Décryptage:
Ces deux affiches (toujours juxtaposées) s’intègrent dans une campagne de publicité institutionnelle du gouvernement du Québec pour défendre son projet de Charte des valeurs québécoises (visiter le site Internet).
- Sur un fond de mur en pierre grise (qui pourrait évoquer une ancienne église comme il en existe tant au Québec mais qui, au moins pour certains, évoquera le Mur des lamentations) se détachent des mots qu’on dirait écrits avec une machine à écrire (une telle police de caractère, que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître, doit-elle souligner l’ancienneté ou l’archaïsme de la religion?).
- Sur la première affiche, le gouvernement du Québec reconnaît (j’utilise ce mot à dessein car il s’agit bien d’une concession faite aux religions) qu’une église, une synagogue et une mosquée sont sacrées. Et sur la seconde, il affirme que l’égalité hommes-femmes et la neutralité religieuse de l’État le sont tout autant (en sous-entendant que ces deux principes s’appliquent même aux religions).
Commentaires personnels:
- Premier commentaire, plutôt anodin: alors que le gouvernement du Québec affirme le principe de l’égalité hommes-femmes (le pluriel indique qu’il s’agit de l’égalité entre les hommes et les femmes, non pas de celle des genres « homme » et « femme »), il aurait pu écrire « sacrée » (au féminin) sur la première affiche, puisque « église », « synagogue » et « mosquée » sont trois mots de genre féminin.
- Deuxième commentaire, plus profond (ou au moins censée l’être): revendiquer sa neutralité religieuse n’empêche pas le gouvernement du Québec de faire de la théologie et de la théologie catholique. Je ne peux pas discuter du statut de la synagogue en judaïsme ni du statut de la mosquée en islam (même si je doute qu’elles soient à proprement « sacrées » pour les juifs et les musulmans), mais je peux (et je dois) critiquer cette affirmation qu’une église serait « sacrée » en christianisme. Qui le pense? Qui le croit? Certainement pas moi! Car en théologie protestante, l’église n’est pas sacrée pour la simple et bonne raison qu’en théologie protestante rien n’est sacré, rien si ce n’est Dieu.
- Troisième commentaire, logique. En regardant ces affiches, les protestants (et toutes celles et tous ceux qui ne considèrent pas l’église comme sacrée) devraient logiquement conclure que si l’église, la synagogue et la mosquée ne sont pas des bâtiments « sacrés », alors l’égalité hommes-femmes et la neutralité religieuse de l’État ne sont pas non plus des valeurs « sacrées ». Ce qui me semble juste (il existe toujours des situations où ces deux principes ne peuvent pas être appliqués de façon absolue), mais qui irait à l’envers de ce que veut promouvoir le gouvernement du Québec.
Ces affiches viennent confirmer chez moi un sentiment plus large (inspiré notamment par la présence d’un crucifix à l’Assemblée nationale, par les signes de croix au début de certains conseils municipaux, par la subvention de l’enseignement privé catholique, par la messe dominicale diffusée chaque semaine sur la télévision de Radio Canada, etc.) qu’au Québec l’État devrait encore un peu se décatholiciser (et se déchristianiser) avant de prétendre à la neutralité religieuse.