évangélisation

Faut-il se repentir dans la rue devant témoin à haute voix ?

Je ne me serais jamais posé une telle question, si je n’avais pas vécu cette expérience.

Je sors du métro et je rencontre un homme sympa et un peu illuminé. Il harangue les passant·es et fait de la propagande pour le christianisme. Il me tend une brochure publiée par une Église évangélique.

  • « La Bible dit que si tu as le Saint-Esprit, tu peux dire “Jésus est mon Seigneur”. Peux-tu le dire ? », qu’il me dit.

Je tergiverse un peu.

  • « Je peux dire que Jésus est le Christ », que je lui réponds.

Mais il ne se laisse pas rouler.

  • « Oui, il est le Messie. Mais c’est plus important de confesser qu’il est ton Seigneur », qu’il me dit.

De bonne humeur, je le fais.

  • « Jésus est mon Seigneur », que je confesse.

Il continue.

  • « Es-tu assez humble pour lire à haute voix devant moi la prière de repentance qui est à la page 3 ? », qu’il me demande.

Je crois bon de préciser que j’enseigne la théologie, ce qui ne semble pas l’intéresser. Alors, je lui explique.

  • « Quand lors d’un culte, je demande aux célébrant·es de le lire dans leur tête une première fois pour vérifier si elles et ils sont d’accord avec le texte », que je lui dis.
  • « D’accord », qu’il me répond.

Comme je trouve la prière un peu trop culpabilisante, je me défile.

  • « Le pardon, c’est une affaire privée entre Dieu et moi. Ta prière, je la lirai peut-être tout seul devant Dieu », que je lui dis.

Mais il n’abandonne pas.

  • « La Bible dit qu’il faut se repentir à voix haute devant un témoin », qu’il me répète.

Un peu lassé, je veux terminer à la discussion.

  • « Selon Jésus, où doit-on prier ? » que je lui demande.
  • « Dans sa chambre fermée à clef », qu’il me répond. [Matthieu chapitre 6, verset 6]
  • « C’est ce que je ferai », que je conclus.

Nous nous sommes mutuellement transmis la bénédiction divine et serrés la main. J’ai continué à marcher et lui à tenter de convertir les passant·es.

Conjuguer l’Évangile (les temps)

Présent: malgré les peines, les souffrances et les deuils, je crois ici et maintenant que la vie est un cadeau.

Imparfait: malgré tout mon orgueil, je crois quand même que je le suis.

Futur: envers et contre tout, je crois qu’il en existe plusieurs possibles, qu’il est commun et que nous devons choisir ensemble celui que nous voulons.

Passé simple: malgré le peu d’indices sur son existence, je crois qu’un simple être humain fut pleinement chrétien.

Passé composé: malgré mon désir d’autonomie, je crois que je suis l’héritier d’histoires collectives qui ont commencé bien avant moi.

Plus-que-parfait: contre les idoles qui veulent que je me soumette, je crois que seul Dieu est Dieu.

Futur antérieur: malgré ce que je vois et ce que j’entends, je crois qu’un nouveau monde a déjà commencé.


Conjuguer l’Évangile (les modes)

Infinitif: faire comme si rien n’était jamais définitif ni le bien ni le mal.

Indicatif: j’indique, je témoigne, je raconte plutôt que de démontrer ou d’asséner.

Impératif: n’en abuse pas de crainte de faire à autrui ce qu’il ou elle n’aimerait pas que tu lui fasses!

Subjonctif: que je reconnaisse que la vérité est toujours subjective, car elle m’implique comme sujet!

Conditionnel: je le supprimerais, car l’amour de Dieu est inconditionnel.


  • Demain à 9 h : Conjuguer l’Évangile (les temps)

Comment évangéliser les bons chrétiens?

Non, il n’y a pas d’erreur dans le titre.

On se demande souvent comment évangéliser les non chrétiens.

On se demande rarement comment évangéliser les bons chrétiens (et les bonnes chrétiennes, mais on manque alors le jeu de mot).

C’est-à-dire comment faire comprendre qu’être chrétien·ne, ce n’est pas un état mais un processus?

Pour paraphraser Nietzsche: « Il n’y a eu qu’un seul bon chrétien et il est mort sur la croix. »

Qui me dira alors comment rendre les mauvais·es chrétien·nes dont je suis le premier meilleur·es ou moins pires?

Cours à l’UNIL: Ecclésiologie et évangélisation

Cours de Master: Ecclésiologie et évangélisation

Ce printemps, à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne, je donne un cours intensif de Master sur le thème « Ecclésiologie et évangélisation« . Sa particularité? Il est théologique et pratique! Car les étudiant.e.s devront relever le défi de Saint-Laurent Église et proposer leurs idées et leurs projets pour « transformer les portes en seuils et les seuils en passages ». Y parviendront-ils/elles? Réponse sur mon blogue à la mi-mai!


Sur Saint-Laurent Église, on peut lire deux articles récents:

Trop de foi nuit à la santé spirituelle. Trop de chrétien-ne-s rend la terre indigeste. Et c’est Jésus qui le dit!

Dans les évangiles, Jésus utilise trois fois la métaphore du sel.

« C’est vous qui êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, avec quoi le salera-t-on? Il n’est plus bon qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens. » Évangile attribué à Matthieu, chapitre 5, verset 13

« Le sel est une bonne chose; mais si le sel perd sa saveur, avec quoi l’assaisonnerez-vous? Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix les uns avec les autres. » Évangile attribué à Marc, chapitre 9, verset 50

« Le sel est une bonne chose; mais si le sel devient fade, avec quoi l’assaisonnera-t-on? Il n’est bon ni pour la terre, ni pour le fumier; on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende! » Évangile attribué à Luc, chapitre 14, versets 34 et 35

Évidemment, Jésus s’est trompé. Le sel ne peut pas perdre sa saveur, il ne peut pas devenir fade. Car c’est le chlorure de sodium, c’est-à-dire le sel, qui fait le goût de sel et le goût du sel (d’autres minéraux peuvent donner à chaque sel un goût particulier). Ou alors, Jésus ne s’est pas trompé. Mais alors, il faut prendre sa métaphore au sérieux et admettre que, comme le sel, son/sa disciple ne risque pas de perdre sa saveur ni de devenir fade, qu’il n’a pas besoin de se faire assaisonner ni saler. Ce qu’il est, il le reste. Il ne sera jamais jeté dehors; il ne sera même jamais utilisé pour la terre ou le fumier.

Mais la métaphore soulève un deuxième problème, celui de la quantité.

Elle se pose sur un plan individuel. Car chez « Marc », la métaphore du sel concerne des individus. Jésus dit à ses disciples: « Ayez du goût! Soyez savoureux! Épicez votre existence! ». Et je trouve que Jésus a raison. Mais je sais que l’abus de sel est dangereux pour la santé. Et j’entends Jésus dire: « Ayez du sel en vous-mêmes… mais pas trop! ». Trop de foi (et je me refuse d’ajouter un qualificatif: une foi trop aveugle ou trop fanatique) nuit à la santé spirituelle.

Mais le risque vaut aussi collectivement. Car chez « Matthieu », la métaphore du sel concerne le monde et la société. Jésus dit à ses disciples: « C’est à vous de donner du goût, de la saveur au monde! C’est à vous d’épicer la société, d’y mettre votre grain de sel! ». Et je trouve que Jésus a raison. Mais je sais que trop de sel rend les plats immangeables. Et j’entends Jésus dire: « C’est vous qui êtes le sel de la terre… mais ne soyez pas trop nombreux! ». Trop de chrétien-ne-s rend la terre indigeste. Et je n’ai pas besoin de convertir tout le monde; et je peux même me réjouir qu’il y ait, là où je vis, moins de chrétien-ne-s.