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Si Jésus avait été un poisson… (Le poisson comme symbole chrétien, seconde prise)

J’ai été interrogé par Lucas Vuilleumier pour Protestinfo sur le poisson comme symbole chrétien. On peut lire mon opinion et celles de mes collègues Sarah Scholl et Daniel Marguerat dans le quotidien vaudois 24Heures ou dans La Tribune de Genève: « Eucharistie: Un poisson nommé Jésus » (Ne me demandez pas pourquoi le quotidien a mis « Eucharistie » dans son titre, je n’en ai aucune idée).

Je ne suis qu’un simple être humain et je n’ai pas toujours l’inspiration. Ce n’est qu’après coup que je me suis souvenu d’un mot de Coluche qui disait:

« Si Jésus était mort noyé, les chrétiens auraient l’air malin avec un aquarium autour du cou ou au-dessus de leur lit. »

Mais si Jésus avait été un poisson, il ne serait jamais mort noyé. Remarquez, on ne rencontre pas non plus beaucoup d’agneaux crucifiés…


Lire aussi mon billet de blogue : Le poisson comme symbole chrétien

Profiter du Ramadan, c’est lait!

En Côte d’Ivoire, la marque de lait Candia propose trois emballages spéciaux pour le Ramadan, en édition limitée.

Depuis la page Facebook de Candia Côte d’Ivoire

  • L’étiquette rouge souhaite « Bonne rupture du jeûne ».
  • L’étiquette verte enjoint: « Partage avec les autres ».
  • Et l’étiquette bleu commande: « Rappelle-toi de prier ».

On sait que les marques sont prêtes à récupérer tout ce qui pourrait faire vendre. Mais là, la ficelle me semble quand-même un peu grosse. À qui fera-t-on croire que Candia se soucie réellement de la spiritualité de celles et ceux qui boivent son lait?

P.S. Grâce à cette publicité, j’ai au moins découvert que « Ramadan Kareem » est un souhait qui signifie « Généreux Ramadan ».

Du sport dans la religion: aujourd’hui les « lieux de culte »

Aujourd’hui dans le quotidien L’Équipe, je trouve ce titre:

L’Équipe, 14 mars 2024

Il recense et présente les cinq segments les plus, que faut-il écrire, craints, attendus, espérés? dans les cinq courses cyclistes les plus, que faut-il écrire, fameuses, traditionnelles, importantes?

Je vous laisse lire l’article pour découvrir les segments (il est réservé aux abonnés), mais j’indique les courses: dans l’ordre le Tour des Flandres, Paris-Roubaix, Milan-SanRemo, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie.

Pourquoi sont-ils des « lieux de culte »? Parce que ce sont des « endroits mythiques », des « madeleines de Proust », légende du cyclisme », un « mélange de nostalgie, de passion et même de souvenirs heureux voire douloureux », que l’un suscite de la « magie » et un autre associé à « l’enfer ».

Quand il s’agit de religion, les lieux de culte sont simplement les lieux où se déroule le culte, qui est une célébration communautaire. Ce sont souvent des bâtiments destinés spécifiquement à cet usage – église, chapelle, temple, synagogue, mosquée etc. – mais ce peut-être n’importe quel endroit où un culte est célébré: salon, stade de football, salle de spectacle ou clairière dans la forêt, etc.

Quand il s’agit de culte, plus que l’endroit, ce sont les circonstances qui importent. Plus que le lieu de culte lui-même, c’est ce qui se vit dans les lieux de culte qui compte. Alors oui, certains lieux où j’ai vécu des cultes fonctionnent comme des madeleines de Proust. Je les associe à des souvenirs heureux dont je peux être nostalgique. Ce qui contribue à faire de moi le chrétien que je suis aujourd’hui.

Le poisson comme symbole chrétien

Le poisson est un des symboles les plus anciens du christianisme. Pourquoi ? Comment ? Sans lien avec l’actualité (quoique Pâques approche), je partage ce que je sais.

Comme presque tous les « symboles chrétiens », celui du poisson précède et dépasse le christianisme. Comme symbole et comme aliment, il évoque par exemple la virilité chez les Grecs et les Romains.

Le poisson est le héros malheureux de nombreux textes bibliques, notamment dans les évangiles. Jésus en fait pêcher (découvrir la pêche miraculeuse dans l’évangile de Luc, chapitre 5), il les multiplie (lire comment Jésus nourrit 5000 hommes avec 5 pains et 2 poissons dans l’évangile de Marc, chapitre 6) et il en mange (entendre Jésus demander après sa mort « quelque chose à manger », dans l’évangile de Luc, chapitre 24).

On trouve à Éphèse au 2e siècle, une inscription où le mot « poisson » est écrit en grec : Ichtus. Juste à côté, une roue est dessinée, qui contient toutes les lettres du mot. Rien ne lie cette inscription au christianisme, mais la roue est un symbole du poisson.

Dans le christianisme primitif, le poisson est un symbole du Christ au moins depuis le 3e siècle. Il indique que le Christ a vécu dans le monde comme un poisson dans l’eau. Mais le poisson est aussi symbole des chrétien·nes que le Christ sauve en les pêchant comme des petits poissons, avec l’hameçon que forme sa croix.

Au 4e siècle, un auteur africain prend les premières lettres de chaque vers d’un poème attribué à la « Sibylle d’Érythrée » pour former l’expression Iesous Kreistos Theou Uios Soter Stauros, en français « Jésus Christ fils de Dieu sauveur crucifié ». Et quand il prend les initiales des cinq premiers mots, il forme le mot I-Ch-T-U-S, poisson. Le poisson devient donc un signe de ralliement secret ou discret pour un christianisme encore persécuté.

Un jeu de mots d’Augustin d’Hippone (354-430) — en latin «Piscis assus … Christus passus» soit «poisson grillé Christ souffrant» — fait du poisson en tant qu’aliment le symbole du Christ.

Sur les premières images de la Cène au 6e siècle, on voit des poissons dans les assiettes, comme sur cette mosaïque à Ravenne (Émilie-Romagne, Italie). Ils figurent le «Christ poisson de Dieu», plutôt qu’«agneau de Dieu», selon l’expression de Jean-Baptiste.

Une Cène: table en sigma; convives allongés derrière la table; Jésus nimbé; sur la table deux gros poisson se des pains en forme de ruches

Et le christianisme valdéiste (voir sa présentation sur Wikipedia) célèbre la cène avec du poisson. C’est sans doute aussi pour cela que l’Église catholique en excommunie les fidèles en 1184.

Le poisson disparaît progressivement de la symbolique christique. Il réapparaît dans les années 1970, quand il est utilisé par un christianisme plutôt évangélique pour afficher sa foi. Stylisé, le poisson ressemble aussi à la première lettre de l’alphabet grec, l’alpha. Or selon les évangiles, Jésus dit être l’alpha et l’oméga, le début et la fin.

Symbole de foi en Jésus: un autocollant représentant un poisson avec le mot ichtus est collé à l'arrière d'une voiture

Il connaît des variantes satiriques. Un poisson avec des pattes affiché permet de défendre la théorie de l’évolution contre le créationnisme, cette doctrine qui reprend à la lettre le récit biblique de la création du monde par Dieu en six jours. Il existe en version affirmative ou plus agressive.

Peut-être en réaction, un certain christianisme se réapproprie l’image du requin, affichant un poisson chrétien plus combatif.

Le texte biblique évoqué est celui-ci :

« La parole de Dieu est vivante et efficace. Elle est plus coupante qu’aucune épée à deux tranchants. Elle pénètre jusqu’au point où elle sépare l’âme et l’esprit, les jointures et la moelle. Elle passe au crible les désirs et les pensées du cœur humain. »


À propos du poisson en christianisme, lire aussi sur mon blogue:

Le bagel, 100% juif et 100% montréalais

Profitant d’un congé scientifique, je participe au cours Cultures et patrimoines alimentaires : enjeux et opportunités donné par la professeure Julia Csergo (voir sa page personnelle) à l’Université du Québec à Montréal. J’ai l’occasion d’y partager mes recherches sur les patrimoines alimentaires des religions.


Pour présenter le bagel et pour rappeler qu’il est tout à fait possible d’être 100% juif et 100% montréalais, je reprends le diaporama que j’ai présenté aux étudiant·es.

Diaporama modifié le 13 mars 2024


Dans la même série:

L’hostie, une passion québécoise

Profitant d’un congé scientifique, je participe au cours Cultures et patrimoines alimentaires : enjeux et opportunités donné par la professeure Julia Csergo (voir sa page personnelle) à l’Université du Québec à Montréal. J’ai l’occasion d’y partager mes recherches sur les patrimoines alimentaires des religions.


Pour présenter l’hostie et pour promouvoir son inscription au patrimoine immatériel du Québec ou à son matrimoine, je reprends le diaporama que j’ai présenté aux étudiant·es.


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