religion

« Se donner pour quelque chose de plus grand »

Selon vous, qui pourrait tenir les propos suivants (j’ai remplacé que les mots pour rendre l’identification un peu moins aisée) ?

« Au fil de mes conversations avec lui, j’en déduis qu’il voulait qu’on ait l’air [crédibles], et c’était [la communauté] avant tout. Tu donnes ton identité au groupe, donc ta barbe, tes cheveux, [tes signes distinctifs]. C’est comme un sacrifice pour [la communauté]. Tu peux rester toi-même, mais tu dois te donner à quelque chose de plus grand. »

Un moine au moment de prononcer ses vœux ?

Non un hockeyeur transféré dans une nouvelle équipe !

Car les propos sont ceux de Brian Gionta revenant sur le temps où il jouait pour les Devils du New-Jersey. Car « lui », c’est Lou Lamoriello, le président de l’équipe, qui exigeait que « ses » joueurs et « ses » entraîneurs soient glabres, portent les cheveux court et choisissent un numéro inférieur à 40.

Et c’est ce qui me permet de dire que certain·es font du sport comme d’autres pratiquent la religion.


Voici la citation originale, parue dans le quotidien québécois La Presse :

« Au fil de mes conversations avec lui, j’en déduis qu’il voulait qu’on ait l’air professionnels, et c’était l’équipe avant tout. Tu donnes ton identité au groupe, donc ta barbe, tes cheveux, ton numéro de chandail. C’est comme un sacrifice pour l’équipe. Tu peux rester toi-même, mais tu dois te donner à quelque chose de plus grand. » (« Cachez ces poils que je ne saurais voir » La Presse, 25 janvier 2024)

Damné par les dieux du hockey

Dans un compte-rendu d’un match de hockey du Canadien de Montréal, je lis ceci:

La Presse, 29 décembre 2023

C’est ce genre de réflexion qui m’a poussé à travailler la thématique du sport comme religion, à codiriger un collectif (Bauer et Barreau, La religion du Canadien de Montréal, Fides, 2009) et à écrire un livre (Bauer, Une théologie du Canadien de Montréal, Bayard, 2011).

Je reconstruis ici brièvement la logique derrière la phrase du journaliste « au moment où il semblait damné par les dieux du hockey ».

  1. Anderson, le joueur du Canadien, constate qu’il y a un mois, dans les mêmes circonstances, il n’aurait pas marqué le but qu’il a marqué.
  2. Comment comprendre cette la différence? Le joueur est le même. Il joue dans la même équipe avec le même équipement. Il s’entraîne et se prépare probablement de la même manière.
  3. La seule explication rationnelle aux variations de performance, c’est qu’il y a des puissances supérieures qui aident ou pénalisent les joueurs.
  4. Parmi les puissances supérieures disponibles, Simon-Olivier Lorange, le journaliste de La Presse, choisit les dieux du hockey. À Montréal, il aurait pu aussi invoquer les fantômes du Forum, la patinoire mythique du Canadien de Montréal.
  5. Ces dieux du hockey auraient damné le joueur du Canadien. Avec cependant une nuance importante. Le joueur « semblait damné ». Cette formule indique qu’il pourrait s’agir d’une image, plus que d’une réalité.

Ce qu’on ne sait pas, ce sont les prières, les dévotions, les gestes de piété ou les rites que le joueur a ou aurait dû faire pour que les dieux du hockey le sauvent.


Pour de nombreuses réflexions sur les relations entre sport et religion, ont peut consulter l’onglet de mon blogue Sport et religion.

Faire la différence entre «biblique», «théologique», «religieux» et «chrétien» (attention billet universitaire)

  1. Mes étudiant·es ont tendance à confondre entre «biblique» et «théologique». Iels qualifient de bibliques des affirmations, des valeurs, des pratiques qui ne découlent pas de la Bible, mais qui sont théologiques puisqu’elles dépendent d’une réflexion sur les relations à Dieu menée à partir d’une relation à Dieu ; elle est certes nourrie par la Bible, mais aussi par d’autres connaissances, scientifiques par exemple, par des héritages et des traditions ecclésiales, par la pensée de théologien·nes ou par l’expérience personnelle.
  2. La semaine passée, l’actualité religieuse m’a rappelé l’importance de cette distinction et m’a fait prendre conscience de celle d’une autre. Commentant une cérémonie dans le palais parisien de l’Élysée, le grand rabbin de France Haïmes Korsia explique dans le quotidien français Libération: «J’ai allumé la première bougie de la fête de Hanoukka, qui n’a rien de religieuse puisque ce n’est pas une fête biblique.» (Libération, samedi 9 et dimanche 10 décembre, page 9)
  3. Je ne connais pas suffisamment le judaïsme pour commenter cet avis, même s’il me semble qu’il y a bien du religieux juif non biblique. Et qu’il y a du religieux en dehors judaïsme comme il y en a en dehors du christianisme.
  4. Ce qui m’intéresse, c’est qu’une certaine théologie protestante repose sur une logique similaire : ce qui n’est pas biblique n’a rien de chrétien et ce qui prétend être chrétien doit être biblique. D’où un besoin parfois obsessionnel de légitimer toutes les affirmations théologiques par un ou, mieux encore, des versets bibliques.
  5. Comme la confusion entre le «biblique» et le «théologique», la réduction du «chrétien» au «biblique» m’apparaît fausse. D’abord parce que le christianisme déborde largement la Bible, de la primauté de l’évêque de Rome au déroulement des célébrations en passant par la fête de Noël ; ensuite parce que la Bible n’est pas toujours très chrétienne : des pères ont des relations sexuelles avec leurs filles, Jésus sacrifie un troupeau de cochon pour éliminer des démons et l’esclavage ne dérange pas Paul.
  6. Certes, le christianisme est biblique, mais il est aussi théologique en ce sens qu’il repose sur 2000 ans de réflexions sur ce qu’est une relation à Dieu à la suite du Christ ; et ces réflexions sont toujours à recommencer dans des circonstances toujours nouvelles.
  7. Et je dois encore résister à réduire le « chrétien » à ma propre théologie.

Football, marabout et abus spirituel, dans un excellent article du Temps

À propos des relations rapport entre sport et religion, je relaye un excellent article paru dans le quotidien suisse Le Temps ce matin. Il est disponible en libre-accès.

Signé par « Le Temps avec l’AFP », il est intitulé « L’emprise toujours plus grande des marabouts dans les vestiaires de football » et le titre en dit exactement le contenu.

Sur la base de témoignages de footballeurs et d’un aumônier sportif protestant, il décortique les mécanismes de ce que je qualifierais d’abus spirituel.

Encore une métaphore religieuse dans le sport

On peut toujours compter sur le quotidien L’Équipe pour mêler sport et religion. Ce dimanche, il est aidé par l’actualité.

La une de l’Équipe, dimanche 24 septembre 2023

Pour les fidèles à la religion infidèles au sport, j’enseigne que l’on qualifie de « classique » les rencontres entre deux clubs français de football, le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille.

Pour les fidèles au sport infidèle à la religion, j’enseigne que « béni » signifie littéralement « dont à dit du bien » (béné-diction); on utilise généralement l’expression « béni soit… » comme équivalent de « loué soit.. », comme une formule de reconnaissance et de remerciement.

Pour les passionné·es du sport, de la religion et surtout de la langue française, j’enseigne que L’Équipe aurait écrit « Bénit soit le classique » (avec un « t »), si le pape ou un prêtre catholique l’avait réellement bénit.

Mon programme en septembre…

D’abord un article dans une prestigieuse revue française

La revue Critique me fait l’honneur de publier dans un numéro intitulé « Papas-Mamans » un de mes textes: « Notre père-mère qui es au cieux » (Bauer Olivier, « Notre père-mère qui es aux cieux » », Critique, vol. 915, no 7, 2023, p. 716‑724) dans lequel je réfléchis sur la maternité et la paternité divines. À lire dans la revue ou en libre-accès sur le serveur de l’Université de Lausanne.

(Sur le même thème, on peut redécouvrir ma reformulation de la prière du Notre Père-Mère: Vers un « Notre Père-Mère » plus inclusif: 2 propositions.)

Ensuite la reprise des cours à l’Université

Chaque mercredi, dès le 20 septembre, je donne un cours de théologie pratique intitulé: « Ouvrir une paroisse de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud à de nouvelles spiritualités » (lire le plan du cours en cliquant ici). En suivant une démarche d’apprentissage par problème, je demanderai aux étudiant·es de répondre à la demande de la paroisse réformée de Prilly-Jouxtens. Je les fais travailler en groupe pour développer des idées qu’iels devront proposer aux responsables de la paroisse. Selon mon habitude en théologie pratique, leurs idées devront satisfaire deux exigences: être fidèles à l’Évangile (ici dans son interprétation réformée) et pertinentes dans le contexte contemporain (ici, celui de la région lausannoise). L’un des enjeux du cours sera évidemment de savoir ce que sont ces « nouvelles spiritualités ».

Le cours se donne chaque mercredi de 13h15 à 15h, en présence à l’Université de Genève et en téléprésence sur Zoom; il est ouvert à chacune et chacun; pour s’inscrire, il suffit de m’envoyer un courriel en cliquant ici.

Enfin un atelier: Manger, échanger… et changer ?

Le samedi 23 septembre de 10h à 12h, je participe à la journée L’alimentation dans tous ses états organisée par la commune de Chavannes-près-Renens sur les terrains de la Plaine.

« Manger, échanger… et changer ?

Manger à la cantine, sur le pouce, entre copains … se retrouver en famille pour un repas de fête … passer au take away, faire la queue devant un food truck … être omnivore, carnivore, végétarien ou vegan … se nourrir répond à un besoin essentiel à notre survie. Mais c’est aussi l’occasion de rencontres et de partages plus ou moins codifiés. Alors, manger, c’est aussi dire qui on est. L’atelier permettra de mettre en perspective à quelle communauté on appartient, ce à quoi on croit et ce pour quoi on s’engage… Attention : L’atelier est interactif : apportez et présentez votre ustensile de cuisine ou votre épice préféré. Avec Salvatore Bevilaqua, Anthropologue, responsable de recherche à l’Institut des humanités en médecine, CHUV-UNIL, Oliver Bauer, Professeur en théologie pratique, UNIL, Janine Bouslami Bohrer, Animatrice durant plusieurs années de l’atelier « Cuisine d’Ici et d’Ailleurs » à Chavannes et Véronique Jost Gara, Chercheuse associée au ColLaboratoire de l’UNIL.«