baptême

De la théologie par le sport: communion avant baptême

Titre dans L’Équipe aujourd’hui:

Si je comprends bien l’article, l’équipe féminine de football de Benfica Lisbonne va jouer pour la première fois un quart de finale de la Ligue des Champions, ce qui représente son baptême. Avant cet événement, elles se sont rassemblées, regroupées, réunies, ont resserré leurs liens, ce qui est une communion.

L’ordre des mots du titre inverse la pratique chrétienne habituelle. Dans les Églises, le baptême – qui marque l’entrée dans le « peuple de Dieu » et aussi dans une Église particulière: catholique, orthodoxe, protestante, etc. – précède la communion, c’est-à-dire l’eucharistie ou la (sainte)-cène. En général, le baptême donne le droit de participer à la communion et donc de manger du pain ou l’hostie et, dans l’orthodoxie et le protestantisme, de boire du vin.

Je sais par expérience que cette condition n’est plus appliquée dans les Églises réformées. Elles invitent chacune et chacun à partager le « repas du Seigneur », sans aucune condition. De fait cette position valide le titre de L’Équipe. La communion précède le baptême. On commence par se rassembler, se regrouper, se réunir, et resserrer les liens avec Dieu, dans une communauté avant de célébrer un rite qui témoigne d’une confiance en Dieu et marque l’appartenance à une communauté.

Les personnes transgenres ne sont pas plus pécheresses que les autres

Ainsi, mercredi, l’Église catholique romaine, par son Dicastère pour la doctrine de la foi, a décrété que des personnes transgenres – le texte parle de « transsexuels » – pouvaient être baptisées (voir le document disponible en italien et en portugais sur le site du Vatican).

Avec un bémol, puisqu’il faut y renoncer si la situation « risque de générer un scandale public ou de désorienter les fidèles ». On est donc prêt à sacrifier des personnes à l’ordre public ou au confort des fidèles.

Pour justifier sa décision, le Dicastère pour la doctrine de la foi utilise une réflexion d’Augustin d’Hippone, un théologien « algérien » né en 354 et mort en 430.

« Saint Augustin d’Hippone rappelait cette situation en disant que, même si l’homme tombe dans le péché, le Christ ne détruit pas le caractère reçu par ceux-ci dans le Baptême et cherche (quaerit) le pécheur, dans lequel est imprimé ce caractère qui l’identifie comme sa propriété. » (traduit de l’italien par Reverso.net)

Je ne vais pas discuter la théologie du baptême développée par Augustin. Je rappelle seulement qu’elle est contextuelle et qu’évidement notre contexte n’a rien à voir avec celui d’Augustin.

Ce qui me gêne ici, c’est l’utilisation du terme de « pécheur ». Car elle laisse penser qu’un personne transgenre serait spécifiquement une personne pécheresse.

Je sais que pour Augustin, tous les êtres humains étaient pécheurs ou pécheresses. C’est lui qui a inventé le concept d’un « péché originel » qui se transmettrait dans et par la sexualité. Je sais que pour la théologie chrétienne, nous sommes toutes et tous pécheresses et pécheurs, y compris les personnes transgenres qui le sont ni plus ni moins que toutes les autres.

Mais je trouve dommage d’associer explicitement le terme de « pécheur » à une catégorie de personnes souvent stigmatisées dans et par l’Église catholique romaine.

Si les personnes transgenres peuvent participer pleinement à la vie d’une Église chrétienne, c’es tout simplement qu’elles sont des personnes que Dieu aime aussi et exactement comme les autres.

Du sacré, du baptême et du football

Je vous jure que ce n’est pas de ma faute. Mais aujourd’hui, le quotidien sportif français L’Équipe remet en première page une métaphore religieuse!

Une de L’Équipe, samedi 30 septembre 2023

Encore une fois, L’Équipe me donne l’occasion de faire un peu de théologie. Encore une fois, merci L’Équipe!

Le « sacré baptême » en question est celui du nouvel entraîneur de l’Olympique de Marseille, Genaro Gasttuso qui va plonger (c’est le sens du verbe grec baptizô d’où vient le mot « baptême ») dans le bain du championnat de France de football.

Baptême

  • Bref rappel: en christianisme le baptême consiste à plonger dans l’eau (baptême par immersion) ou à verser de l’eau sur la tête (baptême par aspersion). Ce geste peut concerner des bébés, des enfants ou des adolescent·es (avec l’accord des parents) ou des adultes. Le passage par l’eau signifie une renaissance à une nouvelle vie. Il peut recevoir plusieurs significations: cérémonie d’initiation à la foi chrétienne, rite d’entrée dans une église, signe de l’amour de Dieu, confession de foi personnelle, etc.

Pour Gennaro Gattuso, cette premier match fonctionnera comme rite de passage à une « nouvelle vie » (celle d’entraîneur de l’OM), comme une initiation (à un nouveau club) et une présentation publique de sa conception du football.

Sacré

  • Bref rappel: « sacré » veut d’abord dire « mis à part ». Ce qui est sacré, c’est donc ce qui sort de l’ordinaire. On peut mettre à part ce qui est trop bon ou ce qui est trop mauvais, ce qui est trop pur ou trop impur.

Si L’Équipe qualifie ce baptême de « sacré », c’est au sens d’« extraordinaire », « difficile », « risqué », car ce sera « tout un défi » d’affronter l’une des meilleures équipes du championnat de Ligue 1.

Qu’est-ce que ça fait de ne pas être baptisée?

Avec quelques étudiant·es de la Faculté de théologie et de sciences des religions, le théologien du quotidien a imaginé, organisé et tenu un atelier «Bonheurs et peurs, les émotions en religion» dans le cadre des «Mystères de l’Unil» (journées portes ouvertes de l’Université de Lausanne). Nous avons proposé aux enfants de faire des expériences religieuses sensorielles, d’exprimer leurs émotions et de découvrir pourquoi et comment les religions utilisent ces goûts, ces images, ces musiques, ces parfums, ces textures, faisaient prendre des postures.

Cet après-midi, un événement est arrivé dans le quotidien du théologien. Après avoir fait l’atelier vue, une petite fille d’environ huit ans, lui demande abruptement :

– Monsieur, j’ai une question.

– Oui.

– Qu’est-ce que ça fait de ne pas être baptisée?

Il croit avoir bien répondu en lui demandant:

– À toi, qu’est-ce que ça fait?

Surtout qu’elle lui répond:

– Moi, je m’en fiche.

Mais si vous imaginez une meilleure réponse, n’hésitez pas à me la communiquer!

Le baptême, la peur, la confiance

Dans un commentaire sur mon article Eau de vie, eau de mort (#baptême) et sans doute après la lecture de l’article de Noriane Rapin Les non pratiquants veulent encore le baptême (auquel j’ai contribué), on me demande à propos du baptême:

« Qu’est-ce qu’il reste aujourd’hui de la nouveauté, du sens de ce geste [du baptême de Jésus par Jean Baptiste], au quotidien, dans les peurs rapportées dans les médias? »

Il reste qu’il est nécessaire d’annoncer l’Évangile dans un quotidien qui fait peur.

Il reste que le baptême offre la possibilité de l’annoncer aux familles non-pratiquantes.

Il reste à annoncer que Dieu offre la vraie vie, non pas vide de peur, mais pleine de confiance.

Il reste que le mal n’a pas le dernier mot.

Eau de vie, eau de mort (#baptême)

Un entretien sur le baptême (lire l’article de Noriane Rapin: Les non pratiquants veulent encore le baptême) m’a donné envie d’en écrire un peu plus sur ce thème (d’après un article paru dans La Vie protestante Berne-Jura en mai 2003) hors de toute actualité, sauf que le calendrier propose de fêter aujourd’hui la conversion de Paul et que les Églises chrétiennes proposent de prier cette semaine pour l’unité des chrétien·ne·s.


« Baptiser » vient du grec « baptizo » qui signifie « plonger dans l’eau »; être baptisé.e, c’est donc plonger dans l’amour de Dieu. Plonger, c’est toujours prendre des risques, surtout quand on ne sait pas nager. Et quand il s’agit de l’amour de Dieu, personne ne sait jamais nager! Plonger dans l’amour de Dieu, c’est donc risquer de se noyer dans cet amour, c’est accepter de se laisser submerger par cet amour. Mais comme par miracle, l’amour de Dieu, plus salé que la Mer morte, soutient et supporte toutes celles et tous ceux qui s’y jette; personne ne s’y noie, jamais.

On peut baptiser à tous les âges, des nourrissons jusqu’aux adultes. Ce qui ne dit pas exactement la même chose. Baptiser un nourrisson, c’est insister sur la grâce de Dieu. Le petit bébé ne sait rien, ne connaît rien; il n’a pas suivi l’école du dimanche, il ne lit pas la Bible, il ne va pas au culte; il ne sait pas ce qu’être chrétien veut dire; et pourtant, l’amour de Dieu le soutient. Baptiser un adulte, c’est insister sur le courage du baptisé; la grande personne sait; elle a suivi à l’école du dimanche, elle a lu la Bible, elle participe au culte; elle connaît ce qu’être chrétien exige; et pourtant, elle accepte de plonger dans l’amour de Dieu; et l’amour de Dieu la soutient.

Être baptisé, c’est se noyer, juste pour un instant, c’est mourir et renaître à la vie nouvelle. Quand Paul présente le baptême aux chrétien·ne·s de Rome, il écrit:

« Ignorez-vous que nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés? Par le baptême en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle. » Lettre aux Romains, chapitre 6, versets 3 à 4

Certain.e.s pensent qu’un vrai baptême doit noyer la personne baptisée, qu’elle doit être plongé entièrement dans l’eau, qu’elle doit suffoquer un instant et ressortir comme ressuscité; le symbole est beau. D’autres préfèrent verser simplement de l’eau sur la tête de la personne baptisée, parce que c’est là qu’est son identité; le geste est pratique. Mais le baptême ne dépend ni de l’âge, ni de la quantité d’eau. Il ne dépend que de l’amour de Dieu. D’ailleurs les Églises protestantes ne baptisent pas des protestant·e·s, ni l’Église catholique des catholiques, ni les Églises orthodoxes des orthodoxes, ni les Églises anglicanes des anglican·e·s. Elles baptisent simplement des personnes; elles témoignent ainsi que Dieu les aime; qu’il n’aime pas elles seulement mais qu’il les aime elles aussi.


À propos du baptême, on peut aussi lire sur mon blogue, l’avis des étudiant·e·s en théologie de l’Université de Montréal: Baptême – Apprentissage par problème.