ramadan

Profiter du Ramadan, c’est lait!

En Côte d’Ivoire, la marque de lait Candia propose trois emballages spéciaux pour le Ramadan, en édition limitée.

Depuis la page Facebook de Candia Côte d’Ivoire

  • L’étiquette rouge souhaite « Bonne rupture du jeûne ».
  • L’étiquette verte enjoint: « Partage avec les autres ».
  • Et l’étiquette bleu commande: « Rappelle-toi de prier ».

On sait que les marques sont prêtes à récupérer tout ce qui pourrait faire vendre. Mais là, la ficelle me semble quand-même un peu grosse. À qui fera-t-on croire que Candia se soucie réellement de la spiritualité de celles et ceux qui boivent son lait?

P.S. Grâce à cette publicité, j’ai au moins découvert que « Ramadan Kareem » est un souhait qui signifie « Généreux Ramadan ».

Le Ramadan en trois infos

Pour marquer le début du Ramadan, je propose trois infos pour rappeler ce dont il s’agit.


Sur l’alimentation en islam, on peut lire aussi mon billet: Nicole Rognon cuisine en contexte musulman.

Football et ramadan

TV5 Monde m’interroge sur un sujet délicat (lire l’article « Ramadan: faut-il interdire les pauses pour rompre le jeûne pendant un match, comme le veut la FFF?  » sur le site de TV5 Monde). La Fédération française de football (FFF) interdit aux arbitres d’interrompre les rencontres pour permettre que des footballeuses et footballeurs musulman·es qui pratiqueraient le jeûne du ramadan puissent se nourrir. Ce qui touche directement la question de la place de la religion dans le sport.

Rappels

  • Premier rappel : En 2017, le football français s’est donné une Charte d’éthique et de déontologie qui précise : « Le Football ne tient nullement compte de considérations politiques, religieuses, idéologiques ou syndicales de ses acteurs. Par leur intégration au sein du monde du Football, ceux-ci acceptent d’adhérer à ce principe et s’engagent à ne jamais utiliser le Football à ces fins-là, chacun devant faire preuve de tolérance à l’égard d’autrui. Un terrain de football, un stade, un gymnase, ne sont pas des lieux d’expression politique ou religieuse. » (article 6)
  • Deuxième rappel : L’islam fait du mois du ramadan un mois de jeûne entre l’aube et le crépuscule. Le Coran indique deux dérogations : « Quiconque d’entre vous est malade ou en voyage, devra jeûner un nombre égal d’autres jours » et « ceux qui ne pourraient le supporter qu’avec grande difficulté, il y a une compensation : nourrir un pauvre. » (Sourate 2 al-Baqarah, 184).

Les faits

La question de l’alimentation des joueuses et des joueurs musulman·es pendant les rencontres de football ne concerne que celles qui commencent avant le crépuscule et se terminent après (éventuellement avant et après l’aube, ce qui doit être très rare). Si la rencontre a lieu en pleine journée, toute alimentation est interdite ; si elle a lieu en pleine nuit, l’alimentation est autorisée. Pour les rencontres en soirées, certain·es arbitre ont introduit de courtes pauses dès que le coucher du soleil pour permettre aux joueuses et aux joueurs de s’alimenter. En réaction, la Commission fédérale des arbitres, instance de la FFF, a envoyé un courrier électronique aux arbitres indiquant :

« Il a été porté à la connaissance de la Fédération des interruptions de matchs suite aux ruptures du jeûne du ramadan. Ces interruptions ne respectent pas les dispositions des Statuts de la FFF. »

Mon avis

Entre « ne tenir nullement compte » et « faire preuve de tolérance », la FFF a choisi son camp. Elle refuse d’accommoder les joueuses et les joueurs musulman·es. Ce qui m’étonne, c’est que l’interdiction ne découle pas de considérations liées au jeu. On pourrait argumenter que ces pauses nuisent à la qualité d’une rencontre. Ce serait peu crédible, mais ce pourrait être un argument. Mais la FFF se place sur le plan politique. Elle invoque ses Statuts :

« La Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu’organes chargés d’une mission de service public déléguée par l’État, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d’empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d’une personne, en raison notamment de son sexe, de son orientation sexuelle, de son origine ethnique, de sa condition sociale, de son apparence physique, de ses convictions ou opinions. » (titre 1, section 1, article 1)

J’avoue que j’ai de la difficulté à comprendre comment un article empêchant toute discrimination en vient à pénaliser des footballeuses et des footballeurs musulman·es qui demande seulement que le football tienne compte de leur religion.


P.S. On m’apprend que la Premier League anglaise accepte ces mini pauses-repas. Le système peut donc rester humain. Et je découvre qu’en Italie, Luca Ranieri, joueur de la Fiorentina, a simulé une blessure pour donner à son coéquipier Soufiane Amrabat le temps de s’alimenter. L’être humain sait se montrer plus malin que le système.

Carême et Ramadan

On me demande (« on » étant Ici Radio-Canada, Première) la différence entre carême et ramadan. Voici ce que je peux écrire:

Tous les deux sont des temps de jeûne pour raison religieuse. Mais:

  • Le carême (les 40 jours qui vont du mercredi des cendres à la nuit de Pâques, sans compter les dimanches) est affaire de nourriture: il est interdit de manger gras (viande, sucre, œufs, etc.).
  • Le ramadan (les 28 jours du neuvième mois du calendrier musulman) est affaire de temps: il est interdit de manger entre le lever et le coucher du soleil.

Pour le plaisir et le sérieux, j’ajoute une citation de l’historien de l’alimentation Jean-Louis Flandrin (lire sa biographie sur l’Encyclopedia Universalis), qui compare le carême du Moyen Âge au ramadan.

« Au bas Moyen Âge et à la Renaissance, la réglementation s’était focalisée sur deux points seulement: le jeûne et l’abstinence. Le jeûne, au départ, c’était ne pas manger du tout pendant une période plus ou moins longue, à l’imitation du jeûne de quarante jours du Christ dans le désert. Pendant le haut Moyen Âge, il y a eu trois périodes de quarante jours de jeûne: une avant Pâques (qui et restée notre carême), une de la Saint-Martin à Noël et une, plus équivoque après la Pentecôte. À ces trois carêmes s’ajoutaient d’autres courtes périodes de jeûne comme les quatre-temps, les vigiles de certaines grandes fêtes, etc. Et le jeûne consistait à ne pas manger avant la tombée de la nuit, comme les musulmans le font toujours pendant le Ramadan – avec cette différence que l’abstinence de viande, voire de toute autre nourriture que le pain et l’eau rendait les nuits de ces jeûnes chrétiens bien moins réjouissantes que les nuits du ramadan. » Flandrin, Jean-Louis. L’ordre des mets. Paris: O. Jacob, 2002. 59-60


À propos du jeûne, lire aussi sur mon blogue: Ça jeûne et ça ne fait rien!