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Football, marabout et abus spirituel, dans un excellent article du Temps

À propos des relations rapport entre sport et religion, je relaye un excellent article paru dans le quotidien suisse Le Temps ce matin. Il est disponible en libre-accès.

Signé par « Le Temps avec l’AFP », il est intitulé « L’emprise toujours plus grande des marabouts dans les vestiaires de football » et le titre en dit exactement le contenu.

Sur la base de témoignages de footballeurs et d’un aumônier sportif protestant, il décortique les mécanismes de ce que je qualifierais d’abus spirituel.

Du sacré, du baptême et du football

Je vous jure que ce n’est pas de ma faute. Mais aujourd’hui, le quotidien sportif français L’Équipe remet en première page une métaphore religieuse!

Une de L’Équipe, samedi 30 septembre 2023

Encore une fois, L’Équipe me donne l’occasion de faire un peu de théologie. Encore une fois, merci L’Équipe!

Le « sacré baptême » en question est celui du nouvel entraîneur de l’Olympique de Marseille, Genaro Gasttuso qui va plonger (c’est le sens du verbe grec baptizô d’où vient le mot « baptême ») dans le bain du championnat de France de football.

Baptême

  • Bref rappel: en christianisme le baptême consiste à plonger dans l’eau (baptême par immersion) ou à verser de l’eau sur la tête (baptême par aspersion). Ce geste peut concerner des bébés, des enfants ou des adolescent·es (avec l’accord des parents) ou des adultes. Le passage par l’eau signifie une renaissance à une nouvelle vie. Il peut recevoir plusieurs significations: cérémonie d’initiation à la foi chrétienne, rite d’entrée dans une église, signe de l’amour de Dieu, confession de foi personnelle, etc.

Pour Gennaro Gattuso, cette premier match fonctionnera comme rite de passage à une « nouvelle vie » (celle d’entraîneur de l’OM), comme une initiation (à un nouveau club) et une présentation publique de sa conception du football.

Sacré

  • Bref rappel: « sacré » veut d’abord dire « mis à part ». Ce qui est sacré, c’est donc ce qui sort de l’ordinaire. On peut mettre à part ce qui est trop bon ou ce qui est trop mauvais, ce qui est trop pur ou trop impur.

Si L’Équipe qualifie ce baptême de « sacré », c’est au sens d’« extraordinaire », « difficile », « risqué », car ce sera « tout un défi » d’affronter l’une des meilleures équipes du championnat de Ligue 1.

Encore une métaphore religieuse dans le sport

On peut toujours compter sur le quotidien L’Équipe pour mêler sport et religion. Ce dimanche, il est aidé par l’actualité.

La une de l’Équipe, dimanche 24 septembre 2023

Pour les fidèles à la religion infidèles au sport, j’enseigne que l’on qualifie de « classique » les rencontres entre deux clubs français de football, le Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille.

Pour les fidèles au sport infidèle à la religion, j’enseigne que « béni » signifie littéralement « dont à dit du bien » (béné-diction); on utilise généralement l’expression « béni soit… » comme équivalent de « loué soit.. », comme une formule de reconnaissance et de remerciement.

Pour les passionné·es du sport, de la religion et surtout de la langue française, j’enseigne que L’Équipe aurait écrit « Bénit soit le classique » (avec un « t »), si le pape ou un prêtre catholique l’avait réellement bénit.

Football et ramadan

TV5 Monde m’interroge sur un sujet délicat (lire l’article « Ramadan: faut-il interdire les pauses pour rompre le jeûne pendant un match, comme le veut la FFF?  » sur le site de TV5 Monde). La Fédération française de football (FFF) interdit aux arbitres d’interrompre les rencontres pour permettre que des footballeuses et footballeurs musulman·es qui pratiqueraient le jeûne du ramadan puissent se nourrir. Ce qui touche directement la question de la place de la religion dans le sport.

Rappels

  • Premier rappel : En 2017, le football français s’est donné une Charte d’éthique et de déontologie qui précise : « Le Football ne tient nullement compte de considérations politiques, religieuses, idéologiques ou syndicales de ses acteurs. Par leur intégration au sein du monde du Football, ceux-ci acceptent d’adhérer à ce principe et s’engagent à ne jamais utiliser le Football à ces fins-là, chacun devant faire preuve de tolérance à l’égard d’autrui. Un terrain de football, un stade, un gymnase, ne sont pas des lieux d’expression politique ou religieuse. » (article 6)
  • Deuxième rappel : L’islam fait du mois du ramadan un mois de jeûne entre l’aube et le crépuscule. Le Coran indique deux dérogations : « Quiconque d’entre vous est malade ou en voyage, devra jeûner un nombre égal d’autres jours » et « ceux qui ne pourraient le supporter qu’avec grande difficulté, il y a une compensation : nourrir un pauvre. » (Sourate 2 al-Baqarah, 184).

Les faits

La question de l’alimentation des joueuses et des joueurs musulman·es pendant les rencontres de football ne concerne que celles qui commencent avant le crépuscule et se terminent après (éventuellement avant et après l’aube, ce qui doit être très rare). Si la rencontre a lieu en pleine journée, toute alimentation est interdite ; si elle a lieu en pleine nuit, l’alimentation est autorisée. Pour les rencontres en soirées, certain·es arbitre ont introduit de courtes pauses dès que le coucher du soleil pour permettre aux joueuses et aux joueurs de s’alimenter. En réaction, la Commission fédérale des arbitres, instance de la FFF, a envoyé un courrier électronique aux arbitres indiquant :

« Il a été porté à la connaissance de la Fédération des interruptions de matchs suite aux ruptures du jeûne du ramadan. Ces interruptions ne respectent pas les dispositions des Statuts de la FFF. »

Mon avis

Entre « ne tenir nullement compte » et « faire preuve de tolérance », la FFF a choisi son camp. Elle refuse d’accommoder les joueuses et les joueurs musulman·es. Ce qui m’étonne, c’est que l’interdiction ne découle pas de considérations liées au jeu. On pourrait argumenter que ces pauses nuisent à la qualité d’une rencontre. Ce serait peu crédible, mais ce pourrait être un argument. Mais la FFF se place sur le plan politique. Elle invoque ses Statuts :

« La Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu’organes chargés d’une mission de service public déléguée par l’État, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d’empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d’une personne, en raison notamment de son sexe, de son orientation sexuelle, de son origine ethnique, de sa condition sociale, de son apparence physique, de ses convictions ou opinions. » (titre 1, section 1, article 1)

J’avoue que j’ai de la difficulté à comprendre comment un article empêchant toute discrimination en vient à pénaliser des footballeuses et des footballeurs musulman·es qui demande seulement que le football tienne compte de leur religion.


P.S. On m’apprend que la Premier League anglaise accepte ces mini pauses-repas. Le système peut donc rester humain. Et je découvre qu’en Italie, Luca Ranieri, joueur de la Fiorentina, a simulé une blessure pour donner à son coéquipier Soufiane Amrabat le temps de s’alimenter. L’être humain sait se montrer plus malin que le système.

Messi, l’étoile, la foi et les rois mages (@LaurentFavre dans @LeTemps)

Le sport comme religion? Réflexion du journaliste Laurent Favre dans le quotidien suisse Le Temps.

« Des dizaines de milliers de supporters de l’Albiceleste étaient présents au Qatar pour chanter à l’avènement de Messi. Des myriades de Rois mages, donc, guidés par une troisième étoile et une foi incommensurable dans le Dieu football, religion laïque et réellement universelle. »

Si justement pensé et si joliment formulé!

François, pape à Rome, je vous dis merci!

Il n’y a pas de hasard.

Vendredi, j’adresse une lettre ouverte au pape François (voir mon billet Lettre à François, pape à Rome à propos de la finale de la coupe du monde de football) pour lui suggérer de partager une théologie évangélique du football.

Dimanche le pape François lance un appel à « célébrer la victoire dans l’humilité » (lire l’article sur le site de TV5 Monde).

Monsieur le pape, cher François, je vous dis simplement merci de m’avoir lu, compris et suivi. Pas pour moi, mais au nom du football.