouvées. On raconte enfin que le chien Barry aurait été le plus grand de tous les sauveurs (lire sa notice sur Wikipédia).

Pandémie de coronavirus: une théologie de l’incertitude et de l’impuissance.

Invité à intervenir dans la Journée du Service santé et solidarité de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud, je partage sur mon blogue le texte de mon intervention.


Le christianisme, ou plutôt un certain christianisme n’est pas toujours tendre avec la paralysie et celles et ceux qui sont paralysé·es. Il fait du « koum ! », « lève-toi ! », de cet ordre donné aux prophètes de la Bible juive, du « talitha koum ! », « jeune fille, lève-toi ! » que Jésus commande à une jeune fille de douze ans qui semble morte, du « lève-toi, prends ton grabat et marche ! » que Jésus adresse à un paralytique l’un des cœurs de l’Évangile. Mais l’ordre s’adresse à des prophètes qui peuvent se lever, à une jeune fille, à un homme que Jésus rend d’abord capables de marcher. Mais nous, nous répétons comme une évidence, comme une vérité : « être chrétien·ne, c’est être debout ! » ou, et : « être chrétien·ne, c’est être en marche ! ». Et le christianisme ne se contente pas de le dire, il impose de le faire. Culte après culte, la liturgie nous fait faire, encore et toujours : « levons-nous pour recevoir la bénédiction du Seigneur ! » Comme si rester assis·e devait priver de bénédiction, comme si être couché·e pouvait retrancher des rangs des personnes bénies.

Et je partage exactement les mêmes stéréotypes. Quand je cherchais l’auteur de la formule célèbre « la gloire de Dieu, c’est l’homme debout », voulant finement ajouter : « Et tant pis pour la femme assise, à genoux, accroupie ou couchée », j’ai découvert en même temps qu’elle était d’Irénée, évêque de Lyon, et qu’il ne l’avait jamais formulée. Car Irénée a plutôt écrit quelque chose comme « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant ». Que l’on confonde, que je confonde « être debout » et « être vivant·e » dit quelque chose du regard négatif que le christianisme pose et que je pose sur la paralysie et les personnes paralysées.

Mettons donc les choses au point !

Faire confiance au Dieu de Jésus-Christ, c’est être convaincu que Dieu aime autant les personnes paralysées que celles qui ne le sont pas, que celles qui le sont moins. Je le crois, mais je ne le sais pas. Et je ne le sais pas, car je ne le sais pas par expérience. Je ne suis ni paraplégique ni hémiplégique. Ma seule expérience à peine proche d’une paralysie, c’est ma crise d’appendicite et les quelques jours qui ont suivi mon appendicectomie. Ce qui ne me donne aucun droit de parler de ce que je ne connais pas. Mais ce qui ne m’empêche pas de le croire : faire confiance au Dieu de Jésus-Christ, c’est être convaincu que Dieu aime autant les personnes paralysées que celles qui ne le sont pas ou celles qui le sont moins.

D’où mon espérance : que l’on soit paralysé·e ou non-paralysé·e n’a aucun impact ni sur la quantité ni sur la qualité de la foi. On peut être paralysé·e et compter sur Dieu. On peut être non paralysé·e et compter sur Dieu. On peut être paralysé·e et ne pas lui faire confiance, être non paralysé·e et ne pas lui faire confiance. Que l’on soit ou ne soit pas paralysé·e, on est à la fois juste et pécheresse ou pécheur. Que l’on soit ou ne soit pas paralysé·e, Dieu nous accueille comme on est. Et que l’on soit ou ne soit pas paralysé·e, l’Évangile propose, selon la phrase attribuée à Paul Tillich, que l’on accepte d’être accepté·e comme on est !

Mais l’espérance ne me rend pas naïf. Par empathie, je suis capable d’imaginer qu’être paralysé·e impacte la foi. Que l’on puisse ou ne puisse pas bouger ses jambes ou ses bras conditionne ou infléchit certainement la relation avec Dieu et par conséquent la relation avec soi-même, avec les autres, avec le monde. La foi, la foi mûre, celle qui permet de vivre sa vie, de faire confiance et de se montrer fidèle n’est jamais absolue. Elle est toujours relative, toujours dépendante d’une situation, issue d’un contexte géographique et social, d’une histoire personnelle. La foi d’une personne paralysée n’est pas forcément celle d’une personne qui ne l’est pas.

Je vous semble peut-être loin de l’impact de la COVID-19 sur la société. Mais en fait, je ne le suis pas tellement ! La preuve en vidéo :

Car ce qui vaut pour les individus vaut aussi pour la société. Faire confiance au Dieu de Jésus-Christ, c’est être convaincu que Dieu agit tout autant dans une « société handicapée » que dans celle qui ne l’est pas ou celle qui l’est moins. Plutôt qu’une « société handicapée », j’avais prévu écrire « une société paralysée ». Mais, par respect pour les personnes paralysées, j’y ai renoncé. Et je n’aurais pas utilisé « handicapée » si l’association APF France handicap n’avait pas fait le parallèle avant moi. Car depuis le début de la pandémie de la COVID-19, nos sociétés n’ont jamais été paralysées. Et qui prétend le contraire se trompe ou se ment.

Il est vrai que la peur du coronavirus et la crainte de la loi ralentissent la société. Elles limitent les relations, les rencontres, les contacts et les déplacements. Elles empêchent de travailler, d’étudier, de jouer, de chanter, de créer, de célébrer, de se réjouir et de pleurer. Elles dérangent la vie amoureuse, la vie amicale, la vie sociale. Elles confinent, elles ralentissent, elles limitent, elles empêchent, elles dérangent, mais elles ne paralysent pas. Et ce serait faire insulte aux personnes paralysées que de prétendre la société paralysée. Handicapée, oui, paralysée, non !

Le christianisme, ou plutôt un certain christianisme n’est pas toujours tendre avec cette crainte du coronavirus et les lois qu’elle a inspirées. Il leur reproche de paralyser la société, pire de paralyser l’économie par peur de la mort. Une peur qu’il tient pour illégitime, puisque Pâques et l’espérance d’une résurrection l’auraient rendue vaine. Une peur que l’espérance d’un au-delà, que l’espérance d’un monde à venir priverait d’objet. Une peur de la mort que la foi chrétienne interdirait, peut-être la peur de sa propre mort, surtout la peur de la mort des autres.

Ce christianisme n’est pas plus tendre quand la crainte que les Églises deviennent des foyers de contamination conduit à limiter leurs activités. Il réclame pour elles des droits exclusifs que justifierait un statut d’exception. Mais il n’est pas tendre non plus avec les Églises elle-mêmes des Églises auxquelles il reproche de s’être elles-mêmes autoparalysées. Elles auraient plus craint la mort qu’elles n’auraient eu foi en la résurrection. Et elles auraient eu tort. Funeste théologie, funèbre christianisme que je reconstruis ainsi :

  1. Pour le christianisme, la mort n’a pas le dernier mot.
    • Or les Églises ne peuvent pas ou n’osent pas le dire.
    • Donc les gens ont peur de la mort.
    • Donc ils se protègent.
    • Et donc ils paralysent l’économie et la société.
  2. Mais si les Églises osaient parler de résurrection, d’au-delà et de monde à venir…
    • Alors, les gens n’auraient plus ou auraient moins peur de la mort.
    • Donc ils ne se protégeraient pas ou moins.
    • Et ni la société ni l’économie ne seraient paralysées.

Ce drôle de christianisme, cette funeste théologie ordonne à la société comme à l’Église, le « koum  ! » biblique adressé aux prophètes, au paralytique, à la jeune fille de douze ans. Il impose à la société comme à l’Église de se lever pour recevoir la bénédiction. Il postule que la gloire de Dieu c’est une société, que c’est une Église debout. Il les veut en marche, en marche quoi qu’il en coûte, quoi qu’il en coûte sur une facture qui se règle en vies, pas en argent. Mais la Bible juive ordonne « koum ! » à des prophètes qui peuvent se lever. Mais Jésus rend le paralytique et la jeune fille capables de marcher avant de leur ordonner de le faire. À quoi bon demander à une société, à une Église de se lever, de marcher quand elle ne le peut pas, quand elle ne le peut plus ?

Comme si Dieu n’agissait pas aussi dans une société confinée, ralentie, limitée, empêchée et dérangée. Comme si Dieu n’agissait pas aussi par une Église confinée, ralentie, limitée, empêchée et dérangée. Comme si une société et une Église handicapées étaient le signe d’une société et d’une Église qui ne faisaient plus confiance à Dieu. Pire, comme si Dieu n’aimait pas aussi une société et une Église handicapées.

D’où mon espérance : que la société et l’Église soient ou non confinées, ralenties, limitées, empêchées et dérangées n’a aucun impact ni sur la fidélité de Dieu ni sur la confiance que société et Églises peuvent lui faire. Dieu les accueille comme elles sont. Et l’Évangile leur propose d’accepter d’être acceptées comme elles sont.

Mais l’espérance ne me rend pas naïf. Par expérience, je sais que des confinements, des ralentissements, des limitations, des empêchements, des dérangements impactent la foi. Que l’on puisse ou ne puisse pas se rencontrer, se contacter, se déplacer, travailler, étudier, jouer, chanter, créer, célébrer, se réjouir, pleurer, aimer conditionne ou infléchit certainement la relation avec Dieu et par conséquent la relation avec soi-même, avec les autres, avec le monde.

Dans une société handicapée, je crois par expérience que la foi, la foi mûre, celle qui permet de vivre sa vie, de faire confiance et de se montrer fidèle, est celle qui me fait accepter l’impuissance et l’incertitude, dimensions inhabituelles, incongrues, souvent ignorées, souvent refoulées de notre fragilité, de notre vulnérabilité.

Car nous croyions que tout était possible. Nous nous pensions des personnes savantes. Nous nous retrouvons à ne rien pouvoir planifier ni prévoir ou presque rien, ou pas grand-chose. Nous n’avons pas d’autres choix que d’accepter qu’un moins que rien, qu’un non-humain être, qu’un simple virus devienne maître du temps, maître de notre temps.

Nous nous pensions des personnes puissantes. Nous nous retrouvons à ne rien pouvoir faire, ou presque rien, ou pas grand-chose ou seulement ce que nous devons, ou seulement ce qui nous est imposé. Nous réagissons, plus que nous n’agissons. Nous aurions envie de faire plus, de faire mieux. Ne serait-ce qu’autour de nous, dans notre famille, dans notre travail. Nous aimerions faire du bien malgré tout, changer les choses, au moins un peu. Et nous ne pouvons pas, ou ne pouvons que peu. Nous aimerions faire et nous réalisons que tout ce que nous pouvons faire, c’est ne pas faire ou ne presque rien faire : être présent·e, donner de l’attention, un geste, une pensée, un mot, sourire avec les yeux. Et que ce presque rien peut faire déjà beaucoup. Nous ne pouvons rien faire, mais nous attendons, mais nous exigeons que d’autres en fassent plus, que d’autres fassent mieux : prendre de plus lourdes responsabilités, effectuer des heures de travail en plus, faire plus d’efforts, montrer plus de souplesse, développer plus de créativité. Et nous attendons que beaucoup fassent pareils, fassent autant avec moins : moins de santé, moins d’argent, moins de travail, moins de liberté, moins de possibilités.

D’où mon une espérance : que nous puissions ou ne puissions pas, que nous sachions ou ne sachions pas, nous avons toutes et tous exactement la même valeur. Nous avons toutes et tous exactement la même valeur, que nous acceptions notre impuissance et notre incertitude ou que nous les nions. Il me paraît alors préférable de accepter incertitude et impuissance, de s’accepter, de s’accepter comme on est et d’accepter d’être accepté·e comme on est, avec nos pouvoirs et nos limites, avec nos certitudes et nos doutes.

Ma propre logique théologique serait donc plutôt celle-ci :

  1. Les gens ont peur de la mort.
    • Donc ils se protègent.
    • Donc ils réduisent les échanges, y compris économiques.
    • Donc le coronavirus circule moins.
    • Donc moins de gens souffrent et meurent.
  2. Et comme le christianisme reconnaît la souffrance de la mort et la douleur du deuil.
  3. Les Églises accompagnent les êtres humains qui en ont envie ou besoin.

Et je donne raison à Irénée, contre la manière dont il est reçu, y compris par moi. Que nous soyons couché·es, à genoux, accroupi·es, assis·es ou debout, et même quand la société est confinée, ralentie, limitée, empêchée et dérangée, la gloire de Dieu c’est l’être humain vivant, la gloire de Dieu c’est que l’être humain vive. Et nous faisons rayonner cette gloire chaque fois que nous contribuons à donner, à maintenir, à préserver la vie.

Même si nous ne sommes pas certain·es du bien que nous pourrions faire, même si nous ne sommes pas certain·es de pouvoir faire le bien que nous devrions faire, essayons quand même, essayons malgré tout ! Faisons simplement de notre mieux, tant quand nous faisons ce que nous pouvons faire qu’en ne faisant pas ce que nous ne pouvons pas faire ! C’est déjà beaucoup.

Dieu ne protège pas du coronavirus mais le coronavirus pourrait aider les religions

Pour savoir ce qu’un théologien du quotidien pense théologiquement de la COVID-19, de son impact sur les rites et de son exploitation par certains groupes religieux, on peut lire ma Tribune sur le médias suisse en ligne heidi.news:

Expliquer plutôt que faire appliquer

Pour mon cours Vouloir, pouvoir, devoir transmettre « Dieu » à tous les sens, je relis un livre d’Olivier Assouly (découvrir sa page sur le site de l’Institut français de la mode), et je m’arrête sur cette citation. Le philosophe français dénonce l’arbitraire voire l’absurdité des règles alimentaires, un arbitraire voire une absurdité qu’il juge délibérée pour obliger les croyant·es (il ne vise pas seulement les religions) à les accepter et à les appliquer sans réfléchir.

« Ainsi, même le rationalisme le mieux intentionné, voire le plus diligent à l’égard d’une croyance religieuse, apparaît comme le pire fossoyeur de la foi, parce qu’il sape à la base l’axiome de la croyance en postulant des preuves à l’endroit de la confiance, la même où elle devrait prévaloir seule et sans renfort. Le recours à la rationalité est le signe d’une crise dans laquelle il faut voir les soubresauts d’une croyance qui ne suffit plus à elle-même. » Assouly, O. (2002). Les nourritures divines essai sur les interdits alimentaires. Actes Sud, p. 228.

Je me rends compte combien je suis éloigné de l’attitude qu’il dénonce. Qu’il soit bien ou mal intentionné, diligent ou agressif, ma foi, ma croyance, ma confiance a besoin de ma raison. C’est sans doute pour cela que j’étudie la théologie et c’est aussi pour cela que je l’enseigne. Expliquer plutôt que faire appliquer.

Dieu merci, je ne suis pas le seul dans mon cas. J’ai avec moi (entre autres) :

  • Mes étudiant·es et mes collègues à l’Université.
  • La majorité de et dans les Églises réformées.
  • Anselme de Cantorbéry (1033-1109) qui parlait de « Fides quaerens intellectum », de foi en quête d’intelligence.
  • Augustin d’Hippone (354-430) qui écrivait « Credo ut intelligam », je crois pour comprendre.
  • Et un certain Jésus qui aurait dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta pensée. » Évangile attribué à Matthieu, chapitre 22, verset 37.

Et quant à l’alimentation, j’aime comprendre ce que je mange et ce que je ne mange pas et pourquoi je le mange ou je ne le mange pas.


P.S. Sur le risque, la tentation et le ravage d’une foi irrationnelle, on peut (re) lire l’ouvrage d’Olivier Roy : Roy, O. (2008). La sainte ignorance : Le temps de la religion sans culture. Éditions du Seuil.